Rôle de la membrane basale lors de la morphogenèse épithéliale chez Drosophila melanogaster

Rôle de la membrane basale lors de la morphogenèse épithéliale chez Drosophila melanogaster

La biosynthèse du Collagène de type IV

Sa biosynthèse est un processus complexe nécessitant l’intervention de nombreux partenaires protéiques et enzymatiques (Figure 14). Cette biosynthèse est finement régulée et des mutations dans les enzymes de modification du Collagène de type IV peuvent entraîner des défauts dans sa production et/ou sa sécrétion qui sont à l’origine de syndromes graves et complexes (Myllyrharju and Kivirikko, 2004 ; Kuo et al., 2012). Chez la Drosophile, les chaînes α subissent de nombreuses modifications posttraductionnelles dans le réticulum endoplasmique. De nombreuses protéines chaperonnes et d’enzymes participent à la trimérisation et au repliement du Collagène de type IV. La protéine disulfide isomèrase (PDI) intervient dans la stabilité des domaines NC1 (Boutaud et al., 2000 ; Khoshnoodi et al., 2006). Les enzymes lysyl- et prolyl-hydroxylases (PH4α-EFB) (Lamandé and Bateman, 1999) interviennent dans la trimérisation et la stabilité des chaînes α. Le trimère de Collagène de type IV est alors sécrété du réticulum endoplasmique vers le Golgi. Cette sécrétion n’est pas effectuée par le système CopII mais plutôt par l’intermédiaire de la protéine transmembranaire Tango1 (Saito et al., 2009 ; Venditti et al., 2012 ; Wilson et al., 2011). Les cellules du corps gras et des hémocytes produisent du Collagène de type IV (Pastor-Pareja et al., 2011). Dans ces deux lieux de production, la protéine SPARC est nécessaire à l’incorporation correcte du Collagène de type IV au sein des MBs (Martinek et al., 2008). Dans les cellules épithéliales, à la suite du passage dans le Golgi, les protéines de la MB doivent être adressées spécifiquement vers le domaine basal de ces cellules. Il a été montré par plusieurs études, que l’adressage spécifique vers ce domaine ainsi que la sécrétion des constituants des MBs empruntait un mécanisme distinct de celui appliqué classiquement (Boll et al., 1991 ; Caplan et al., 1987 ; Cohen et al., 2001 ; De Almeida and Stow, 1991). Les protéines Crag et Scarface sont impliquées dans la régulation de la polarisation de la sécrétion de la MB puisque la perte de l’une ou de l’autre entraîne l’accumulation des composants basaux aux niveaux basal et apical (Denef et al., 2008 ; Eastburn and Bostov, 2010). De plus, il a été montré en 2013 que le réticulum endoplasmique, dans lequel les constituants des MBs sont synthétisés, était polarisé et orienté dans le sens du pôle basal (Lerner et al., 2013). A également été montré que la 33 protéine Tango1 était localisée au pôle basal. Rab10 et Crag agissent également pour orienter les vésicules de sécrétion vers le pôle basal des cellules épithéliales. !0,DG :

 Les Laminines

Les Laminines sont une famille de glycoprotéines extracellulaires qui participent à la formation des MBs. Elles sont caractérisées par leur organisation en hétérotrimères de chaîne α, β et γ (Figure 15). La sous-unité α est principalement impliquée dans l’adhésion aux cellules sous-jacentes et interagit principalement avec les récepteurs aux Intégrines. Les sous-unités β et γ ont un rôle structural et permettent la polymérisation du réseau ainsi que les interactions avec les Nidogènes. Chez les vertébrés, on retrouve 16 hétérotrimères de Laminine différents, qui suggère une très grande variété de structure et donc des propriétés différentes des MBs (Aumailley et al., 2005 ; Macdonald et al., 2010). Chez la Drosophile, les Laminines s’assemblent également en hétérotrimères. Cependant, il existe uniquement 2 types qui diffèrent par leur chaîne α. Ces chaînes α sont codées par les gènes Laminin A (CG10236) et wingblister (CG42677) (Fessler et al., 1987 ; Martin et al., 1999), la chaîne β par le gène LanB1 (CG7123) et la chaîne γ par le gène Laminin B2  Tout comme chez les vertébrés, la Laminin A est exprimée chez la Drosophile en grande quantité dans les MBs de l’épiderme, des muscles, du système nerveux et des organes sensoriels (Fessler and Fessler, 1989 ; Montell and Goodman, 1989). Des mutations nulles pour la Laminin A entraînent une létalité lors des dernières phases de développement embryonnaire (Yarnitsky and Volk, 1995), ainsi que des problèmes dans la morphogenèse du cœur, des muscles somatiques et de l’intestin moyen. Il convient de remarquer que dans le cas de ce type de mutation, on observe un décollement des MBs des tissus sous-jacents, laissant présager un rôle central de la Laminin A dans l’organisation 35 des MBs. De plus, une mutation dans la sous-unité γ entraîne la perte des trimères α et ß, ainsi les MBs ne sont plus formées (Urbano et al., 2009). De part leurs liaisons avec les Intégrines, les Laminines peuvent avoir un rôle dans la transmission des signaux de maintenance de la prolifération (Lin et al., 2013). 

Perlecan

Le Perlecan est le principal protéoglycane à chaînes héparanes sulfates des MBs (Figure 16). La protéine se divise en 5 domaines identifiés par homologie de séquences avec d’autres protéines connues. Ainsi, il peut interagir avec d’autres constituants de la MEC, mais aussi avec des molécules de signalisation (Hassell et al., 1980 ; Hopf et al., 1999). Chez les vertébrés, le Perlecan est organisé en domaines. Le domaine I contient un module SEA (Sperm Enterokinase Agrin), ainsi que 3 séquences Sérine-Glycine-Asparagine (SGD) présentant différents sites d’attachement de glycosaminoglycanes. Ces sites permettent la liaison du Perlecan à la Laminine et au Collagène de type IV. Ce domaine contient aussi des sites de liaison aux facteurs de croissance FGF-2 (Fibroblast Growth Factor-2) et PDGF (Platelet-Derived Growth Factor). Le domaine II possède une homologie avec les récepteurs de classe A qui sont des lipoprotéines de faible densité (LA). Cette caractéristique laisse sous-entendre une liaison avec les bicouches lipidiques ou des lipides solubles. Un des rôles pour le domaine II serait de promouvoir la croissance des cellules durant le développement et surtout lors de la cicatrisation (Murdoch et al., 1992). Le domaine III est homologue aux bras courts des chaînes α des Laminines. Le domaine IV est le plus grand domaine. Il contient une longue série de répétitions de type immunoglobuline (Ig) et représente la moitié de la molécule de Perlecan. Ces sites Igs pourraient avoir un rôle dans la dimérisation du Perlecan ainsi que dans la promotion de l’adhésion cellulaire sur les MBs. Ce domaine conservé présente aussi des liaisons au Collagène de type IV ainsi qu’aux Nidogènes. Le domaine V est responsable de l’autoassemblage du Perlecan. Il contient des sites d’attachements aux glycosaminoglycanes, des sites de liaisons aux Nidogènes, une interaction avec la sousunité β des Intégrines ainsi qu’avec le Dystroglycan. 36 Chez la Drosophile, seul le domaine I n’est pas présent. Ainsi, le Perlecan peut se lier à différents acteurs moléculaires des MBs, participant ainsi à l’architecture du maillage, au maintien et à la transmission de signaux primordiaux à la cohésion des cellules sous-jacentes. 

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Nidogènes

Les Nidogènes 1 et 2 sont des composants principaux de toutes les MBs (Carlin et al., 1981 ; Paulsson et al., 1986 ; Tmpl et al., 1983) (Figure 17). Ils sont formés de 3 grands domaines glomérulaires (G1-3). L’hélice α contient les 6 domaines EGF (Epidermal Growth Factor) ainsi que le domaine de type Tyroglobuline (TY). Les domaines G2 et G3 contiennent un site de liaison au Collagène de type IV. Le domaine G2 possède en plus, un site de liaison au Perlecan et le domaine G3, un site de liaison aux Laminines. Les Nidogènes 1 et 2 interviennent dans l’adhésion cellulaire (Chakravarti et al., 1990), participent au chimiotactisme des neutrophiles (Senior et al., 1992), sont impliqués dans la croissance de la couche superficielle du placenta (Yelian et al., 1993) et jouent un rôle dans l’angiogenèse (Nicosia et al., 1994). Chez la souris, des mutants pour le Nidogène présentent une létalité embryonnaire relativement tardive suggérant une implication dans la stabilisation des MBs lors de l’apparition de stress mécaniques (Willem et al., 2002 ; Bader et al., 2005 ; Böse et al., 2006). 37 !0,DJ:/,0/0,0!’&; C. Assemblage des MBs L’assemblage des MBs est un enchaînement de plusieurs étapes. Il s’agit principalement d’un autoassemblage des différents constituants des MBs : Collagène de type IV, Perlecan, Laminines et Nidogènes (Kalluri, 2003) (Figure 18). Les cellules synthétisant les constituants des MBs, les assemblent en unités fonctionnelles (protomères pour le Collagène de type IV et trimères pour les Laminines) puis les sécrètent dans le compartiment extracellulaire (Figure 19). Les Laminines se regroupent ensuite via un processus d’autoassemblage pour former un réseau polymérisé constituant les « fondations » des MBs. Les Laminines, par l’intermédiaire de leur domaine de liaisons aux Intégrines et Dystroglycan, pourront ancrer le réseau néoformé au pôle basal des cellules (Smyth et al., 1998 ; Li et al., 2002 ; Li et al., 2005 ; McKee et al., 2007 ; McKee et al., 2009). Cet ancrage initial permet ensuite un regroupement des autres constituants des MBs au pôle basal des cellules (en l’absence de Laminine, il ne semble pas 38 y avoir suffisamment d’accumulation de constituants pour un assemblage correct des MBs). Ainsi, ce signal permettra au second réseau, formé de Collagène de type IV, de s’organiser et de s’associer au réseau existant. Le Nidogène va ensuite faire le lien en formant des ponts entre ces deux réseaux, stabilisant et renforçant la structure des MBs. 

Fonctions des MBs 

Rôle structural

Les MBs sont les fondations des tissus et des organes. Elles maintiennent l’intégrité de l’unité fonctionnelle des tissus. Elles vont orienter la morphogenèse, protéger les cellules et sculpter les tissus épithéliaux en agissant comme un corset moléculaire. Ainsi, les caractéristiques physiques des MBs telles que leur rigidité ou leur organisation sont essentielles à leur rôle de support physique. Des changements dans l’organisation de leur 39 structure pourront ou non restreindre l’expansion épithéliale. Plusieurs études menées sur la glande salivaire de souris, ont montré que les fibres de Collagène de type IV s’accumulent préférentiellement au niveau des sillons de ramification alors qu’elles sont quasiment absentes au niveau des bourgeons en croissance (Grobstein et al., 1965 ; Nakanishi et al., 1988) (Figure 20). De plus, l’accumulation locale de certains facteurs spécifiques des MBs pourra jouer sur la densité ou sur l’épaisseur de ces dernières, favorisant ainsi la stabilité ou la formation de ramifications sous pression des cellules ou fluides (sang) sous-jacents. Cette accumulation au niveau des bourgeons semble être importante puisqu’un traitement à la Collagénase stoppe de manière significative la morphogenèse de ces ramifications, entraînant ainsi une régression du tissu (/ »> « : 0!J [YZ\U. Ainsi, le réarrangement de l’architecture des MBs peut, dans certaines conditions, favoriser ou défavoriser la morphogenèse. De plus, ces MBs ont un véritable rôle d’ancrage des cellules et jouent également un rôle crucial dans les processus de migration cellulaire. En effet, elles peuvent stimuler ou inhiber ces migrations selon l’environnement extérieur.

Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES FIGURES
INTRODUCTION
Partie I. L’ovogenèse chez la Drosophile
A. Généralités
B. L’ovogenèse
C. L’élongation du follicule ovarien
D. La morphogenèse épithéliale des CFs
1. Mise en place de cette morphogenèse
2. Les voies de signalisations contrôlant la morphogenèse des CFs
a) La voie Notch
b) La voie TGFß
c) Autres gènes et facteurs impliqués dans l’aplatissement des CFs
Partie II. La matrice extracellulaire
A. Généralités
B. Les principaux constituants des MBs : structures et rôles
1. Le Collagène de type IV
a) Généralités
b) La biosynthèse du Collagène de type IV
2. Les Laminines
3. Perlecan
4. Nidogènes
C. Assemblage des MBs
D. Fonctions des MBs
1. Rôle structural
2. Rôle dans la signalisation cellulaire
3. Fonctions mécaniques de la MB
E. Remodelage de la MEC : les enzymes de dégradation des MBs
F. Interaction entre les cellules épithéliales
1. Les Intégrines
2. Le Dystroglycan
Partie III. Les tissus producteurs des constituants de la MB
A. Chez les vertébrés
B. Chez la Drosophile
Partie IV. Microscope de Force Atomique (AFM) : outil de mesure des propriétés
mécaniques
A. Un peu d’histoire
B. Principe général
C. Le mode contact
1. Topographie
2. Spectroscopie
MATERIEL ET METHODES
RÉSULTATS
Partie I. Détermination des propriétés mécaniques de la MB au cours de la formation d’un organe
Partie II. MARS-ALT : méthode pour mesurer les valeurs métriques des cellules
A. MARS-Alt : protocole et acquisitions multi-angles
B. Extraction des valeurs métriques des CFs
1. Au cours de l’ovogenèse : du stade 2 au stade 7
2. Au cours de l’ovogenèse au stade 8
3. Morpogenèse épithéliale au stade 9
4. Changement de forme des CFs
C. Données métriques sur la lignée germinale
1. Les cellules nourricières
2. Les cellules de bordures
D. La dynamique de croissance et de morphogenèse folliculaire
Partie III. TGFß contrôle la transition des cellules cuboïdes à squameuses au stade 9
DISCUSSION
Partie I. Comment expliquer les différences régionales de la rigidité de la MB au cours de la morphogenèse ?
A. Régulation de la rigidité par l’action des MMPs
B. Quel est le rôle de l’interaction des CFs avec la MB ?
Partie II. Quel est le rôle de la croissance de la lignée germinale sur la rigidité de la MB ?
Partie III. Modèle de la morphogenèse des CFs au cours du stade 9
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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