Rôle et régulation de l’haptoglobine adipocytaire au
cours du vieillissement
La mort cellulaire programmée
Vladimir Petrovitch Skulatchev a développé la théorie de la « phénoptose » également appelée « the Samurai law of biology » (Skulachev, 2001). Selon lui, les systèmes biologiques ont des mécanismes intégrés d’autodestruction lorsqu’ils reconnaissent qu’ils sont devenus inutiles ou même dangereux pour un système vivant. Ces processus et mécanismes héréditaires sont conservés de façon évolutive et adaptative car ils peuvent accélérer l’évolution. L’apoptose en est un exemple. Cette mort cellulaire programmée élimine les cellules inutiles et endommagées afin d’assurer le bon développement de l’organisme. Le vieillissement normal est donc une phénoptose lente.
La théorie neuro-endocrinienne ou hormonale
Un principe fondamental en physiologie est le concept d’homéostasie. C’est l’état permettant de maintenir les paramètres physiologiques, endocriniens et biochimiques de l’organisme dans une gamme assez étroite pour conserver un état d’équilibre. Durant sa thèse, Vladimir Dilman fut, en 1954, un des premiers à proposer que les hormones contrôlent la vitesse à laquelle nous vieillissons. En 1992, Ward Dean s’est joint à sa théorie dans The neuroendocrine theory of aging and degenerative disease. En effet, le vieillissement serait principalement causé par une perte progressive de la sensibilité des récepteurs de l’hypothalamus (Dilman, 1984). Des études menées par Everitt suggèrent que les procédures telles que l’hypophysectomie n’interrompent pas le mécanisme de vieillissement chez les jeunes rats mais exerce probablement une influence inhibitrice continue sur certains processus de vieillissement tout au long de la vie (Everitt et al., 1980). Notre production hormonale est élevée durant notre jeunesse (période de reproduction) puis diminue au fil du temps (van den Beld et al., 2018). Parmi les hormones les plus régulées par le vieillissement, on peut citer la testostérone, les œstrogènes, l’insulin growth factor (IGF-1) ou encore la dehydroepiandrostérone (DHEA). Une production diminuée de ces hormones va concourir à l’installation d’une « pause » pour l’organisme au cours du vieillissement appelée ménopause pour les femmes et andropause chez l’homme. Actuellement, des traitements hormonaux substitutifs sont proposés pour retarder les effets de la ménopause et l’andropause. La DHEA, hormone stéroïdienne anabolisante et précurseur des œstrogènes et testostérone est une hormonothérapie controversée. Tout a commencé avec une étude dirigée par le Professeur Baulieu qui a administré à des hommes et des femmes âgés de 60 à 79 ans 50mg de DHEA par voie orale pendant un an (Baulieu et al., 2000). Plus tard, plusieurs études ont démontré que la DHEA n’avait qu’un faible effet sur 2 les symptômes liés au vieillissement : faible amélioration du statut métabolique (Villareal and Holloszy, 2004), de l’humeur, pas d’effet sur la masse musculaire (Percheron et al., 2003) et peu d’effet sur le risque cardiovasculaire chez les personnes âgées (Boxer et al., 2010). D’autre part, il a été démontré chez les invertébrés que l’insuline et la voie de signalisation de l’IGF-1 jouaient un rôle majeur dans le contrôle de la longévité. En effet, chez le Caenorhabditis elegans (C.elegans) (Kenyon et al., 1993) ainsi que chez Drosophila melanogaster (D. melanogaster) (Tatar et al., 2001), des mutations uniques qui diminuent la signalisation insuline / IGF-1 augmentent la durée de vie plus de deux fois et rend l’animal plus actif et plus jeune que la normale. De même chez les mammifères, des souris déficientes pour le récepteur à l’insuline dans le tissu adipeux blanc (TAB) (FIRKO) (Blüher et al., 2003), ou encore des souris inactivées pour le gène du récepteur IGF-1 (Igf1r) (Holzenberger et al., 2003) présentent une augmentation de leur longévité. Ces études montrent bien que la signalisation à l’insuline est impliquée dans la longévité.
La théorie immunologique
Le système immunitaire est programmé pour diminuer au fil des années, augmentant la vulnérabilité aux maladies, au vieillissement et à la mort. En effet, avec l’âge, les anticorps perdent leur efficacité (Cornelius, 1972). Cette théorie repose sur le rôle du thymus, organe où les lymphocytes T se développent, qui régresse dès l’adolescence (Burnet and Holmes, 1962). De plus, avec l’âge on observe une augmentation de la production d’auto-anticorps responsables de réactions auto-immunes (Manoussakis et al., 1987; Rowley et al., 1968). Les lymphocytes T dirigés contre le soi (auto-immunité) sont normalement détruits par le thymus (processus appelé délétion clonale). Mais cet organe involuant avec l’âge, il devient incapable d’assurer ce rôle. En conséquence, les maladies auto-immunes telles que le lupus, le diabète de type I, et la polyarthrite rhumatoïde se développent avec une fréquence plus importante chez les personnes âgées.
Les théories stochastiques
Les théories stochastiques s’appuient sur des évènements épisodiques non programmés qui causent des dommages cellulaires aléatoires qui s’accumulent au cours du temps et provoquent le vieillissement.
La théorie de l’usure et du soma jetable
Une théorie connue sous le nom de « sélection de groupe » initiée par August Weismann (1891) était que le vieillissement évoluait au profit de l’espèce, en remplaçant les individus « usés/âgés » par des individus plus jeunes. Plus tard, Weismann a abandonné ce concept et a suggéré que le vieillissement évolue parce que les organismes qui séparent le germen (cellules qui permettent la transmission du patrimoine génétique et donc de l’existence d’une espèce) et le soma (cellules permettant la croissance de l’organisme) doivent investir des ressources supplémentaires pour se reproduire au lieu de maintenir le soma. Cette renonciation au soma semblerait alors entraîner le vieillissement. Les idées de Weismann ont ensuite été reprises par Thomas Kirkwood dans les années 1970 pour devenir la théorie du « soma jetable », qui prédit que le vieillissement se produit en raison de l’accumulation de dommages au cours de la vie et que plusieurs mécanismes de défense ou de réparation contribuent au vieillissement (Kirkwood and Holliday, 1979). Lorsque la descendance est assurée, il n’y a plus aucune utilité pour l’espèce à entretenir le soma. Ce modèle s’applique uniquement aux espèces à reproduction sexuée. Cette idée aurait l’avantage d’expliquer en partie la disparité dans la durée de vie entre différents types d’organismes. Les espèces susceptibles de mourir en raison de la prédation, comme les souris, investissent plus d’énergie dans la reproduction que dans le maintien de la santé alors que les humains, possédant peu de prédateurs, peuvent allouer plus de ressources à la réparation des dommages physiques puisqu’ils pourront se reproduire sur une plus longue période de temps.
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