Rôle des lymphocytes T CD4+ et des lymphocytes T régulateurs dans l’immunothérapie
La maladie d’Alzheimer : aspects cliniques, diagnostiques et épidémiologiques
La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative, qui touche irréversiblement différentes zones du cerveau impliquées dans l’apprentissage et la mémoire. Principale cause de démence des pays industrialisés, son incidence augmente rapidement, entraînant d’importantes conséquences socio-économiques. En France, comme dans de nombreux autres pays, mieux comprendre la physiopathologie de cette maladie et apporter des solutions thérapeutiques efficaces sont devenus des priorités de Santé Publique.
Epidémiologie et conséquences socio-économiques
D’une manière générale, il est très difficile de déterminer précisément l’incidence de cas de démences dans une population, du fait des difficultés diagnostiques de ces pathologies. Les données épidémiologiques de 2001 estimaient la prévalence de 24 millions de cas de démences dans le monde avec une incidence de 4.6 millions de nouveaux cas / an (Ferri et al., 2005). En France, la prévalence était évaluée à 754 000 cas avec une incidence de 220 000 nouveaux cas / an. Aux Etats-Unis, des études plus récentes estiment la prévalence de la MA en 2011 à une personne sur 8 âgée de plus de 65 ans (http://www.alz.org). Par projection démographique, et en absence d’intervention, on attend en France une prévalence de plus de 1 million de cas de MA en 2040. Dans le monde, la prévalence des démences prédite pour 2020 est de plus de 40 millions, et de plus du double en 2040. Il semble donc impératif de déterminer des pistes de prévention, à partir des facteurs de risques modifiables identifiés et de trouver des thérapeutiques efficaces dans ces pathologies. La MA évolue progressivement sur plusieurs années pour aboutir inéluctablement à un état de dépendance physique, sociale et intellectuelle qui nuit non seulement au patient mais ) aussi à son entourage. Les retombées médicales et socio-économiques de cette pathologie sont donc énormes.
Histoire de la maladie
En 1906, le neuropsychiatre allemand Aloïs Alzheimer décrit la maladie chez une patiente de 51 ans. Alzheimer corrèle les altérations cognitives et comportementales de la patiente avec la présence à l’autopsie de « foyers miliaires », agrégats de substance organique formant des plaques à l’extérieur des neurones, et des lésions des neurones eux-mêmes envahis de l’intérieur et jusqu’à l’extrémité de leur prolongement par des fibres microscopiques. Il caractérise ainsi les deux signes caractéristiques de la pathologie que sont les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires (DNFs). Plus de 80 ans après, des études au niveau moléculaire ont permis de montrer que les plaques amyloïdes sont des depôts extracellulaires de peptides d’une quarantaine d’acides aminés (« ! protein » ensuite renommée peptide A!) (Glenner and Wong, 1984). Ces peptides ont aussi été isolés de cerveaux de patients présentant un syndrome de Down (ou trisomie 21), ce qui suggérait qu’ils étaient issus d’une protéine codée par un gène présent sur le chromosome 21 (Masters et al., 1985). Effectivement, la séquence codant ces peptides est peu après découverte sur ce chromosome, au sein d’un gène codant une protéine d’environ 700 acides aminés : l’Amyloid Precursor Protein (APP) (Goldgaber et al., 1987). En 1987, J Kang (Kang et al., 1987) montre que le peptide A! résulte effectivement du clivage de l’APP. En 1991, les premières mutations sur le gène de l’APP sont décrites dans les formes familiales de la maladie (Hardy and Allsop, 1991). En 1963, M Kidd (KIDD, 1963) montre que les fibrilles observées par Alois Alzheimer dans les neurones sont des filaments de 10 nm de diamètre appariés en hélice. Les DNFs sont ensuite décrites comme étant composées de formes hyperphosphorylées de la protéine Tau (Grundke-Iqbal et al., 1986). Ces découvertes des années 1980 initient des années de recherche intensive sur la MA, permettant d’apporter des connaissances nouvelles et approfondies sur le métabolisme de l’APP, la génération des peptides A! et l’homéostasie de Tau.
Diagnostic
Le diagnostic de certitude de la MA ne se fait que post-mortem, à l’autopsie où l’on retrouve les lésions neuropathologiques caractéristiques de la maladie. Cliniquement, seul un diagnostic de « MA probable » peut être donné. Ce dernier implique actuellement plusieurs étapes : une première évaluation incluant l’histoire médicale du patient, une évaluation du statut mental, un examen clinique, des examens de neuroimagerie et enfin des tests biologiques.
Neuropathologie
Jusqu’en 1991, l’échelle diagnostique qui prévalait était celle établie par une institution américaine spécialisée dans la MA : le CERAD. Elle se basait uniquement sur la quantification des plaques amyloïdes. Cette échelle manquait de rigueur, car d’une part la présence de plaques n’est pas spécifique de la MA – elles sont présentes chez des sujets âgés ne présentant pas de syndrome démentiel – et d’autre part l’extension de la pathologie amyloïde n’est pas proportionnelle à l’étendue des signes cliniques. Par le terme « pathologie amyloïde », on englobe un certain nombre de lésions phénotypiquement différentes les unes des autres mais toutes développées à la suite de Figure 1 : Lésions neuropathologiques présentes dans la maladie d’Alzheimer : plaques amyloïdes et dégénérescences neurofibrillaires. « + l’accumulation d’A!. On distingue ainsi des dépôts diffus, des dépôts focaux et des dépôts stellaires. Certains dépôts sont entourés d’une « couronne » de neurites (dendrites et axones) et constituent ce que l’on appelle les plaques neuritiques. La grande majorité de ces lésions se situe dans la substance grise (cf figure 2). Chronologiquement, on peut distinguer 5 phases de dépôts en fonctions des territoires atteints (Thal et al., 2002) : la 1ère implique l’isocortex, la 2ème l’hippocampe et le cortex entorhinal, la 3ème le striatum et les noyaux du diencéphale, la 4ème divers noyaux du tronc cérébral et la 5ème les autres noyaux du tronc cérébral et le cervelet. Des dépôts amyloïdes se forment aussi au sein des parois des artères et des capillaires irriguant le cerveau et, à un moindre degré, au niveau du réseau veineux : ils sont ainsi responsables de lésions d’angiopathie amyloïde. De même, le terme « pathologie Tau » englobe les différents types de lésions engendrées par l’agrégation de protéines Tau hyperphosphorylées et la formation de dégénerescences neurofibrillaires (DNFs). Ces dernières ne sont pas spécifiques de la MA et sont retrouvées dans d’autres maladies neurodégénératives. Les DNFs s’accumulent dans le soma et les dendrites sous forme respectivement de « tangles » et de « neuropil threads ». On trouve aussi une accumulation de Tau dans les axones qui forment la « couronne » des plaques neuritiques. En 1991, H et E Braak (Braak and Braak, 1991) ont décrit l’évolution chronologique de la pathologie Tau au cours de la maladie. Ils distinguent 6 stades. Les cortex entorhinal et trans-entorhinal sont les premiers touchés (stades I et II), puis l’hippocampe (stades III et IV) et enfin l’isocortex (stade V et VI). Si les premiers stades peuvent relever du simple vieillissement « normal », à partir du stade IV la probabilité qu’il s’agisse d’un patient ayant souffert de MA est forte. Les stades I et II surviennent très tôt : une étude a en effet révélé la présence de lésions de ce type à l’âge moyen de 47 ans (Duyckaerts and Hauw, 1997). Le noyau basal de Meynert et le locus coeruleus innervant respectivement le cortex en Figure 2 : Zones cérébrales touchées par les lésions aux stades précoces de la MA « » acétylcholine et en noradrénaline seraient atteints dès le stade I, expliquant en partie le déficit observé de ces neurotransmetteurs dans la MA (Sassin et al., 2000), (Grudzien et al., 2007) . La symptomatologie et l’évolution clinique étant mieux corrélée à la pathologie Tau qu’à la pathologie amyloïde, en 1997, de nouveau critères diagnostiques ont été établis : ceux du National Institute of Aging et du Reagan Institute (National Institute on Aging and Reagan Institute Working Group, 1997). Ils prennent en compte à la fois les paramètres cliniques, la pathologie Tau et la pathologie amyloïde. Ils sont désormais reconnus et adoptés par tous les spécialistes mondiaux à la place de l’ancienne classification du CERAD. On distingue actuellement plusieurs formes clinico-pathologiques de la maladie. Elles diffèrent selon la nature des lésions prédominantes (plaques ou DNF), la manière dont la pathologie débute (lésions de l’hippocampe (dans la majorité des cas) ou lésions focales corticales), la forme (génétique ou sporadique) et la présence ou non de lésions associées (corps de Lewy, lésions vasculaires, sclérose de l’hippocampe, etc) (Duyckaerts et al., 2009). Ces différences neuropathologiques se traduisent par des présentations cliniques différentes : les mécanismes physiopathologiques sous-tendant ces différentes formes clinicopathologiques pourraient être distincts (Murray et al., 2011).
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