Rôle de l’enseignant dans l’inclusion d’enfants présentant des troubles du comportement

Les troubles du comportement

Du fait de son ambiguïté, sur le plan sémantique et diagnostique, la notion de troubles du comportement reste floue. Cette imprécision est d’ailleurs accentuée par les divergences conceptuelles qui entraînent une diversité terminologique empêchant toute définition et classification véritables de ces troubles. Il semblerait que ceux-ci soient de nature hétérogène et caractérisés par une comorbidité.
Selon le DSM-IV, il s’agirait d’un terme générique comprenant des troubles plus spécifiques tels que les troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), les troubles oppositionnels avec provocation (TOP) et les troubles de la conduite. Dans cette classification, les troubles du comportement seraient alors inclus dans le chapitre : « Déficit de l’attention et comportement perturbateur » composé des différents troubles spécifiques présentés précédemment.
A contrario, dans la CIM-10, cette notion apparaît dans le chapitre V « troubles mentaux et du comportement » et plus précisément dans la partie « Troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement durant l’enfance et l’adolescence ». Dans cette partie, le point F.91 correspond aux troubles des conduites qui est décliné en plusieurs sous-types de troubles et notamment les TOP. Cette classification est en correspondance avec la CFTMEA R-2012 qui a pour chapitre 7 : «Troubles des conduites et du comportement». Or, ces deux classifications ne catégorisent guère les troubles du comportement de manière précise, à l’inverse du DSM-IV qui, malgré ses critères diagnostics sommaires, permet d’avoir une base quant à l’éventuelle concomitance de ces troubles dits spécifiques.

L’environnement de l’enfant

Contexte familial : Une interaction pourrait donc s’opérer entre les caractéristiques individuelles de l’enfant et ses conditions familiales et sociales, favorisant ainsi le développement des TCC. D’après L. Fortin et F. F. Strayer (2000) il y aurait une forte association entre les caractéristiques familiales et les difficultés d’adaptation de l’enfant d’un point de vue social et scolaire. L’influence de la structure familiale sur l’enfant est alors indéniable puisqu’il s’agit du premier milieu de vie que côtoie celui-ci. Dans un avis rédigé par le Conseil supérieur de l’éducation québécois (2001), d’autres facteurs en lien avec la famille semblent émerger tels que les problèmes personnels des parents, leurs pratiques éducatives et leur participation à la vie scolaire de l’enfant. Parmi les problèmes personnels sont mis en exergue la situation économique, les problèmes de divorce, de dépression et la consommation abusive de certaines substances (alcool, drogues), qui peuvent être la cause de souffrance et de stress pour les enfants témoins de cela et donc influer sur son développement. Par ailleurs, l’accent est mis sur les pratiques éducatives, catégorisées par Baumrind (1966). D’un côté se trouvent les pratiques trop autoritaires, dénuées d’affection et de l’autre, les pratiques permissives où le contrôle parental est faible. Ces deux cas de figures mettent en évidence le rôle que peuvent avoir les parents sur le développement cognitif de l’enfant. De plus un manque de soutien et de participation à la vie scolaire de la part des parents aurait un impact sur le rendement scolaire de l’enfant notamment si ceux-ci ont tendance à dévaloriser l’école et ne pas apporter leur aide à la réussite scolaire de leur progéniture.

Réajustements et volonté « d’accessibilité universelle » de l’école

Suite à la Conférence Nationale du Handicap (CNH) qui a eu lieu en 2014, de multiples précisions ont été faites quant aux textes réglementaires traitant de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Dans une visée d’égalité territoriale en ce qui concerne le traitement des enfants en situation de handicap, le projet personnalisé de scolarisation (PPS) et le guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (Geva-Sco) ont été formalisés et modernisés. Qui plus est, les AVS furent remplacés par les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) qui bénéficient d’une amélioration dans la durée de leur contrat professionnel et d’une valorisation de leurs compétences. Des contrats supplémentaires auraient d’ailleurs été créés pour la rentrée 2015. En outre, les CLIS furent remplacées dans les écoles primaires par les Unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS-école). Ces unités, constituées de petits effectifs (12 élèves maximum), sont encadrées par des enseignants spécialisés et ont pour mission de permettre aux élèves en situation de handicap d’être accompagnés selon leurs besoins dans l’intégration d’une classe ordinaire afin de suivre certains enseignements. Enfin, les professionnels et les familles seront davantage informés par le biais d’une plaquette d’information et de ressources mises en ligne par l’Education Nationale au sujet du handicap à l’école et des dispositifs présents dans les différents départements.
Tous ces réajustements montrent bien dans quelle dynamique se dirige l’Education Nationale quant à l’inclusion scolaire en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap.
Cependant, tout n’est pas figé et des améliorations sont encore certainement possibles pour atteindre une réelle « accessibilité universelle » de l’école, accueillant tout le monde sans que rien ne puisse être un frein pour l’enfant dans ses apprentissages scolaires et sociaux. Etant étroitement liée à la société, l’institution scolaire représente une collectivité régie par des normes «sociales». Cela signifie que les enfants sont amenés à se comparer entre pairs et l’exclusion peut être la réponse envers un enfant ne rentrant pas «dans le moule» car considéré comme «hors norme». Ainsi « l’inclusion n’implique pas de déroger aux normes scolaires et sociales, elle implique de les déconstruire », cela sous-entend qu’un travail doit être effectué au sein de l’Ecole avec le collectif, notamment par le biais des programmes d’Enseignement Moral et Civique, afin que les élèves portent un tout autre regard sur la différence et soient de ce fait plus tolérants et ouverts d’esprit.

L’école inclusive : conséquences de cette mutation sur les pratiques enseignantes

Pour aborder cette partie, nous reprendrons les mots de Philippe Meirieu qui disait que pour tendre vers l’école inclusive, il faut « repenser le fonctionnement même de la classe et de l’école à partir d’axes forts » tels que la coopération parents-institutions-secteur médicosocial, la différenciation pédagogique adaptée aux besoins spécifiques de l’élève et un réel suivi en ce qui concerne son parcours en lui donnant les clés pour surmonter certains obstacles. En nous basant sur ces paroles, il apparait évident que cette évolution du système éducatif a des effets sur les enseignants qui se doivent de changer leurs habitus professionnels et potentiellement la conception de leur métier en vue de l’inclusion d’un public varié dans l’établissement scolaire.
Coopération et co-intervention : Cette démarche inclusive d’enfants en situation de handicap en milieu ordinaire implique évidemment une modification du métier d’enseignant puisque ce professionnel sera amené à travailler, au sein de l’établissement et de sa classe avec d’autres intervenants. Parmi eux, nous retrouvons les AESH qui peuvent accompagner certains enfants à besoins particuliers dans le cadre du PPS et qui ont notamment pour principale mission l’optimisation de l’autonomie, des apprentissages et de la socialisation de l’élève dans la classe. Cette aide humaine est sous la responsabilité pédagogique de l’enseignant mais leurs actions sont
conjointes et doivent résulter d’une concertation permettant de définir préalablement les attentes du professeur dans le but que l’AESH ajuste ses interventions auprès de l’élève concerné par ce dispositif. La partition des tâches de chacun est ainsi le fruit d’une organisation divisée en deux systèmes : celui du professeur qui est didactique et central, et celui de l’AESH qui est auxiliaire. La communication et la relation de confiance entre ces deux acteurs est indispensable pour mener à bien les actions auprès de l’élève en situation de handicap. C’est sur la base équilibrée d’un échange de pratiques et d’observations que cette collaboration sera bénéfique pour chacun, ce qui inclut une répartition des rôles et un respect mutuel.

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Les enseignants face à la réalité

Ainsi, les enseignants se retrouvent au cœur de cette mutation inclusive de l’Ecole et, dans cette logique, voient leurs repères professionnels se transformer en profondeur. Plusieurs études datant de 2015 mettent en avant les difficultés vécues par les professeurs des écoles face à un public dont les comportements ne semblent pas adaptés au cadre scolaire. D’après Christian Salarié, cette nouvelle organisation de l’école en faveur des enfants en situation de handicap représente un bouleversement des habitudes professionnelles des enseignants qui ne se sentent pas formés pour faire évoluer leurs pratiques. Malgré la volonté des professeurs à dégager les aspects positifs de la démarche inclusive, des lacunes en termes de formation et de capacités dans l’accueil d’un public en situation de handicap, se ressentent sur le terrain. Cette inclusion, imposée aux enseignants, peut alors être vécue comme une contrainte pour tous (élèves et professeurs des écoles) si celle-ci est mal préparée.
Face à des élèves présentant des TCC, l’enseignant est également pris dans un étau : l’individuel et le collectif. De manière simultanée, le professeur doit veiller non seulement à la cohésion du groupe-classe mais doit aussi prendre en compte la dimension singulière des élèves et pas uniquement celle de l’enfant atteint de TCC. Par ailleurs, l’inclusion implique un investissement plus grand de la part des enseignants, que ce soit dans la mise en œuvre du PPS, des réunions d’équipes éducatives, mais également auprès des parents. Une relation communicationnelle avec la famille de l’élève est indispensable, particulièrement en maternelle où les enseignants sont souvent les premiers à découvrir et à signaler lorsqu’un élève présente des difficultés comportementales ou d’apprentissages. A l’issue du dessein inclusif de l’Ecole, un paradoxe se dessine à deux niveaux. Le premier serait l’écart entre les bonnes intentions des professeurs en ce qui concerne l’inclusion dans leur classe d’élèves en situation de handicap et leurs habiletés réelles à les accueillir convenablement. Le second serait en rapport avec les dispositifs à mettre en place, évoqués dans les textes, mais qui ne sont pas correctement appliqués, faute de moyens matériels ou humains tels que le manque d’enseignants spécialisés dans certains départements. De fait, un fossé entre les textes de loi relativement utopiques et la réalité du terrain est en train de se creuser.

Table des matières

Introduction
I – Cadre théorique 
1) Les troubles du comportement
1. Définitions et nosographie
2. Manifestations des TCC
2) L’environnement de l’enfant
1. Contexte familial
2. Milieux social et scolaire
3. Apparition des TCC et pistes de prévention
3) Législation : vers une école inclusive
1. Lois de 1975 et de 1989 : les limites de l’intégration
2. Loi 2005 : un premier pas vers l’école inclusive
3. Loi 2013 : une nouvelle impulsion vers l’inclusion
4. Réajustements et volonté « d’accessibilité universelle » de l’école
4) Le PPS : un outil de collaboration entre les divers intervenants
1. Evaluation des besoins de l’élève
2. Les aménagements
3. L’adaptation des attitudes
5) L’école inclusive : conséquences de cette mutation sur les pratiques enseignantes
1. Coopération et co-intervention
2. Personnes ressources et formation
3. Les enseignants face à la réalité
II – Méthodologie
1) Matériel 
2) Participants
3) Procédure
III – Description et analyse des données
1) Représentations des enseignants
1. Les troubles du comportement et de la conduite
2. L’inclusion
2) Echos des manifestions des TCC sur le groupe-classe 
1. Manifestations des TCC
2. Eléments déclencheurs des TCC
3. Répercussions de l’inclusion d’enfants avec TCC sur le groupe classe
3) Défaut de formation et appréhensions face à l’inclusion d’enfants avec des TCC
4) Adaptations, soutien et relations
1. Posture de l’enseignant – Mise en place d’outils
2. Relations avec les collègues et les intervenants
3. Relations avec la famille
4. Impressions des enseignants sur le terrain : soutien perçu
IV – Discussion
1) Principaux résultats
2) Apports et limites
3) Perspectives
Conclusion
Bibliographie 
Annexes
Annexe 1 – Guide d’entretien
Annexe 2 – Formulaire du questionnaire en ligne
Annexe 3 – Transcriptions des entretiens
Annexe 4 – Données brutes du questionnaire

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