S’APPROPRIER ET EXPOSER L’ALTÉRITÉ et L’EXEMPLE DES DISPOSITIFS MUSÉAUX ET MARCHANDS

S’APPROPRIER ET EXPOSER L’ALTÉRITÉ et L’EXEMPLE DES DISPOSITIFS MUSÉAUX ET MARCHANDS

Nous avons vu tout au long de cette recherche que la valeur des objets ethnographiques est fixée selon un cadre de conventions sociales et économiques défini par l’ensemble des acteurs du champ : musées et marchés participent tous deux à la stabilisation du champ, incertain. Les circuits de reconnaissance sont dédoublés, entraînant une lutte pour la position dominante dans le champ. L’appropriation de cette parole d’autorité passe majoritairement par des outils discursifs, dont un des plus importants est l’exposition. Ce chapitre a donc pour objectif de braquer sa focale sur l’exemple de l’exposition et de l’appréhender comme un outil aux multiples facettes : elle permet en effet à la fois d’exposer les conventions selon lesquelles les acteurs pensent que l’objet est valorisé, mais aussi de transmettre et de diffuser ces conventions. En outre, l’exposition est aussi pour chaque acteur un outil de (dé)monstration de sa connaissance, laquelle au cœur des stratégies des acteurs du champ peut permettre de revendiquer ou d’asseoir une position dominante dans la proposition nouvelle, comme nous l’avons vu supra dans l’état de l’art654 : Brigitte Derlon et Monique Jeudy-Ballini (2008: 13-15), par exemple, traitent de cette appropriation par les collectionneurs d’art africain et océanien et incluent l’exposition comme outil important de cette appropriation et de sa diffusion. Nous avons aussi vu dans le premier chapitre de ce travail comment nombre d’auteurs ont souligné le caractère médiatique de l’exposition, vue comme un processus de transmission d’un message signifiant et construit (Karp et Lavine, 1991, Mairesse, 2010b, Mairesse et Hurley, 2012). Si le chapitre précédent s’est arrêté sur la construction de la valeur des objets ethnographiques, ce chapitre se consacre quant à lui à l’analyse et à la comparaison des différentes formes d’expositions présentes dans le champ et  observées durant ce terrain de recherche. Ceci devrait permettre de cerner quelle forme de représentation de l’altérité les expositions véhiculent et comment elles le véhiculent. Pour ce faire, nous commencerons par revenir sur le terme d’exposition entendu ici. Cette définition posée nous amènera à considérer tous les « moments expositionnels » se déroulant dans le champ et à nous pencher sur leurs caractéristiques. Enfin, la deuxième partie de ce chapitre mettra en lumière les différentes modalités d’exposition de l’objet ethnographique et, en les comparant entre institutions muséales et marchés, esquissera les formes d’appropriation plébiscitées dans le champ et participant, par conséquent, à la valeur des objets ethnographiques.

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LES DISPOSITIFS EXPOGRAPHIQUES D’OBJETS ETHNOGRAPHIQUES

 Donner à voir, mettre en valeur, rendre efficace, mettre en exposition, mettre en espace, muséographier, scénographier, expographier, disposer, exposer, présenter, montrer, installer… La recherche sur les expositions s’est considérablement développée ces dernières années et s’est enrichie de nuances sémantiques et de concepts nouveaux. Il apparaît donc essentiel ici de s’arrêter sur la définition de l’exposition entendue dans le reste de ce chapitre et sur les conséquences méthodologiques et épistémologiques de ces présupposés. La plupart des définitions élaborées en muséologie ou en histoire de l’art accordent une place importante au dispositif : pour Jean Davallon, l’exposition est un « dispositif résultant d’un agencement de choses dans un espace avec l’intention (constitutive) de rendre celles-ci accessibles à des personnes (sujets sociaux) » (Davallon, 1999: 1) ; pour Claire Merleau-Ponty et Jean-Jacques Ezrati, la muséographie est « un ensemble de dispositifs », qui se différencient de la scénographie ou de la mise en espace (Ezrati et Merleau-Ponty, 2005: 190) ; pour François Mairesse et Cécilia Hurley, le dispositif et le display sont deux éléments centraux de toute mise en exposition (Hurley, 2011, Mairesse et Hurley, 2012). recherche, à celui d’appareil655. « Ensemble résolument hétérogène » (Foucault, 1998: 299) composé des praxis, de savoirs, de mesures, d’institutions dont le but est de gérer, de gouverner, de contrôler et d’orienter les comportements, les gestes et les pensées des hommes » (Agamben, 2014, p. 28), le concept de dispositif désigne non seulement l’ensemble de différents éléments, mais aussi leurs relations les uns par rapport aux autres et leur propension à garantir les positions d’autorité à l’œuvre dans un champ. Il est donc bien ici question d’un outil de négociation des légitimités et des places dans la hiérarchie du champ et il est pertinent d’employer le terme de dispositif expographique pour désigner les présentations d’objets ethnographiques dont l’analyse est faite ici. Le dispositif expographique désigne alors non seulement l’action d’exposer et le système dans lequel s’insère cette action.

 

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