Sensibilité aux insecticides des populations d’Aedes aegypti (L.), vecteur épidémique de la dengue

Sensibilité aux insecticides des populations d’Aedes aegypti (L.), vecteur épidémique de la dengue

Généralités sur Aedes (Stegomyia) aegypti

L’espèce Ae. aegypti (L.) appartient au Règne Animal, à l a Série des Métazoaires, à l’Embranchement des Arthropodes, à la Super – classe des Trachéates, à la Classe des Hexapodes ou Insectes, à la Sous-classe des Ptérygotes, à l’Ordre des Diptères, au Sous-ordre des Nématocères, à la Famille des Culicidae, à la Sous-famille des Culicinae, au tribu des Aedini et au Genre Aedes. Cet insecte a été décrit à partir de spécimens provenant du sud de l’Égypte en 1762 par Karl Von Linné lui-même. Depuis cette époque, ses facultés d’adaptation à l’environnement humain lui ont permis de coloniser l’ensemble des pays tropicaux et tempérés doux du monde entier, notamment en Afrique de l’ouest où il s’est imposé comme le principal vecteur de la dengue. Les habitudes de cette espèce sont quelque peu variables. Là où la dengue représente une menace importante, Ae. aegypti tend à prendre la plupart de ses repas sur des humains (anthropophile), il se nourrit fréquemment, souvent d’hôtes multiples. Il pique durant toute la journée, à l ’intérieur comme à l ’extérieur. Son activité est souvent la plus intense (pic d’agressivité) à l’aube et au crépuscule, c’est-à-dire lors des changements d’intensité lumineuse. C’est un m oustique qui ne s’éloigne guère de plus de 100 mètre de son gîte d’origine, mais qui rentre volontiers dans les maisons pour piquer ou pour se reposer. Il préfère les couleurs sombres comme le noir et le rouge (Degallier et al., 1988). Le vol est discret et prudent. Il s’envole facilement quand il est dérangé au cours d’un repas de sang, et peut donc piquer plusieurs personnes au cours d’un même cycle gonotrophique. Ce comportement a une grande importance épidémiologique. En effet, une femelle infectée, en piquant 3 ou 4 personnes pour un seul repas sanguin, peut propager la maladie 3 ou 4 fois plus efficacement. Plusieurs facteurs biotiques et abiotiques contribuent à leur développement. C’est le cas de la prédation, la compétition, la pluviométrie (création de gîtes), la température, l’humidité, le vent… En Asie et dans les Amériques, Ae. aegypti se reproduit principalement dans les récipients fabriqués par l’homme, alors qu’en Afrique, en plus des récipients artificiels (canaris, futs, bassins, pneus usés, boîtes de conserve, fonds de bateaux et autres dispositifs pouvant contenir de l’eau), l’espèce colonise diverses cavités naturelles (creux d’arbres, tiges 3 de bambou coupé, cosses de fruit, coquille de gastéropodes, creux de rochers, aisselles de feuilles, mares, cours d’eau douces et eaux saumâtres) (Moncayo et al., 2004; OMS, 1998). Les vertébrés ont un rôle principal vis à vis des moustiques c’est à dire d’assurer leur nourriture. De leur abondance, disponibilité et attractivité dépendront le maintien et le développement d’une population de moustiques. La nutrition et le métabolisme sont deux éléments qui jouent un rôle important dans le comportement des moustiques. De l’état des réserves énergétiques dépendent en effet l’activité et la puissance du vol qui conditionne la dispersion dans l’habitat et le déroulement des cycles ovaro-utérins chez la femelle adulte. Chez Ae. aegypti, seule la femelle est hématophage. Le mâle se nourrit exclusivement de jus sucrés; il ne pique donc pas et ne joue pas de rôle vecteur. Le repas de sang (3 à 4 µg), riche en protéines, est nécessaire pour la maturation des œufs à la suite de quoi, la femelle pond et se nourrit à nouveau. Le cycle gonotrophique (intervalle de temps qui sépare deux repas de sang) varie en fonction des conditions climatiques locales, de l’activité sexuelle et de la présence d’hôtes disponibles et est en moyenne de 2 à 3 jours. Les habitudes alimentaires d’Ae. aegypti sont en général assez spécifiques bien qu’elles puissent varier en fonction de la disponibilité des hôtes nourriciers en un lieu donné et des conditions climatiques locales. La durée de vie moyenne des Aedes est de 15 à 21 jours. Ae. aegypti, a une distribution géographique cosmopolite en régions tropicales et subtropicales (fig. 1)(Black et al., 2002, Wilder-Smith et al., 2005). Zones infestées par Aedes aegypti Zones infestées par Aedes aegypti et où circule le virus de la dengue Figure 1: Distribution mondiale de Aedes aegypti (Source: OMS, 2006) 4 Cette expansion géographique a été particulièrement favorisée par le commerce international des pneus usagés qui, avec l’eau de pluie accumulée, constituent des habitats intéressants pour les moustiques femelles au moment de l’oviposition.

Généralités sur la dengue

Avec 2,5 milliards d’individus à risque dans la zone tropicale et intertropicale et environ 100 millions de cas chaque année, la dengue est la plus importante des maladies arbovirales humaines (Focks et al., 1995). Elle constitue un grave problème de santé publique en Asie du Sud, dans les Caraïbes, les îles du Pacifique et en Amérique latine (Gibbons et al., 2002; Gubler et al., 2002). Elle sévit dans la plupart des pays tropicaux et dans certaines régions subtropicales, en général entre 35° de latitude nord et 35° de latitude sud, ce qui correspond approximativement à l’isotherme hivernal de 10°C (figure 8). Elle montre une certaine prédilection pour les zones urbaines et semi-urbaines (Sall et al., 2003). Le virus de la dengue qui appartient à la famille des Flaviviridae et au genre flavivirus est constitué de 4 sérotypes (VDEN 1, 2, 3 e t 4) qui, bien que similaires du po int de vue épidémiologique, sont antigéniquement et génétiquement distincts. La maladie peut se produire dans trois différentes formes appelées : dengue classique, dengue hémorragique (DH) et dengue associée à un syndrome de choc qui peut être fatale. Deux cycles de transmission de la dengue ont été décrits i) un cycle endémoépidémique impliquant l’homme avec une transmission par les vecteurs domestiques et péridomestiques principalement Ae aegypti et Ae albopictus mais aussi d’autres moustiques Aedes servant de vecteurs secondaires. Dans ce cycle de transmission, les vecteurs péridomestiques pondent des oeufs dans des récipients de stockage d’eau à la suite de repas de sang – nécessaires à la production des œufs et à leur nutrition – auprès des populations humaines et entretiennent ainsi la transmission lorsqu’ils sont infectés par le VDEN ii) un cycle selvatique zoonotique (Diallo et al., 2003; Cornet et al., 1984) qui existe dans des habitats de forêt en Afrique de l’Ouest et en Malaisie et impliquant des primates non humains et plusieurs espèces différentes d’Aedes sauvages (Ae. africanus, Ae. luteocephalus, Ae. opok, Ae ; furcifer, Ae. taylori…). Il n’existe pas de traitement spécifique de la dengue et les patients infectés font l’objet d’un traitement symptomatique. En matière de prévention, le seul outil disponible est la lutte anti-vectorielle bien que son efficacité à moyen terme soit très largement débattue. En effet, il n’y a pas de vaccin disponible contre la dengue bien que plusieurs candidats soient en cours d’évaluation en laboratoire ou dans des essais cliniques chez l’homme 5 En Afrique de l’Ouest, la dengue est d’un intérêt particulier en raison de ses caractéristiques uniques épidémiologiques (Monlun et al., 1992). Dans le cadre d’études réalisées au Sénégal et en Afrique de l’ouest, il a été démontré l’existence d’un cycle selvatique du virus de la dengue 2 (Diallo et al., 2003; Saluzzo et al., 1986) qui semble être le mode prédominant de circulation de ce virus contrairement a ux schémas connus de transmission dans les autres régions du monde (Asie, Amérique du sud) où la transmission inter-humaine est prédominante. En Afrique depuis le premier isolement au Nigeria en 1964 (Moore et al., 1975; Carey et al., 1971), plusieurs manifestations épizootiques du virus DEN2 ont été mises en évidence à travers des amplifications périodiques du cycle selvatique en marge desquelles des cas humains sporadiques ont été observés. Malgré ces f réquentes flambées épizootiques les épidémies étaient quasi inexistantes en Afrique. Dans le passé, la seule épidémie de dengue connue en Afrique de l’Ouest est celle qui a eu lieu au Burkina Faso en 1982 (Sall et al., 2003) et qui serait occasionnée par l’introduction d’une souche épidémique des Seychelles (Zeller, 1998). Concernant la dengue 3, les seules épidémies notifiées en Afrique ont été celles qui ont eu lieu au Mozambique et en Somalie en 1985 et 86 tandis que le sérotype 4, n’a été mis en évidence jusqu’en 2007, qu’ au Sénégal. Concernant le sérotype 1, de s arguments sérologiques plaident en faveur de manifestations épidémiques dans plusieurs pays d’Afrique (Sénégal, Côte d’ivoire, au Nigeria etc.) Ce profil épidémiologique particulier de l’Afrique semble subir des changements aux regards de récentes épidémies de dengue enregistrées en 2008 e t 2009 dans plusieurs pays d’Afrique. C’est le cas du Gabon, Mali où le virus dengue 2 a été à l’origine d’importantes épidémies, de la Côte d’Ivoire où l es sérotypes 1, 3 et 4 ont concomitamment circulé, du Sénégal et des îles du Cape Vert qui font présentement face à une épidémie due au sérotype 3.

Table des matières

INTRODUCTION
I.CHAPITRE I – SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
I. 1. GÉNÉRALITÉS SUR AEDES (STEGOMYIA) AEGYPTI
I. 2. GÉNÉRALITÉS SUR LA DENGUE
I. 3. PRÉVENTION ET CONTROLE D’AEDES AEGYPTI
I. 4. LUTTE CHIMIQUE CONTRE LES MOUSTIQUES ADULTES
I. 5. SENSIBILITÉ DES VECTEURS AUX INSECTICIDES
I. 6. LA NOTION DE CONCENTRATION DIAGNOSTIQUE
CHAPITRE II – MATÉRIELS ET MÉTHODES
II. 1. PRÉSENTATION DES SITES D’ÉTUDE
II. 1. 1. Situation et aspect géoclimatique de la région de Dakar
II. 1. 2. Caractéristiques socio-économiques et aspect démographique de la région de Dakar
II. 1. 3. Situation et aspect géoclimatique du Cap-Vert
II. 1. 4. Caractéristiques socio-économiques et aspects démographiques des îles du Cap Vert10
II. 2. MATÉRIEL BIOLOGIQUE : ÉCHANTILLONNAGE, SÉLECTION ET PRÉPARATION DES SOUCHES DE MOUSTIQUES
II. 3. DÉTAIL DU PROTOCOLE STANDARDISÉ POUR LES TESTS DE SENSIBILITÉ
II. 6. OUTILS STATISTIQUES
CHAPITRE III – RÉSULTATS ET DISCUSSION
III. 1. ÉVALUATION DE L’EFFET “KD” DE DIFFÉRENTS INSECTICIDES ORGANIQUES
III. 2. SENSIBILITÉ DES SOUCHES D’AEDES AEGYPTI DE DAKAR ET DU CAP-VERT AUX DOSES
DIAGNOSTIQUES D’INSECTICIDES
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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