Rôle médiateur des pratiques de distribution sur la relation orientation marché et performance commerciale des PME

Rôle médiateur des pratiques de distribution sur la relation orientation marché et performance commerciale des PME

La mesure de la performance

La mesure de la performance a été considérée comme une fonction de pilotage et de contrôle, un moyen d’orienter le comportement des acteurs d’une organisation et de les motiver, de juger la légitimité des actions ou des personnes et de gérer les relations d’autorité ou de responsabilité (Bourguignon, 1995). Elle interprète la « réalité » à laquelle la performance s’attache, la rend mesurable et comparable grâce à des instruments ou indicateurs de mesure (financiers, économiques, non financiers/qualitatifs). 

Les mesures de la performance dans les PME

Les organisations, en général, subissent des influences émanant de leur environnement externe et interne. Leur comportement, comme leur degré de réussite, est le produit de ces influences (Bamberger, 1979). De ce fait, la performance varie considérablement d’une organisation à une 37 autre, d’un contexte à un autre. Elle est appréciée différemment (Campbell, 1977), selon les objectifs que l’organisation s’est fixé et selon l’optique privilégiée par l’évaluateur. Il n’y a donc pas de raisons objectives pour considérer que telle appréciation est plus pertinente ou plus valide qu’une autre. Dans le domaine de la PME, l’origine de la performance est sujette à controverse. Certains écrits distinguent la performance de l’entrepreneur et celle de l’entreprise. Quelques auteurs attribuent cette performance à un seul individu. D’autres estiment que c’est le résultat d’un environnement plus ou moins favorable et, finalement, il y a ceux qui pensent que c’est la combinaison des deux, qui expliquent la performance de l’entreprise (Nazik, 2003). II apparaît toutefois, sans aucun doute, que le rôle majeur revient au propriétaire dirigeant, car l’environnement peut être favorable, mais n’aura pas les mêmes conséquences sur toutes les PME. C’est au propriétaire dirigeant de savoir quand saisir les opportunités qui se présentent dans l’environnement et comment les transformer à son avantage. En effet, les objectifs primaires des PME (pérennité, indépendance, etc.) ne sont pas les mêmes que ceux des grandes entreprises (croissance, développement international…). Les critères d’évaluation se faisant en fonction des objectifs ne seraient pas identiques. Pennings et Goodman (1977)27 considèrent qu’une « PME est performante si elle parvient à satisfaire des contraintes pertinentes et si ses résultats rapprochent ou excèdent un ensemble de mesures référentielles pour de multiples objectifs ». Comme le font remarquer ces chercheurs, trois éléments permettent d’apprécier la performance des PME : le premier se réfère aux « contraintes ». Celles-ci représentent les exigences auxquelles les PME doivent répondre. Toute incapacité à satisfaire ces exigences se traduira par une incapacité de la PME à performer ; le second concerne les « objectifs ». Ces derniers sont des états futurs souhaités par le dirigeant (Bamberger, 1979) sur la base desquels 27 Nazik (2003), La mesure de la performance des PME : un cas d’application sur la décision d’introduction en bourse », Actes du Colloque d’Agadir 2003. 38 il fixe ses critères d’évaluation ; le troisième élément représente les « référentiels » qui sont des standards normatifs à partir desquels on peut considérer qu’une PME est performante. La performance des PME peut être liée également à certaines caractéristiques spécifiques des dirigeants propriétaires, et surtout à la capacité de leur entreprise à leur procurer l’indépendance, l’autonomie, la sécurité financière, la qualité de vie à laquelle ils aspirent, un revenu familial décent et à leur permettre de réaliser certaines actions responsables (Pigé et Sangué Fotso, 2014; St-Josée et Cadieux, 2011 ; Sogbossi Bocco, 2010 ; Reijonen et Komppula, 2007 ; Walker et Brown, 2004)28 . L’appréciation de la performance apparaît comme un processus complexe où les contraintes et les objectifs devraient être spécifiés. Ce processus d’évaluation devient crédible lorsqu’un ensemble de mesures référentielles est élaboré sous forme opérationnelle.

Les modèles de mesure de la performance

Selon Morin et Audebrand (2003), qui ont fait référence au travail de Boulianne (2000)29, il y a cinq modèles de mesure de la performance qui étaient publiés dans les années 90: – la pyramide de la performance de Lynch et Cross (1991), qui inclut les indicateurs stratégiques, les indicateurs intermédiaires et les indicateurs opérationnels ; – la matrice des déterminants et des résultats de Fitzgerald et al. (1991): elle comporte quatre indicateurs: flexibilité, qualité, économie de ressources et innovation. Deux 28 Sangué-Fotso R. et Wamba H. (2017), Perception de la performance par leurs dirigeants : le cas des PME camerounaises. Question(s) de management, 18, p.155-171. 29Cité par Debbi A. (2005), La mesure de la performance dans les mairies : dimensions et indicateurs, Working papers. 39 autres indicateurs qui sont les résultats des premiers : compétitivité et performance financière ; – le modèle d’Atkinson, Waterhouse et Wells (1997) : il préconise deux types d’objectifs : primaires et secondaires, repose sur l’approche de stakeholders ; – le tableau de bord prospectif de Kaplan et Norton, qui décline sur quatre axes principaux : l’axe financier, l’axe des clients, l’axe des processus internes et l’axe de l’apprentissage organisationnel ; – le modèle de Morin, Savoie et Beaudin (1994): il présente les quatre dimensions de la performance : valeurs des ressources humaines, efficience économique, légitimé de l’organisation auprès des groupes externes, pérennité de l’organisation. Selon les auteurs, les trois premiers modèles sont des modèles conceptuels qui se basent sur une démarche purement théorique alors que les deux derniers résultent des études empiriques, ce qui fait que les auteurs ont confronté leurs travaux à la réalité. Nous allons donc présenter ces deux modèles et leurs indicateurs de mesure

Le modèle d’E. Morin, A. Savoie et G. Beaudins

Ce modèle a été construit en 1994 par ces trois auteurs (Errami, 2008). Pour eux, les indicateurs sont les produits des opérations faites sur des données disponibles. Cette opération est réalisée par les acteurs de l’organisation qui émettent des jugements sur la performance organisationnelle. Le jugement qui donne le caractère subjectif à cette opération prend une place 30 Debbi A. (2005), « La mesure de la performance dans les mairies : dimensions et indicateurs », Working paper (WM). 40 centrale dans la définition des auteurs de la performance organisationnelle (Morin et Savoie, 2001)31 . Ils modélisent cette opération comme suit : Figure 1.2 : Méthodes de mesure de la performance de l’entreprise Dimensions Critères Indicateurs Principales composantes Conditions ou signes qui Opérations faites sur de la performance servent de base au jugement des données disponibles Source : Morin et Savoie (2001)32 Les indicateurs conçus doivent être comparés avec les critères de jugement, les performances passées et les normes du secteur d’activité afin de les valider. La validation renvoie à un arbitrage et à la confrontation des jugements qui se font au regard des objectifs principaux de l’organisation. Finalement, nous avons des indicateurs qui mesurent chacun une composante de la performance et l’ensemble qui mesure la performance globale de l’entreprise : – la pérennité de l’organisation, avec comme indicateurs : la qualité du produit, la rentabilité financière, la compétitivité; – l’efficience économique: l’économie des ressources, la productivité; – les valeurs des ressources humaines : la mobilisation des employés, le climat de travail, le rendement des employés, le développement des employés; – la légitimité de l’organisation auprès des groupes externes : la satisfaction des bailleurs de fonds, la satisfaction de la clientèle et de la communauté, la satisfaction des organismes régulateurs. 31 Cité par Yvon Pesqueux (2020), « De la performance ». Master. France. 2020. halshs-02612883v3 32 Cité par Debbi A. (2005), « La mesure de la performance dans les mairies : dimensions et indicateurs », Working paper (WM). 41 

Le tableau de bord prospectif (BSC) de Kaplan et Norton

Contrairement au modèle précédent, les auteurs partent au début de leurs travaux de l’analyse des mesures utilisées dans les firmes, pour évaluer la performance et étudier la pertinence des indicateurs mis en place. Durant une année de recherche avec douze compagnies sur les principaux indicateurs de performance, Kaplan et Norton (1992) ont proposé « the balanced scorecard », qui se compose d’un ensemble d’indicateurs, et donne aux managers une vision large et compréhensible sur leurs activités. Le modèle se compose d’un ensemble d’indicateurs qui se regroupent dans quatre axes : – les indicateurs financiers, qui traduisent ce que les actionnaires attendent de l’entreprise. Ils correspondent aux indicateurs traditionnels de mesure de la performance comme la croissance du chiffre d’affaires, la réduction des coûts, l’amélioration de la rentabilité, etc.; – les indicateurs liés à la satisfaction des clients (part de marché, nombre de clients nouveaux, taux de rentabilité par segment, etc.), qui représentent une perspective différente puisqu’il s’agit de mesurer la performance pour les clients et non plus pour les actionnaires. Toutefois, Kaplan et Norton (1992) considèrent qu’il existe un lien de causalité entre les indicateurs de cette catégorie et ceux de la catégorie financière, et que la satisfaction des clients est considérée comme un déterminant de la performance financière ; – les indicateurs liés aux processus internes (qualité des produits, délais de production, nombre de brevets déposés, nombre de produits nouveaux, qualité du service après- 33 Debbi A. (2005), « La mesure de la performance dans les mairies : dimensions et indicateurs », Working paper (WM). 42 vente, etc.), qui permettent à l’entreprise de piloter la qualité de ses processus. Cette catégorie est elle-même considérée comme un déterminant de la satisfaction des clients ; – enfin les indicateurs liés à l’innovation et à l’apprentissage organisationnel (productivité du travail, motivation, turn-over, qualité de l’information), qui constituent le socle conditionnant l’ensemble des autres catégories. Ces dimensions sont liées entre elles et dépendent de la vision et de la stratégie de l’entreprise. Le perfectionnement des processus internes de production avantage une innovation accrue et la promotion de l’apprentissage organisationnel qui parviendront à satisfaire les clients et gagner plus de parts de marché. Ce qui entraîne l’augmentation du profit et par conséquent, la satisfaction des actionnaires. Les quatre axes du tableau de bord prospectif ne constituent pas un modèle statique et universel. Ils forment plutôt un cadre général d’analyse qui permet d’appréhender le système d’indicateurs de performance de l’entreprise dans un contexte de plus en plus concurrentiel, où la performance ne se traduit plus seulement en termes de rendement financier. Il fournit également une articulation autour de la stratégie, essentielle à l’efficacité du système de mesure. Évidemment, chaque entreprise aura des indicateurs qui lui sont propres en fonction de ses objectifs, de ses stratégies et des diverses caractéristiques de son environnement. Mais on remarque que les mesures de type commercial sont les plus fréquemment utilisées par les études comme les parts de marché, les ventes et les indicateurs marketing. En fait, pour piloter les gains de productivité, il est nécessaire de disposer d’un système de mesure des performances, incluant en dehors des dimensions économique et financière une dimension commerciale. Dans le cadre de notre recherche, nous allons donc nous intéresser essentiellement à la performance commerciale, car la philosophie récente du management a montré un intérêt particulier pour la satisfaction de la clientèle qui détermine la santé financière de l’entreprise.  

Table des matières

 INTRODUCTION GÉNÉRALE
ERE PARTIE : VERS UN MODÈLE EXPLICATIF DU RÔLE MÉDIATEUR DES PRATIQUES DE DISTRIBUTION SUR LA RELATION ORIENTATION MARCHÉ ET PERFORMANCE COMMERCIALE DES PME AGROALIMENTAIRES AU SÉNÉGAL
Chapitre 1 : Orientation marche et performance commerciale : le rôle médiateur des pratiques
de distribution
Section 1 : Orientation marché et performance commerciale : une approche théorique
Section 2 : Les pratiques de distribution : définition et identification des composantes
Section 3 : Développement théorique de la relation orientation marché et performance
Chapitre 2 : Contexte, cadre conceptuel et hypothèses de recherche
Section 1 : L’environnement des PME agricoles au Sénégal
Section 2 : Les PME agroalimentaires au Sénégal
Section 3 : Élaboration du cadre conceptuel, du modèle et des hypothèses de recherche
2 EME PARTIE : ÉTUDE EMPIRIQUE DU RÔLE MÉDIATEUR DES PRATIQUES DE DISTRIBUTION SUR LA RELATION ORIENTATION MARCHÉ-PERFORMANCE COMMERCIALE DES PME AGROALIMENTAIRES AU SÉNÉGAL
Chapitre 3 : Positionnement épistémologique et méthodologie de la recherche
Section 1 : Positionnement épistémologique de la recherche
Section 2 : Méthodologie de l’étude qualitative exploratoire
Section 3 : Elaboration des échelles de mesure et méthodes quantitatives d’analyse des données
Chapitre 4 : Validation quantitative du rôle médiateur des pratiques de distribution sur la relation orientation marché et performance commerciale des PME agroalimentaires au Sénégal
Section 1 : Analyse descriptive des résultats
Section 2 : Test des hypothèses du modèle de la recherche .
Section 3 : Discussion des résultats obtenus
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE

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