L’élitisme
Le terme élitisme se définit (Larousse, 2010) comme étant une attitude qui consiste à favoriser l’accession des personnes jugées comme étant les meilleures et qui tend à dévaloriser le reste de la population. Comme le définit le dictionnaire, lorsqu’on parle de matière éducative, « l’élitisme pousse à une sélection intense des candidats, réfute l’argument selon lequel on pourrait réussir sans avoir obtenu de très hauts diplômes, et nie reposer sur un déterminisme social : selon ses tenants, si une personne est véritablement douée, elle parviendra à entrer dans l’élite, indépendamment de ses possibilités réelles, dans le cas contraire, c’est qu’elle manquait des qualités requises. Cette définition peut aisément se transposer au monde du sport. » Les meilleures éléments forment donc une élite ayant une attitude et des capacités propre à cette population restreinte. Les Federer, Messi, Ronaldo, Wood, Cuche, Vettel ou encore Bolt sont tous considérés par leur pays national comme des « ambassadeurs » modernes permettant d’élever leur pays en haut de la pyramide sportive. Comme le relève J. Personne (1987) « … les résultats des sportifs d’élite sont considérés comme des éléments importants du prestige national. » Un athlète de haut niveau, accédant à l’élite de son sport n’a certainement pas, au départ, l’obsession de devenir « ambassadeur » de son pays.
Sa finalité est d’atteindre une plénitude sportive, un aboutissement athlétique. Comme le souligne Proia (2007): « C’est une forme de reconnaissance totale et souveraine qui peut même être considérée comme une revalorisation narcissique. » Le sportif d’élite représente donc un emblème, un mythe, une référence à atteindre et un symbole de réussite. Il n’est pas difficile, dans le monde actuel, de se rendre compte de l’importance de ces footballeurs, tennismans, golfeurs, skieurs ou athlètes. Ils apparaissent régulièrement sur le petit écran, non pas seulement dans leur sport respectif, mais aussi en tant que représentant de divers produits, marques, événements ou ambassadeur de leur pays ou sport. Ils sont donc bien souvent élevés au rang de super star, de légende ou de Dieu. Dans un sens, c’est une sorte de sacralisation sportive.
La mystification du sportif:
L’ère moderne a considérablement fait évoluer le sport par rapport aux siècles derniers. La révolution industrielle, puis l’émergence de la télévision, suivi de la globalisation et de la mondialisation ont contribué à la médiatisation du sport. En effet, si on se réfère uniquement à l’année qui vient de s’écouler, nombreuses sont les compétitions qui ont été largement diffusées ou qui le seront : Open d’Australie, Roland Garros, Wimbledon, US Open, J.O de Sotchi, Coupe du Monde, sans oublier les éternelles League des Champions ou encore les J.O. d’été ou l’Eurofoot, il y a moins de 2 ans. L’athlète ou l’équipe est devenu une source lucrative pour de nombreuses sociétés qui élèvent encore davantage l’athlète au rang de héros. Le sportif d’élite n’est donc plus seulement un athlète, il est devenu une icône médiatisée et sacralisée à but lucratif. Carrier (2002) apporte quelques chiffres éloquents : « Le sport au niveau du commerce mondial représente 2’500 milliards de francs français, soit environ 381 milliards d’euros en 2002. » Ces sportifs d’élite sont d’une importance capitale pour de nombreuses entreprises, que ce soit les firmes sportives, les médias, mais aussi toutes les succursales qui touchent de près ou de loin le sport. Les contrats publicitaires permettent non seulement aux athlètes de s’enrichir rapidement, mais ont également de nombreux effets sur la population, en particulier sur les jeunes.
En effet, ces derniers s’identifient à ces stars, engendrant deux réactions : d’une part, ils rêvent de faire les mêmes gestes, avoir des attitudes identiques que leur illustre référence, d’autre part, les différentes marques portées par la star doivent être aussi en leur possession. L’adulte, lui aussi, se compare et s’identifie, certains athlètes devenant même l’emblème d’un hypothétique mandat politique : « Zidane président », clamaient les Français en 1998. Le sport, comme il est enseigné au collège ou au gymnase, a une valeur éducative. Le sport de haut niveau a, lui, une valeur commerciale. Comme le stipule Carrier (2002), « Au début de l’ère industrielle, les temps de pause ou plutôt de non travail étaient consacrés au repos, car il y avait de lourdes tâches matérielles. Ainsi, par la suite, la révolution industrielle a rendu ces pauses plus fréquentes et plus longues, et ces temps de repos sont devenus plus ludiques et centrés sur le sport avec un esprit concurrentiel. » Il y a donc un monde de différence entre le sport pratiqué à l’école dans une idée de sport sain et le sport de haut niveau qui est devenu un sport-spectacle sacralisé à but lucratif qui se consomme, bien souvent, quotidiennement.
Les concessions : Si on désire atteindre un sommet, il faut savoir planifier son emploi du temps et celui-ci implique inévitablement des concessions et des sacrifices. Dans l’émission de la Radio des sports québécoises (RDS) de Septembre 2010, Guimond (2010) le résume parfaitement : « Ça m’a rappelé cet homme, qui après une conférence, me signalait que les jeunes se sacrifient pour atteindre l’élite. Et c’est vrai qu’ils font des sacrifices immenses. Autant pour atteindre l’élite qu’une fois qu’ils en font parties. Des heures et des heures d’entraînement, l’éloignement de leur famille, les voyages souvent à l’autre bout de la planète, les diètes pour conserver leur corps en forme, les blessures qu’ils doivent subir et qui surviennent dans tous les sports. J’en sais quelque chose parce que j’ai eu l’occasion de soigner plusieurs de ces athlètes. Oui, ils font des sacrifices énormes. Et ce n’est jamais fini, tant qu’ils ne prennent pas leur retraite. Par exemple, on voit souvent au hockey un joueur se sacrifier en se jetant devant un lancer frappé ou accepter cette mise en échec pour réussir sa passe ou son tir au but. Être une athlète de haut niveau, c’est accepter de faire de gros sacrifices. » Qu’en est-il des femmes ?
Bien souvent, être sportive de haut niveau implique d’accepter une modification physique et mentale de son propre corps. En effet, la masse musculaire se développe, les menstruations disparaissent, auxquelles s’ajoute une perte de féminité générale. A l’adolescence déjà, les sacrifices sont légions, que ce soit sur un aspect nutritionnel (devoir manger tel aliment avant une compétition), social (ne pas « sortir » les jours précédents une rencontre par exemple), mais aussi de restreindre ses hobbies. Combien d’athlète ne peuvent profiter des pistes de ski à cause du risque de blessure ? Ils sont assurément très nombreux ! Il s’agit donc de définir les priorités nécessaires pour atteindre le graal. Cependant, ces priorités n’impliquent pas uniquement l’athlète lui-même. Dans notre cas, les parents font partie intégrante du rêve et de ses contraintes (Guimond, 2010) : « Les sportifs ne sont pas les seuls à faire d’incroyables sacrifices pour aller au bout de leur passion. Je pourrais parler de tous ces parents qui les appuient en se rendant aux parties, en les conduisant aux entraînements, en payant les coûts liés à la pratique du sport. Eux aussi consacrent des heures et des heures pour soutenir le développement de leur enfant. Ils le font en sacrifiant bien des choses pour y arriver. » Ces sacrifices du sportif d’élite sont déjà bien présents dès le plus jeune âge, que ce soit financièrement, socialement ou encore temporellement. C’est une condition sine qua non pour que le jeune sportif puisse acquérir les bases nécessaires à l’hypothétique professionnalisme et l’élitisme (Guimond, 2010) : « Ce que les athlètes professionnels réussissent toutefois à faire, c’est d’amener le développement à un niveau rarement atteint. Ils dépassent toujours les frontières de l’endurance ou de la vitesse pour franchir la ligne d’arrivée les premiers ou compter ce but qui fait la différence. C’est là qu’ils deviennent les meilleurs et qu’ils peuvent devenir des modèles de courage. »
Etre performant :
Selon le dictionnaire (Larousse, 2010), le mot performance est défini comme : «…étant l’idée de résultat, de réalisation, de finalisation d’un produit, alors qu’en anglais le terme se réfère au comportement, à la tenue d’un produit ou d’une personne face à une situation donnée… ». Le terme « performance » dérive du latin « performare » qui signifie accomplir, achever, exécuter. Lorsque le mot « performance » est associé à une compétition sportive, celui-ci désigne alors le résultat chiffré obtenu par une équipe ou un athlète. Il est donc synonyme de succès, de médiatisation, de richesse, de victoires, etc.… Pourtant, comme l’évoque Proia (2007): « Le sport a perdu cette noblesse d’âme et cette loyauté qui mettaient aux prises des adversaires s’estimant et se respectant. Pour gagner, il faut haïr son adversaire et être plus performant que lui. » Adolescents, on parle déjà de performance, notamment dans l’élitisme.
Il convient dès lors de mesurer le danger qui guette lorsque les jeunes talents sont sous pression, comme le soulignent parfaitement Morand (2011) lors de sa conférence « Performances sportives chez les ados : Les limites de la supplémentation » : «… les adolescents sentent la pression de performer… puisque les standards sportifs sont de plus en plus élevés, études, désir d’impressionner, désir de se surpasser.» Ou encore Avanzini (1983): « On notera davantage l’éventualité du surmenage physique ; poussés par la volonté de performance et de rivalité, beaucoup abusent de leurs forces ; outre les dommages qui en résultent pour leur santé, cette fatigue inutile n’est pas sans incidences sur le travail intellectuel dont elle ralentit le rythme, surtout lorsqu’il s’agit d’émotifs ou de nerveux. » Les jeunes sportifs d’élite sont donc soumis à un emploi du temps chargé tant physiquement qu’émotionnellement. Ils doivent dans la plupart des cas être performants dans plusieurs domaines, tel que leur sport de prédilection, mais aussi au niveau de leur scolarité. Enfin, il est primordial de ne pas confondre les jeunes sportifs d’élite et les jeunes sportifs amateurs. En effet, la plupart des enfants sportifs ne jouent pas pour gagner (Ewing, 2004), le mot « compétition » n’étant que peu présent dans leur tête, mais plutôt pour prendre du plaisir, particulièrement lorsqu’ils sont encore au début
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