Rôle de Spen dans la survie cellulaire
L’expression de spen dans la glie est requise chez la mouche adulte pour la resistance au stress oxydatif ´
Le gène spen est connu pour interagir avec la voie de signalisation EGFR afin de contrôler la survie et la migration des cellules gliales au cours de l’embryogénèse (Chen and Rebay 2000). Les résultats obtenus que ce soit avec le test de survie ou le test locomoteur pourraient être la conséquence d’un rôle précoce de spen sur le développement des cellules gliales. En effet l’inactivation de spen dans les cellules gliales durant la formation de l’embryon pourrait compromettre le bon développement du cerveau et résulterait en des mouches adultes plus sensibles au paraquat. Afin de tester cette hypothèse, nous avons de nouveau utilisé la protéine GAL80ts. Grˆace à ce système, nous avons inactivé spen dans les cellules gliales une fois le développement du cerveau de la mouche terminé. En présence de la protéine GAL80ts active, aucun effet n’est visible entre les mouches repo>spen ARNi et les mouches contrôles (Fig. 3.14d). En revanche, si on inactive la protéine GAL80ts après l’éclosion des mouches (i.e. on inactive spen dans la glie adulte), les mouches sont plus sensibles à un stress oxydatif comparé aux contrôles (Fig. 3.14c). Ce résultat montre que les effets observés en réponse à un stress oxydatif ne sont pas le résultat de défauts développementaux mais d’un rôle de spen dans le cerveau adulte.
L’expression de spen dans le cerveau adulte controle ˆ des acteurs de la reponse anti-oxydante et la voie de ´ signalisation Notch
L’inactivation de spen conduit à une sensibilité accrue des mouches à un stress oxydatif suite à un exposition au paraquat. Afin de comprendre comment spen pourrait avoir un rôle protecteur, nous avons étudié l’expression de deux gènes antioxydants : SOD (super-oxyde dismutase) et Ferritine (Lio122 chev 1996). Nous avons tout d’abord évalué quels gènes antioxydants étaient impliqués dans notre modèle de stress oxydatif (paraquat). Pour cela nous avons évalué l’activité transcriptionnel de ces gènes en réponse à un traitement au paraquat. Nous montrons que les gènes sod1 et sod2 ne varient pas en réponse au traitement, contrairement aux gènes formant le complexe Ferritine : ferritine1 et ferritine2 (Fig.3.15a). En effet ces deux derniers sont surexprimés en réponse au traitement paraquat, suggérant l’implication de la Ferritine dans la réponse à ce stress. D’ailleurs le rôle de la Ferritine dans la maladie de Parkinson est activement étudiée (Quintana and Gutiérrez 2010). La ferritine est une hétéroprotéine constituée de 24 sous-unités et ayant un rôle anti-oxydant par le stockage des ions ferreux. Nous avons alors regardé la possible interaction entre spen et la Ferritine. De manière surprenante, l’inactivation de spen conduit à une réduction de l’activité transcriptionnelle des gènes composants la Ferritine (Fig.3.15b). Spen pourrait ainsi réguler le stress oxydatif via son interaction avec le complexe de détoxification Ferritine. Nous avons montré que spen était exprimé dans les cellules gliales et les neurones, mais que son rôle sur le contrôle de la survie des cellules neuronales en réponse à un stress oxydatif semblait être associé à son expression dans les cellules gliales. Afin de comprendre les mécanismes gliaux spécifiques responsables de la mort des neurones dopaminergiques, nous avons dans un premier temps testé le rôle de la voie Notch, en collaboration avec Dr Laurent Seugnet, spécialiste de la voix de signalisation Notch. Nous avons utilisé un rapporteur de la voie Notch (Notch responsive element, NRE-GFP) pour mesurer l’activation de la voie dans les cellules gliales après inactivation ou non de l’expression de spen par ARNi. En effet, la voie Notch est impliquée dans la signalisation suivant les contacts entre deux cellules, et spen interagit génétiquement avec cette voie (Doroquez et al. 2007). Une expression basale de Notch a été détectée dans le cerveau adulte grˆace 123 Fig. 3.15. Spen est impliqué dans la réponse oxydative et la voie de signalisation Notch. (a) Analyse des niveaux de transcrits de quatre gènes de la réponse anti-oxydante en réponse à un traitement au paraquat. Des mouches ˆagées de 3 jours sont traitées au PQ 10 mM pendant 0, 24 ou 48h. L’expression des gènes est mesuré sur des extraits ARN isolés à partir d’extraits de têtes (n>40). (b) Expression transcriptionelle des deux gènes formant la Ferritin lorsqu’une copie de spen est mutée (PPZspen03350/+) ou lorsque spen est inactivé dans la glie (repo>spenARNi). (c-d) Cerveaux entiers exprimant le rapporteur Notch NRE-GFP. L’expression d’un ARNi contre spen dans les cellules gliales avec le driver Eaat1-GAL4 (d) supprime l’activation basale de la voie Notch comparé au contrôle (c). (e) Quantification des intensités de la GFP (NRE-GFP) de (c) et (d). Les barres d’erreur représentent les écart-types. “N” désigne le nombre de cerveaux analysés par condition. 124 au rapporteur NRE-GFP (Fig. 3.15c). Afin de tester si l’inactivation de spen module l’activation de la voie Notch, nous avons utilisé un driver eaat1 -GAL4. Ce driver est spécifique des cellules gliales de la neuropile. Par ailleurs le driver eaat1 -GAL4 est exprimé plus tardivement que le driver repo-GAL4, ce qui amoindrie d’éventuels effets parasites suite au développement de la mouche. L’expression d’un ARNi contre spen avec le driver eaat1 -GAL4 diminue fortement l’activité de la voie Notch (Fig. 3.15d, e). Spen serait ici un régulateur positif de la voie Notch. Toutefois des expériences supplémentaires doivent être réalisées afin de vérifier si c’est bien la modulation de la voie Notch qui entraˆıne la sensibilité au stress oxydatif des mouches lorsque spen est inactivé. Afin de confirmer l’interaction génétique entre spen et la voix Notch en réponse à un stress oxydatif, il serait intéressant de moduler spen ainsi que la voie Notch en même temps dans les cellules gliales, afin d’observer s’il existe une interaction génétique et si les effets sont additifs. Nous avons montré ici que spen était requis dans le cerveau adulte pour la résistance à un stress au paraquat, peut-être via son interaction avec les gènes de la réponse anti-oxydante ou avec la voie de signalisation Notch.
Résultats Annexes
GMR-GAL4 driver et l’affectation des soies
L’expression d’un ARNi contre spen dans les cellules de l’œil via le driver fort GMR-GAL4 conduit à un phénotype assez marqué des soies de l’œil (Fig. 3.4). Le driver GMR-GAL4 est connu pour cibler toutes les cellules de l’œil après le passage du sillon morphogénétique. Dans le but de caractériser les drivers GAL4 utilisé dans notre étude, nous avons avec surprise remarqué que le driver GMR-GAL4 ne ciblait pas les quatre cellules formant la soie dans le disque de pupe 42 heures APF (Fig. 3.16a-d). Ce driver cible en 125 revanche l’intégralité des autres cellules composant le disque d’œil de pupe 42 heures APF. Il est alors étonnant d’observer un phénotype au niveau des soies avec un tel driver. Cela peut-être expliqué de deux manières qui ne sont pas exclusives. En désorganisant les cellules interommatidiales, l’inhibition de spen peut affecter physiquement la soie en croissance et conduire à ce phénotype. Autrement, il est possible que le driver GMR-GAL4 ne soit pas exprimé dans les soies 42 heures APF, mais plus tôt au cours du développement. Pour tester cette seconde hypothèse, nous avons utilisé une construction génétique permettant de suivre le lignage cellulaire (Matériels et Méthodes). Cette approche permet de faire exprimer un marqueur héritable (LaCZ) aux cellules ayant une origine commune. Cette approche nous permet de savoir si au cours du développement de l’œil le driver GMR-GAL4 a été exprimé dans les cellules formant la soie. Il s’avère en effet que par cette approche l’intégralité des cellules formant le disque d’œil 42 heures APF expriment l’enzyme β-galactosidase (Fig. 3.16a’-d’). Ce résultat montre que plus tôt au cours du développement de l’œil le driver GMR-GAL4 a ciblé les cellules formant les soies. D’o`u le phénotype observé dans les mouches GMR>spenARNi.
Spen et la formation des veines de l’aile
Dans le but initial de valider notre anticorps, nous voulions surexprimer ou inhiber spen dans le disque imaginal d’aile, afin de vérifier la modulation du signal de Spen et donc valider l’anticorps. Pour cela, nous avons utilisé le driver engrailed-GAL4 (en-GAL4). Ce driver est spécifique du compartiment postérieur du disque d’aile alors que le compartiment antérieur reste parfaitement sauvage. Les mouches surexprimant spen avec ce driver (en>spen) n’éclosent pas et meurent à l’état pupal. Ce défaut d’éclosion est certainement dˆu à un problème au niveau des ailes. L’inactivation de spen par ARNi suivant le même principe n’est pas létal pour la mouche. Le résultat a été assez surprenant car les ailes obtenues sont peu affectées. Cependant les ailes 126 Fig. 3.16. Le driver GMR-GAL4 cible les cellules composants les soies mais pas dans les phases tardives du développement du disque de pupe. (a-d’) Images par microscopie confocale de disque d’œil de pupe 42 heures APF et exprimant nls-GP (a-d) ou le tra¸ceur de lignage act>stop>LacZnuc (a’-d’). (a,a’) Marquage des membranes avec un anticorps anti-Armadillo. (b,b’) Marquage anti-Elav. A ce focus, on distingue chaque neurone composant les soies. (c) nls-GFP récapitulant le patron de GMR-GAL4. A ce focus, on voit le noyau de chaque IOCs. De manière surprenante, GMR n’est pas exprimé dans les soies. (c’) Patron d’expression de GMR-GAL4 avec le traceur de lignage (act>stop>LacZnuc). Dans ce cas, toutes les cellules y compris les cellules des soies expriment la β-galactosidase. Ce résultat montre que GMR-GAL4 cible les soies, mais plus 42 heures APF. 127 Fig. 3.17. L’inactivation de spen dans l’aile de la Drosophile bloque la formation de la PCV. (a-b) présentent des ailes entières de mouches imagées par loupe optique. Aile de mouche contrôle (en>UAS-GFP) (a), et exprimant spenARNi (en>spenARNi)(b). La flèche blanche indique la PCV (posterior cross vein) dans un tissu sauvage, la flèche violette montre l’absence de PCV dans un contexte ou spen est inactivé. Grossissement x80. des mouches apparaissent voilées et surtout la veine postérieure transversale (PCV, posterior crossed vein) est absente dans l’intégralité des cas (Fig. 3.17). Chez la Drosophile c’est dpp (decapentaplegic) un morphogène qui est responsable de la mise en place de la PCV. Dpp est un membre de la famille des BMP (bone morphogenetic proteins) qui est sécrété à l’extérieur de la cellule pour se lier à son récepteur tkv (thickvein). Le résultat est la phosphorylation des deux facteurs Mad et Medea qui vont aller activer la transcription de facteurs cibles. La formation de la PCV est établie par une diffusion à 128 longue distance de dpp (Matsuda et al. 2013). L’implication de spen dans la formation de la PCV n’a jamais été montrée jusqu’à présent. En 2003, une étude chez la Drosophile concernant la voie de signalisation Wingless a établi une relation génétique entre spen et dpp. Au cours du développement de l’œil chez la larve, Wg est exprimé aux bords dorsal et ventral du disque ou il inhibe la progression du sillon morphogénétique (Ma and Moses 1995). Dpp est exprimé dans la partie dorsale du disque ou il inhibe Wingless (Royet and Finkelstein 1997). Ainsi, dans un mutant dpp, la voie Wingless n’est pas restreinte donnant un œil de petite taille. Les auteurs ont montré que l’inactivation de spen dans un mutant dpp sauvait le phénotype œil de petite taille, suggérant que spen est un activateur de la voie Wingless ou un antagoniste de dpp (Lin 2003). Le lien entre spen et dpp reste à être éclaircie et notamment dans le contexte de la formation de la PCV.
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