L’Entreprise à l’heure de l’Economie de la Connaissance
Rôle du capital intellectuel
Le socle de l’entreprise est constitué par les ressources humaines au centre desquelles est placé l’individu sous l’angle des compétences, de la formation, de la motivation, de la polyvalence, de la responsabilité, de l’aptitude à travailler en groupe et à tisser son propre réseau de relations; ce sont en effet les ressources humaines qui confèrent à l’entreprise son dynamisme et son originalité dans le cadre d’une vision globale assimilée par tous et d’une internationalisation délibérée et non simplement subie; le maillage intégrateur de l’ensemble des établissements, filiales et partenaires constitue en lui-même un facteur d’innovation dans les produits et procédés de fabrication, processus administratifs et services; l’ensemble est supporté par une infrastructure regroupant l’ensemble des moyens physiques dont l’entreprise dispose pour exercer son activité et un réseau ou infostructure, à la fois réservoir de connaissances et système de circulation de l’information; le coeur de l’entreprise est ainsi constitué par son patrimoine immatériel .
Quel capital intellectuel ?
Les valeurs intangibles engendrent des valeurs tangibles
Thomas A. #Stewart dans un article intitulé “Intellectual capital” paru dans le magazine “Fortune” daté du 3 Octobre 1994, précise que le capital intellectuel réside dans les actifs intangibles; une entreprise comme la société suédoise de services financiers Skandia le définit comme la somme du capital humain (compétences et capacités des salariés), du capital structurel (bases de données, dossiers clients, manuels de procédures, marques et structures organisationnelles) et du capital clients, reflêt des relations de l’entreprise avec ses clients; ajoutons qu’elle considère ce capital intellectuel comme représentatif de la valeur future de l’entreprise en tant que source d’actifs stratégiques, gages de profits et de développement. La suite de cet ouvrage nous conduira à y inclure la gestion des connaissances connue sous le vocable de Knowledge Management car le capital intellectuel n’est efficace que si l’on connaît son existence et que l’on s’en sert. Ajoutons que tous les systèmes contribuant à son enrichissement font partie eux-mêmes du capital intellectuel ce qui fait que tout ce dont nous allons parler en fait partie.
Dans un premier temps, disons que le capital intellectuel est un ensemble de connaissances que, comme tout patrimoine, il faut apprendre à connaître, mettre à jour, renouveler, gérer et enrichir pour le faire fructifier, d’où le qualificatif d’entreprise apprenantes (learning organizations) que l’on associe aux entreprises qui se soucient de leur capital intellectuel; il est évident que ce n’est pas l’entreprise qui apprend mais ses salariés dûment encouragés par les DPRH, leurs connaissances étant “capitalisées” dans la mesure où elles sont disponibles non seulement pour eux mêmes mais pour leur collègues, à titre de réciprocité: ainsi, assistera-t-on à une synergie des individus -ou plutôt des cerveaux- aboutissant, si elle est convenablement organisée et animée, à l’émergence d’une véritable intelligence collective, ce qui ne manque pas de soulever le paradoxe Individualisme/Travail en groupe .A cet égard, l’ouvrage “Les équipes intelligentes”, coordonné par Patrick #Audebert-Lasrochas, s’avère fort édifiant; l’on peut y lire notamment “Le manager… aide à faire émerger “l’intelligence collective”, celle que l’on rencontre dans des instants privilégiés dans des groupes de créativité, quand la solution trouvée ne peut être attribuée qu’au groupe et à sa dynamique.” Les analystes financiers ne s’y trompent pas puisqu’ils prennent de plus en plus en compte le capital intellectuel en tant qu’ensemble d’actifs intangibles, au même titre que les actifs tangibles parce qu’ils sont de plus en plus conscients que les valeurs intangibles sont appelées à se transformer en valeurs tangibles. Et pourtant, ce capital intellectuel est loin d’être utilisé à plein (c’est le cas, par exemple, dans certaines sociétés, de brevets dormants) par suite de la constitution de ce que d’aucuns désignent par “îlots de connaissances” (expression attribuée, dans l’article de Thomas A. #Stewart cité plus haut, à Arian Ward de la société Hughes Space & Communications) dans l’espace comme dans le temps c’est-à-dire de connaissances qui ne sont pas partagées au moment où l’on pourrait en avoir besoin où réutilisées lorsqu’un problème présente des caractéristiques similaires à celles d’un problème rencontré antérieurement, dans un contexte identique, voisin ou différent.
Dans quel contexte?
Un préalable: l’esprit de service et l’esprit d’équipe
L’un des principaux problèmes que rencontrent les entreprises réside dans la difficulté à faire adopter l’esprit de service à tous les niveaux et à chaque instant par chacun de ses membres; ceux-ci doivent en effet être imprégnés de cet esprit quel que soit leur rôle dans l’organisation; chacun doit effectuer sa tâche dans un esprit de coopération et faire appel, chaque fois que le besoin s’en fait sentir, aux personnes compétentes, sans le secours d’une quelconque hiérarchie ou bureaucratie: lorsque quelqu’un rencontre une difficulté et qu’il n’est pas en mesure de la surmonter par lui-même, il peut et doit faire appel à quelqu’un susceptible de l’aider, chacun devant se sentir responsable de la bonne marche de l’ensemble. Disons que cela constitue un préalable à toute démarche tendant à exploiter le capital intellectuel. Nous insistons sur cette affirmation qui n’est pas une pure incantation utopiste mais la garantie que les efforts que vous allez consacrer à la prise en compte de votre capital intellectuel ne seront pas perdus et n’iront pas à l’encontre du but recherché, ce qui peut être encore pire.La solidarité recherchée ne peut s’obtenir que par une formation initiale et une information permanente du personnel ainsi que par une connaissance et une estime mutuelles; certaines organisations ne s’y prêtant pas, il faudra les changer: c’est le cas lorsqu’il y a un écart trop important entre les pratiques sur le terrain et les objectifs affichés par la direction. Il appartient donc aux responsables des relations humaines d’agir dans ce sens, eux-mêmes devant se sentir comptables du résultat global, ce qui suppose qu’ils aient pris des engagements vis-à-vis de la direction et lui aient soumis des plans d’action. Formation et échanges peuvent coexister lors de séminaires au cours desquels peuvent intervenir aussi bien des spécialistes internes que des enseignants extérieurs qui auront à délivrer un message sur le contenu duquel il se seront mis d’accord avec les organisateurs; même si ces réunions peuvent présenter un caractère théorique à certains égards, des exemples empruntés à la vie en clientèle devront toujours rappeler que la finalité de l’entreprise est le service rendu. N’oublions pas non plus qu’outre cette formation générale sur l’exploitation du capital intellectuel de l’entreprise dont bénéficieront les différents collaborateurs de l’entreprise, il appartiendra à ceux-ci de participer à l’accumulation des connaissances et parfaire eux-mêmes celles qui leur sont nécessaires pour accomplir leur tâche dans les conditions optimales; à cette fin, ils peuvent être aidés, comme le suggère Thomas A. #Stewart, dans l’article précédemment cité, par un profil de compétences leur précisant les points à approfondir, par différentes aides pédagogiques voire par des tuteurs désignés au sein de l’organisation; d’une façon générale, l’apprentissage doit être une préoccupation constante de tous les acteurs qui doivent y consacrer chaque jour au moins quelques instants en faisant l’examen critique de l’activité de la journée, en tirer les conséquences, consigner ce qui peut servir à nouveau, prendre conscience de ce qui pourrait être amélioré par des connaissances supplémentaires et prendre les contacts nécessaires pour les acquérir. Tout cela procède d’un état d’esprit qui est rarement spontané. Il n’en reste pas moins vrai que le capital structurel est subordonné au capital humain.