Sélection des étoiles
L’échantillon d’étoiles
L’échantillon d’étoiles que j’ai étudié durant ces trois années de thèse, contient 19 étoiles dont le type spectral s’échelonne de F4 à B2. Cet échantillon est hétérogène du fait que les étoiles ont été observées dans le cadre de différents programmes scientifiques, dont les objectifs diffèrent de l’un à l’autre. De ce fait, les étoiles de cet échantillon ne présentent pas toutes des caractéristiques communes. Cependant, l’objectif de mon étude était de constituer un échantillon aussi large que possible afin de déterminer la composition et l’état physique de la composante gazeuse circumstellaire autour d’étoiles d’ˆages et donc d’états d’évolution différents, ceci afin de mieux comprendre l’origine de ce gaz et son évolution jusqu’aux dernières phases de la formation planétaire. La plupart des étoiles de type spectraux plus tardifs que B9 ont été observées dans le cadre du “Programme Disques Circumstellaires” de FUSE (programmes P et Q, voir Table 2.1). Initialement, les cibles de ce programme ont été sélectionnées pour leurs similitudes spectrales connues ou suspectées avec l’étoile β-Pictoris (Grady et al. 1996, 1997). Ces étoiles présentent des excès de flux infrarouge ainsi que des caractéristiques spectroscopiques, en particulier des composantes en absorption fines dans le domaine des IR, variables et décalées vers le rouge par rapport à l’étoile, qui laissent supposer la présence de matière circumstellaire. Les étoiles Be de l’échantillon, pour lesquelles aucune preuve directe de disque n’a été trouvée, ont été observées dans le cadre de programmes du temps ouvert de l’instrument (voir Table 2.1), et ont été sélectionnées selon trois critères principaux : – un fort rougissement, preuve de la présence d’une quantité significative de poussières circumstellaires. – une valeur élevée du v sin i qui assure que, dans le cas o`u un disque est présent, la ligne de visée traverse le disque. En effet, un v sin i élevé est une preuve d’un 17 Sélection des étoiles 18 Sélection des étoiles angle d’inclinaison important de l’axe de rotation de l’étoile par rapport à la ligne de visée. – un type spectral plus précoce que B9 qui garantit un flux photosphérique important dans le FUV, permettant l’observation de raies d’absorption. Les étoiles observées sont, pour la plupart, des étoiles pré-séquence principale appartenant à la classe des étoiles Ae/Be de Herbig. Deux étoiles de cet échantillon, HD141569 et HD109573, sont des étoiles de Herbig dites de transition. Certains auteurs les classent étoiles de Herbig, alors que d’autres les qualifient d’étoiles de la séquence principale. En effet, ces objets de transition présentent des caractéristiques d’étoiles de Herbig mais dans un diagramme HR, elles apparaissent sur la ZAMS. Enfin, l’échantillon contient β-Pictoris, qui est une étoile de la séquence principale de type spectral A5. La Table 2.2 présente les paramètres stellaires principaux de ces étoiles. Pour certaines étoiles, les températures effectives et les v sin i ont été déterminés par l’ajustement d’un spectre synthétique sur les spectres FUV et UV. En effet, pour une même étoile, des températures effectives très diverses (sur des intervalles de plusieurs milliers de Kelvins) sont répertoriées dans la littérature, et dépendent du type d’observations et/ou de la méthode utilisée pour la détermination. En ce qui concerne HD100546 et HD176386, ces deux étoiles sont répertoriées dans la littérature comme ayant quasiment la même température effective, 10470 K pour HD100546, et 10700 K pour HD176386, et donc le même type spectral (B9V). Or, la distribution spectrale d’énergie dans le FUV de ces étoiles est totalement différente. Le flux photosphérique de HD176386 dans le FUV est détectable jusqu’à 1000˚A, alors que celui de HD100546 devient très faible en-dessous de 1100˚A, ce qui prouve que cette dernière est beaucoup plus froide. L’ajustement de spectres synthétiques d’atmosphère stellaire sur les spectres observés, a permis d’estimer la température de HD176386 à ∼12 000 K. La même méthode a été utilisée pour plusieurs étoiles de l’échantillon (voir Annexe A et Bouret et al. 2003). Les ages ˆ et les masses des étoiles ont été calculés pour cette étude par L. Testi à partir des modèles d’évolution de Palla & Stahler (1999). La Figure 2.1 présente les étoiles de l’échantillon reportées dans un diagramme HR qui montre leur statut évolutif. Comme on peut le remarquer, certaines étoiles massives de l’échantillon semblent être déjà sur la séquence principale, alors qu’elles répondent parfaitement aux critères de classification des étoiles de Herbig énoncés au chapitre 1. Ceci provient principalement du fait que d’importantes incertitudes existent sur la détermination des masses des étoiles à partir des modèles d’évolution tels celui de Palla & Stahler (1993), et donc sur l’ˆage des étoiles.
A propos des étoiles de l’échantillon
Les étoiles à disques β-Pictoris
Le disque de β-Pictoris, étoile de la séquence principale de type A5, est le premier disque circumstellaire observé directement en imagerie optique (Smith & Terrile 1984, voir Figure 2.2). C’est certainement l’un des systèmes les plus remarquables non seulement par ses dimensions, le disque s’étendant sur plus de 1200 AU autour de l’étoile (Smith & Terrile 1987; Kalas & Jewitt 1995) et sa masse estimée à quelques masses lunaires (Zuckerman & Becklin 1993), mais également par la complexité de sa composante gazeuse.Le disque de β-Pictoris appartient à la classe de disques appelés disques de seconde génération (Backman & Paresce 1993; Lagrange et al. 2000). Dans un tel disque, optiquement mince, la pression de radiation venant de l’étoile expulse les particules de taille inférieure au micron sur une échelle de temps de l’ordre d’une orbite (Artymowicz 1988). Par ailleurs, les collisions entre particules de taille supérieure au micron produisent des fragments sub-millimétriques, qui sont eux aussi expulsés rapidement du système par la pression de radiation. De ce fait, le temps de vie d’un grain de poussière circumstellaire typique dans un tel disque, n’est que de quelques milliers d’années, ce qui est vraiment très court en comparaison de l’ˆage d’une étoile de la séquence principale. Par conséquent, la poussière présente dans de tels disques de débris ne peut pas être primordiale, d’ou` le nom de “seconde génération”. Cette poussière est produite par la destruction de corps solides de type astéro¨ıdes ou comètes. Ce mécanisme de production passe peut-être par des collisions entre planétésimaux, et/ou par l’évaporation de corps cométaires, scénario confirmé par les observations du gaz (voir revue de Vidal-Madjar et al. 1998).
HD109573
HD109573 est également une étoile dite de transition de type spectral B9. La présence d’un disque de débris a été mise en évidence par les observations en imagerie directe dans le proche infrarouge (Augereau et al. 1999). De ces observations, Augereau et al. (1999) ont déduit que le disque est vu sous une faible inclinaison, soit 20.5±3 ◦ par rapport à la ligne de visée (voir Figure 2.4). Le disque de poussières a une structure en double anneau, détectée également en imagerie dans le domaine des infrarouges moyens. Le bord interne du premier anneau est situé entre 4 et 9 AU de l’étoile, et l’anneau externe débute à environ 70 AU de l’étoile (Wahhaj et al. 2005; Augereau et al. 1999) et a une épaisseur d’environ 15 AU avec une inclinaison de 13±1 ◦ par rapport à la ligne de visée (Telesco et al. 2000). Ces deux anneaux sont séparés par une région vide de matière située entre 55 et 60 AU de l’étoile centrale, conséquence probable de la formation planétaire (Augereau et al. 1999).Le disque de HD109573 est très pauvre en gaz, en accord avec son statut de disque de débris (Augereau et al. 1999). Dans le domaine sub-millimétrique, aucune raie d’émission de CO provenant du disque n’a été observée (Liseau 1999). Une étude identique a été menée par Greaves et al. (2000). Ces auteurs ont montré que la limite supérieure sur la quantité de poussières implique que le disque contient moins de 1 à 7 M⊕ de H2. Des raies d’absorption du Fe II, du SiII et du Ca II ont été observées en optique et dans le domaine FUV en direction de cette étoile (Holweger et al. 1999; Chen & Kamp 2004). Deux composantes en vitesse radiale ont été observées dans le spectre FUSE par Chen & Kamp (2004) pour ces espèces et sont vraisemblablement d’origine interstellaire. Ces derniers ont estimé que du gaz en rotation Képlérienne situé à 70 AU de l’étoile, devrait avoir une vitesse radiale de ∼+5.5 km s −1 . De plus, à une telle distance de l’étoile, les niveaux d’énergie sont peuplés par UV pumping faisant apparaître les niveaux de structure fine des différentes espèces (voir Annexe B). Or, aucune raie correspondant aux 26 Sélection des étoiles niveaux de structure fine des espèces atomiques n’a été observée (Chen & Kamp 2004). En supposant que le disque de HD109573 est composé en grande partie de gaz atomique, avec leur modèle de disque, ces auteurs ont estimé que la température du gaz est de 65 K et que la masse de gaz contenue dans le disque doit être inférieure à 1 M⊕. Les observations dans le domaine sub-millimétrique impliquent une masse de poussière supérieure à 0.25 M⊕ (Greaves et al. 2000). A partir de ces limites, Chen & Kamp (2004) ont déduit un rapport gaz-sur-poussière très faible pour le disque (≤4). Cependant, le modèle utilisé étant un modèle de gaz en équilibre hydrostatique, la masse de gaz dépend de sa température et par conséquent, le rapport gaz-sur-poussière dépend également de la température. La modélisation des raies observées en fonction de la température du gaz a permis à Chen & Kamp (2004) de montrer qu’un rapport gaz-sur-poussière de 100 est en accord avec les densités de colonne de toutes les espèces observées à l’exception du C II, qui lui, nécessite un rapport gaz-sur-poussière de 2 pour être reproduit correctement. Un rapport gaz-surpoussière de 100 correspond à une masse de gaz de 5 M⊕. De ce fait, quelque soit la valeur du rapport gaz-sur-poussière, la masse de gaz est inférieure 5 M⊕, ce qui est trop faible pour former des planètes. Donc si la formation planétaire a eu lieu, les planètes géantes gazeuses sont déjà formées (Chen & Kamp 2004).