Serpentinisation hydrothermale et altération latéritique des roches ultrabasiques en milieu tropical
Evolution des concepts d’altération des minéraux du groupe du platine
C’est à Augustithis (1965) que nous devons, la première hypothèse de formation de MGP en milieu latéritique sur le complexe ultrabasique de Joubdo en Ethiopie. Deux ans plus tard, Ottemann et al., (1967) suggèrent la formation des MGP pendant la serpentinisation hydrothermale du massif.
Evolution des MGP pendant la serpentinisation hydrothermale
Les premières évidences de formation de MGP à partir de MGP précurseurs pendant la serpentinisation ont été apportées par Stockman et al., (1984). Ils ont montré que les alliages riches en Ruthénium découverts dans les chromitites ophiolitiques du sud-ouest de l’Oregon sont le résultat d’une désulfuration de laurite pendant la serpentinisation hydrothermale.
Evolution des MGP en milieu latéritique
La latéritisation est une transformation majeure qui affecte le tiers des terres émergées du globe (Pedro, 1968, Nahon, 1986 ; Tardy, 1993) (Figure I-1). C’est un processus majeurs qui modèle la surface des continents, et assure le cycle géochimique des éléments . Figure I- 1 : Domaine de développement et/ou de conservation des couvertures latéritiques d’après Pedro (1968). Les latérites fossiles d’Europe et d’Amérique ne sont pas représentées. Ce processus d’altération supergène intense, concentre dans les matériaux superficiels d’altérites et parfois jusqu’au seuil d’accumulation économique, divers métaux semi-précieux et précieux (Ni, Co, Mn, Au etc.). Les premières hypothèses de remobilisation chimique d’éléments du groupe du platine en milieu exogène remonte au début du siècle (Wagner, 1929). Au cours des trois dernières décennies, de nombreux travaux thermodynamiques et d’études de terrain ont montré la solubilité à des degrés variables, des éléments du groupe du platine en environnements supergènes Les EGP dissous sont susceptibles d’être complexés par un certain nombre de ligands présents dans les environnements latéritiques, transportés et précipités sous forme de MGP secondaires . Mountain et al. (1988) par une approche thermodynamique, ont montré que les principaux ligands susceptibles de complexer les EGP dans les eaux naturelles sont : Cl- , HS- , OH- , NH3, S2O3 2- et les acides organiques (OA- ). Mais la plupart de ces ligands sont trop dilués dans les sols et profils d’altération latéritique (Fuchs et al., 1974). Wood en 1991, a montré expérimentalement l’importance des ions OH- pour le transport du platine dans les eaux de surface à 25°C et dans une gamme de pH variant en 9 et 15.5. A la suite, Azaroual et al. (2001), à 25°C et dans une gamme de pH comprise entre 4 et 10 (conditions physico-chimiques plus proches de celles des systèmes aqueux de surface), confirment l’importance des complexes hydroxylés dans le transport du platine dans les systèmes aqueux de surface et de subsurface avec, 90% du platine transporté sous forme de PtOH+ , 9.7% sous forme de Pt(OH)2(aq), 0.2% sous forme de PtCl4 2-, et 0.1% sous forme de PtCl3 – . La proportion de platine transporté sous forme de complexes chlorurés dans les environnements hydrogéochimiques de surface et de subsurface paraît donc insignifiante, sauf dans les cas de sites soumis à l’influence de vents marins comme le site de la Rivière des Pirogues. I.2 Objectifs de l’étude L’histoire des platinoïdes en Nouvelle-Calédonie remonte au début des années 1980. La première minéralisation décrite est une minéralisation en osmium-iridiumruthénium, associée aux chromitites podiformes du massif ultrabasique de Tiébaghi. Ce type de minéralisation, localisé au sommet des séries mantelliques des complexes ophiolitiques, est assez classique et plusieurs indices et gisements sont connus (Harris et al., 1973 ; Stockman et al., 1984 ; Augé, 1985 ; Ohnenstetter et al., 1991 ; Garuti et al., 1999). Les éléments du groupe du platine associés à ce type minéralisation ne présentent qu’un faible intérêt économique. Au début des années 1990, une campagne de prospection d’éléments du groupe du platine est lancée par le BRGM dans le cadre de l’inventaire des ressources minières de la métropole et des départements et territoires d’outre-mer. Le volet consacré au Massif ultrabasique du Sud, met en évidence plusieurs indices dans les secteurs dunito-gabbroïques de Prony, de la Rivière des Pirogues, de la plaine des lacs et de l’île Ouen (Maurizot, 1992 ; 1993). Ces anomalies, associées à des chromitites stratiformes et localisées dans les séries cumulatives du complexe ophiolitique, révèlent un intérêt économique à cause du rôle majeur joué par le platine (élément à forte potentialité économique) vis-à-vis des autres éléments du groupe du platine. De ce fait, les minéralisations du massif du sud, singulièrement l’anomalie de la Rivière des Pirogues a fait l’objet de nombreux rapports miniers et de publications Chapitre I : Introduction & Méthodologie 11 scientifiques (Maurizot, 1992, 1993 ; Augé et al., 1994, 1995, 1998). La minéralisation en roche de la Rivière des Pirogues présente une paragenèse dominée par des alliages de type isoferroplatine et des minéraux du système Pt-Fe-Cu. On y trouve aussi des sulfures, en majorité de la coopérite (PtS) et dans une moindre mesure des thiospinelles : malanite-cuprorhodsite-cupriridsite de formule générale (Cu, Fe)(Pt-, Ir, Rh)2S4. Une phase inhabituelle et non nommée d’oxydes d’éléments du groupe du platine est mise à jour (Augé et al., 1994, 1995). La minéralisation en roche, considérée comme primaire dans cette étude est contrôlée par des chromitites et des dykes de pyroxénites chromifères (Maurizot, 1992 et 1993 ; Augé et al., 1995, 1998). Les éléments du groupe du platine forment des minéraux du groupe du platine en inclusion dans les cristaux de chromite (Augé et al., 1995). L’ensemble des métallotectes se situent dans la zone de transition entre les niveaux de dunite et de pyroxénite (Maurizot, 1992 ; Augé et al., 1995). Le manteau d’altération, développé au dépend de la minéralisation en roche, montre un enrichissement systématique en platine et en palladium en comparaison à la roche parentale. Le découplage entre les enrichissements en platine et en chrome dans le manteau d’altération a suggéré l’hypothèse d’une dissolution, transport et précipitation des éléments du groupe du platine sous forme de nouveaux minéraux du groupe du platine (Augé et al., 1995). Mais cette hypothèse de formation de minéraux du groupe du platine en milieu latéritique, défendue par Bowles et al. (1986, 1994 et 1995), est loin de faire l’unanimité, et l’opinion contraire veut que les minéraux du groupe du platine demeurent inertes en milieu supergène. Cependant, si la formation de minéraux du groupe du platine en milieu latéritique est loin d’être formellement établie, les évidences d’une mobilité des éléments du groupe du platine ont largement été apportées (Fuchs et al., 1974 ; Bowles, 1986, Mountain et al., 1988 ; Salpeteur et al., 1995 ; Gray et al., 1996 ; Bandyayera, 1997 ; Sassini et al., 1998 ; Middlesworth et al., 1999 ; Varajao et al., 2000 ; Azaroual et al., 2001 ; Oberthür et al., 2003). Le site de la Rivière des Pirogues, sur lequel il s’est développé et préservé un épais manteau latéritique platinifère, surmontant une minéralisation en roche accessible et bien caractérisée (Augé et al., 1994, 1995, 1998), constitue un environnement propice pour tracer l’évolution géochimique et minéralogique des phases porteuses d’éléments du groupe du platine en milieu latéritique. Les objectifs de ce travail ont été : ¾ la caractérisation de l’origine endogène, hypogène ou supergène des phases oxydées d’éléments du groupe du platine, ¾ la compréhension du devenir géochimique et minéralogique des minéraux du groupe du platine en milieu latéritique, ¾ la qualification du mode de dispersion des éléments du groupe du platine en milieu supergène,
CHAPITRE I : Introduction et Méthodologie |