Sauvegarde du pont tournant de Dieppe
La protection du patrimoine – le cas particulier des ponts mobiles
Nombre d’exemples significatifs dessinent une histoire du vandalisme en matière d’ouvrages d’art. Par exemple, la destruction vers 1960 du pont suspendu de Tournon, édifié par Marc Séguin vers 1820, et ancêtre des ponts suspendus par câbles.
A Saint-Brieuc, en 1995, le viaduc de Souzin, construit en sidéro-ciment par Harel de La Noë en 1905, dominant de 32 mètres un profond vallon, a été détruit suite à une décision précipitée associée à une étape du Tour de France cycliste, en contrebas.
Les risques étaient alors mal identifiés pour les coureurs. Aujourd’hui, les cyclistes ordinaires suivent l’ancienne voie ferrée, reconvertie en piste cyclable, mais sont contraints de descendre au fond du vallon et de remonter l’autre pente suite à la destruction du pont. Un autre exemple, le pont de Tolbiac à Paris a été démonté en évoquant son possible remontage.
Il est entreposé, en pièces détachées, dans l’Eure-et-Loire. Ouvrage tournant en fer puddlé, tout comme le pont Colbert, le pont a été construit en 1861 pour franchir le petit canal de Martigues. En 1948 est édifié un nouveau pont mobile de plus gros gabarit, de type levant : il sera converti en 1956 en pont « fixe » en raison du transfert de la navigation Méditerranée/étang de Berre par le nouveau canal de Jonquières.
Le pont tournant de 1861, après avoir permis le passage de centaines de blindés vers l’ouest, lors du débarquement de Provence en 1944 – preuve de sa solidité, devient une passerelle pour piétons.
En 1997 la municipalité décide de remplacer les deux ponts par un seul, appelé aujourd’hui le «pont bleu». Une association est créée par des martigaux et rencontre une forte audience locale, relayée sur le plan national par l’association CILAC, afin que la passerelle soit conservée.
Le ministère de la Culture, alerté, n’empêche pas la construction d’un nouveau pont mais recommande que la passerelle soit déplacée et conservée dans une perspective « muséale ». Le bâti de l’ancien pont mobile est finalement transporté et déposé soigneusement au pied du viaduc de Caronte,
dans une friche industrielle appelée « La pompe à huile », en attendant qu’un lieu soit trouvé pour sa valorisation patrimoniale en tant qu’objet mobilier. Progressivement envahi par les ordures, vandalisé et découpé, depuis sa relégation sur ce quai de l’oubli, il sera finalement livré aux ferrailleurs 14 ans plus tard, par le port autonome de Marseille, en 2012, signant l’échec du processus de patrimonialisation du pont