Saisir les modes d’articulation du service public et de la RSE
Nous avons mis précédemment en lumière les capacités et les limites du SP et de la RSE à répondre de façon durable et équitable aux besoins des individus et de la société. Nous souhaitons maintenant : – explorer l’univers des possibles articulations des logiques qui les sous tendent et de la recherche de profitabilité dans les grands services publics historiques de réseaux
– et élaborer des scénarii présentant différents modes, actuels ou potentiels, de définition (s) de la RSE et de démarche (s), adaptés au contexte de ces entreprises. Pour y parvenir, nous rappellerons d’abord, la modélisation des conceptions de la RSE opérée par Brabet (2004, 2006, 2009) ; Brabet et Maurel (2009). Nous la présenterons comme une synthèse des évolutions des conceptions historiques mises en exergue dans le chapitre précédant (II.1.1).
Nous nous intéresserons ensuite aux travaux d’auteurs qui ont exploré le lien RSE-SP dans les grands services publics de réseaux français. Ils nous éclaireront sur la manière dont ces entreprises appréhendent une RSE volontariste (II.1.2).
Puis, nous préciserons les scénarii qui structureront notre cadre théorique. Ils sont au nombre de trois. Deux de ces scénarii décrivent des situations extrêmes, contrastées de déploiement de démarche RSE dans un grand service public de réseaux. Le contraste repose sur l’importance, plus ou moins forte, accordée aux logiques du SP, du DD et de la profitabilité. Le troisième projette une vision plus nuancée (II.1.3).
Une modélisation des conceptions de la RSE Brabet (2004, 2006, 2009) ; Brabet et Maurel (2009) distinguent quatre grandes conceptions de la RSE43 en fonction notamment de leur manière différente de hiérarchiser les trois piliers du DD :
« le premier modèle affiche clairement sa priorité économique sans discussion possible. Le deuxième et le troisième modèle discutent de la priorisation à travers la RSE dans le cadre de l’économie de marché. Le quatrième et dernier modèle ne croit la priorité
Les auteurs ont construit leur modèle de RSE à partir d’une exploration de la littérature, du contenu de discours et d’observations de pratiques s’inscrivant dans le champ relativement récent de la RSE. Saisir les modes d’articulation du service public et de la RSE 102 sociale ou environnementale possible que si certains biens (matériels ou immatériels) sont sortis du marché pour en redéfinir collectivement la valeur » (Brabet et Maurel, 2010, p. 63).
Nous rappelons cette modélisation, en insistant plus particulièrement sur les deux derniers modèles car l’un, le modèle de la « régulation démocratique de la RSE », renvoie au système hybride français de la RSE et l’autre, celui « de la défense des solidarités et des biens publics (mondiaux) », met en scène des possibles articulations entre le SP et la RSE, entendue comme l’ensemble des Initiatives Volontaires d’entreprises.
Nous détaillerons ensuite la façon dont celle-ci va nous guider dans la construction de notre cadre d’analyse. Le premier modèle, fondé à partir des théories de l’économie classique et néo-classique, correspond à l’approche de la « primauté des actionnaires ». Il présente les marchés « efficients », permettant naturellement la convergence entre l’intérêt individuel et collectif,
comme le meilleur mode de régulation. Dans cette perspective, la mission pour les entreprises consiste à satisfaire les actionnaires, en leur assurant la hausse du cours de l’action et en leur versant des dividendes, les plus élevés possibles et c’est par la réussite de cette mission que les entreprises contribuent au bien être collectif. Les entreprises n’ont donc pas à se préoccuper des deux autres piliers du DD. On peut classer dans ce courant, les disciples de Friedman (1962) comme Henderson (2001).