Rôle des hautes températures sur la sensibilité de l’huître creuse à l’infection virale

En milieu marin, la température est un paramètre déterminant dans le déclenchement de maladies et l’émergence de pathogènes (Burge et al., 2014; Harvell et al., 2002). La température module l’aptitude d’un parasite à coloniser son hôte et la capacité de celui-ci à se défendre. Il existe tout une gamme d’influences possible de la température sur l’infectivité des parasites (réplication, virulence), et/ou sur la sensibilité de l’hôte (entrée du pathogène, réponse immunitaire …). L’exposition d’invertébrés infectés à des hautes températures permet de réduire significativement la mortalité causée par des agents pathogènes comme lors d’infection de crevettes par le White Spot Syndrome Virus (WSSV) (Rahman et al., 2006). La température de l’eau de mer définit le début et la fin des épizooties huîtres causées par OsHV- 1. En milieu naturel, la transmission d’OsHV-1 est optimale et les mortalités d’huîtres associées sont maximales lorsque la température de l’eau de mer est comprise entre 16°C et 24°C (Pernet et al., 2012; Renault et al., 2014). En laboratoire, la survie des huîtres exposées à OsHV-1 à des températures comprises entre 13°C et 29°C augmente lorsque l’eau de mer dépasse β6°C (Petton et al., 2013). Mais le rôle des hautes températures reste ambigu, lorsque les huîtres sont infectées (en milieu naturel ou par injection) puis exposées à des températures comprises entre 18°C et β6°C, la précocité et l’importance des mortalités augmentent à hautes températures (De Kantzow et al., 2016; Petton et al., 2013).

Le travail présenté dans ce premier article vise à préciser le rôle des hautes températures sur la sensibilité de l’huître creuse à l’infection virale, et sur la persistance/virulence d’OsHV-1. “Temperature modulate disease susceptibility of the Pacific oyster Crassostrea gigas and virulence of the Ostreid herpesvirus type 1” publié dans Fish and Shellfish Immunology. Des huîtres SPF (Specific pathogen free) âgées de 8 mois ont été injectées avec une suspension d’OsHV-1 (donneurs) ou avec de l’eau de mer synthétique (témoins) et ont été mises en cohabitation avec des huîtres SPF « receveurs » ou « receveurs témoins » (Fig. 1). Les receveurs étaient préalablement acclimatés ou ajoutés directement (non acclimatés) dans les bassins à 21°C, 26°C ou 29°C. Leur survie a été suivie pendant 14 jours, et l’infectivité d’OsHV-1 et la réplication virale ont été évaluées (expérience 1 A). Parallèlement, une deuxième expérience (expérience 2) a été réalisée afin d’évaluer l’effet direct de la température sur le virus OsHV-1. La suspension virale et l’eau de mer de synthèse (témoin) ont été incubées à β1°C, β6°C et β9°C avant l’injection dans des huîtres donneuses maintenues à 21°C. Elles sont ensuite placées en cohabitation avec des receveuses maintenues à 21°C. La survie des receveuses est suivie pendant 14 jours, ainsi que l’infectivité et la réplication d’OsHV-1.

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Ainsi, cette étude montre que la survie des huîtres exposées à OsHV-1 à 29°C (85.7%) est plus élevée qu’à 21°C (52.4%) et 26°C (43.9%). Les hautes températures semblent réduire la sensibilité des huîtres sans altérer l’infectivité du virus qui parait cependant par contre accrue à β6°C. Aucune réactivation ou transmission virale n’a été observée lorsque que les receveurs ont été placés à 21°C. Des mortalités supplémentaires ont été observées lors du transfert des huîtres receveuses sur le terrain (exposition à une maladie poly-microbienne), mais la survie globale des huîtres infectées à 29°C reste supérieure par rapport aux autres températures. La diminution de la sensibilité des huîtres exposées à OsHV-1 à 29°C ouvre de nombreuses perspectives pour travailler sur le développement d’une méthode pratique pour réduire les mortalités d’huîtres creuses, mais de nombreuses questions restent en suspens. Il semble en effet crucial de vérifier le statut sanitaire des huîtres ayant survécu à OsHV-1 à hautes températures sur le long terme. Avant tout, avant d’imaginer des méthodes de réduction des mortalités, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous-jacents à la réduction de sensibilité des huîtres àcOsHV-1 par les hautes températures. Le travail présenté dans le chapitre précédant montre que le maintien des huîtres à 29°C pendant leur infection par OsHV-1 augmente significativement leur survie sans altérer ni l’infectivité du virus ni sa virulence. Après 14 jours, les huîtres infectées maintenues à 29°C présentaient une survie de 85,7%, tandis que les témoins d’infection maintenus à β1°C affichaient une survie de 5β,4%. Aux deux températures, l’ADN et l’ARN d’OsHV-1 ont été détectés. Cependant la réplication virale d’OsHV-1 et le taux d’ADN viral ont été réduit significativement chez des huîtres maintenues à 29°C (Delisle et al., 2018b).

 

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