La maladie de Crohn
La maladie de Crohn (MC) fait partie des maladies inflammatoires chroniques des intestins, encore appelées MICI. Sa spécificité vient du fait qu’elle peut toucher n’importe quelle partie du tube digestif tandis que les autres MICI sont strictement localisées au niveau des intestins, comme par exemple la rectocolite hémorragique (RCH). Cette pathologie fait intervenir des mécanismes physiopathologiques complexes relevant de l’auto-immunité et est caractérisée par des périodes de poussées et de rémission, de durée, d’intensité et surtout de gravité variables .
Les atteintes que cette maladie engendre sont surtout localisées en trois endroits du tube digestif. On retrouve ainsi : – des atteintes du colon droit ou du colon transverse; – des atteintes de la partie terminale du grêle (ou iléon); – des atteintes de l’iléon et du caecum. En plus de ces atteintes, il est assez fréquent d’observer des lésions anopérinéales, c’est à dire des lésions de la partie terminale du gros intestin intéressant la partie basse du rectum et l’anus. Les autres parties du tube digestif peuvent elles aussi être touchées, mais ce dernier cas de figure est plus rarement observé. Dans tous les cas, les lésions touchent l’ensemble des tuniques et des tissus qui composent la paroi du tube digestif, sans pour autant toucher l’intégralité du tube digestif en même temps. On dit qu’elles sont à caractère transpariétal (ou transmural) et discontinu. Leur aspect ainsi que leur évolution au fil du temps et de la maladie permettent de définir trois phénotypes de la maladie : le phénotype inflammatoire : première phase de l’atteinte caractérisée par une inflammation des tuniques de la paroi intestinale. Le phénotype fistulisant : dans ce cas, le caractère ulcératif des lésions favorise l’inflammation qui progresse « en creusant » à travers les tuniques du tube digestif.
Cela peut aller jusqu’à la formation d’une communication anormale entre la partie de l’intestin affectée et une cavité ou un autre organe adjacent mais normalement disjoint, voire même la peau. Le phénotype sténosant : il s’agit là d’un processus d’épaississement des parois du tube digestif, consécutif à la cicatrisation. D’intensité variable, ce processus peut aller jusqu’à provoquer une occlusion intestinale.
Traitements
L’objectif du traitement est double. A court terme, on cherche à stopper au plus vite l’avancée de la poussée afin de limiter au maximum les symptômes de la maladie. Il s’agit là d’un traitement à court terme aussi appelé traitement d’attaque. A plus long terme, l’objectif recherché est de maintenir la rémission de la maladie et d’éviter toute rechute ou récidive d’épisode inflammatoire afin de permettre la cicatrisation des muqueuses impactées .
L’arsenal thérapeutique utilisé dans le traitement de la MC est de plus en plus fourni et permet de faire face aux différentes situations. Toutefois, il ne doit pas être déployé n’importe comment et il répond à un arbre décisionnel spécifique, en fonction de l’évaluation de la gravité de la maladie et des zones qu’elle affecte. L’arsenal thérapeutique utilisable dans le cas de la MC fait appel à quatre grandes classes de médicament que nous étudierons dans cette section : les corticoïdes, les aminosalicylés, les immunosuppresseurs, et les biothérapies .
Thérapies expérimentales
A l’heure actuelle, les traitements classiques peuvent encore se solder par un échec à plus ou moins long terme entrainant une aggravation rapide de la maladie. Dans certains cas d’échappement thérapeutique et pour des formes évoluées et graves de MC, des thérapies plus innovantes mais qui relèvent encore du domaine de la recherche clinique peuvent être tentées.
Neurostimulation du nerf vague : Certains articles publiés récemment tendent à démontrer que le nerf vague exerce une activité anti-inflammatoire sur le tube digestif . Cette activité repose sur la libération de glucocorticoïdes par les glandes surrénales suite à un stimulus nerveux des fibres afférentes. De plus, une stimulation des fibres efférentes permet la libération de neuromédiateurs en fin de terminaison nerveuse, neuromédiateurs qui iront agir sur les récepteurs membranaires des macrophages pour inhiber la production de TNF-α. C’est cette dernière propriété qui est mise en jeu lors de ce procédé dans le traitement de la MC. Une électrode, implantée par chirurgie autour du nerf vague gauche chez les patients sélectionnés, est reliée à un neurostimulateur qui envoie un influx nerveux lorsqu’une baisse du tonus électrique est détectée. De cette manière, le nerf vague peut toujours exercer son action anti-inflammatoire .
Cette technique est toujours en cours d’essai clinique au CHU de Grenoble. Il n’y a encore qu’un petit nombre de patients inclus dans cet essai, mais les résultats semblent déjà prometteurs. Le premier patient à avoir bénéficié de ce nouveau protocole est en rémission avec cicatrisation de ses lésions intestinales.
Transplantation fécale : Bien qu’existant depuis très longtemps, on en retrouve des traces sous l’ère Jin des chinois du 4ème siècle sous le nom de « soupe dorée » et en 1697 dans le manuel « Heilsame Dreck-Apotheke » du médecin allemand Christian Franz Paullini, ce traitement n’a jamais vraiment été utilisé ni envisagé jusqu’à nos jours. C’est avec l’émergence d’un nombre croissant d’infection à Clostridium difficile que cette possibilité thérapeutique a été remise au gout du jour, y compris dans le cas du traitement de la MC .
En effet, le but au cours de la MC est de rétablir l’équilibre de la flore bactérienne commensale en « ensemençant » l’appareil digestif avec les espèces bactériennes déficitaires afin de rétablir une flore fonctionnelle et opérante, ce qui rééquilibre l’immunité intestinale et diminue les mécanismes inflammatoires locaux. Toutefois, cette pratique souffre d’un certain nombre de contraintes qui expliquent pourquoi elle n’est pour l’instant que très peu employée .
Lutte contre le stress
En plus des différentes solutions déjà abordées dans les sections précédentes, la lutte contre le stress peut passer par l’utilisation de différentes techniques. Même si les patients ne sont pas toujours réceptifs à ces méthodes, ces dernières présentent un certain intérêt. Il peut être intéressant de leur en parler, qu’ils puissent avoir un aperçu le plus complet possible des différentes solutions qui s’offrent à eux. Le cas échéant, ils pourront les essayer et peut-être trouver là une réponse en dehors des approches plus traditionnelles.
Sophrologie : Cette technique peut permettre aux patients de mieux affronter et gérer leur stress, leurs douleurs, leur angoisse des examens médicaux, leur gestion du traitement voire même leur image de soi. Toutefois, pour être efficaces, ces séances doivent être menées régulièrement et surtout encadrées par un professionnel reconnu.
Acupuncture : Pratique encore mal connue quant à son mode d’action, l’acupuncture a pourtant derrière elle une grande période de pratique qui valide son utilisation. Et même si les études dans ce domaine restent contestables en raison de protocoles insuffisamment rigoureux, les résultats escomptés sont là .
Dans le cas d’une MC, cette pratique permet de traiter les douleurs chroniques, l’anxiété, la dépression et même les insomnies générées par cette maladie [85]. De plus, cette pratique quand elle est réalisée par un professionnel qualifié est sans risque, hormis la douleur à l’insertion des aiguilles et éventuellement certains légers saignements voire la formation d’ecchymoses. Hypnose : Cette pratique permet de réduire le stress, l’anxiété, de réduire les douleurs chroniques ou d’apprendre à les gérer, faciliter le sommeil. Pratiquée par un professionnel, elle est sans danger et permet souvent d’apporter rapidement un mieux-être réel. Toutefois il existe différentes techniques et certains patients peuvent mieux s’adapter à une technique plutôt qu’à une autre .
Vivre avec une stomie
Pour un patient, apprendre qu’il doit subir une stomie est très souvent angoissant. Le fait de savoir qu’il devra vivre avec une poche collectrice lui parait souvent indigne et a tendance à modifier négativement l’image qu’il a de lui. Au delà de ce sentiment, cette annonce est souvent pour lui source d’un certain nombre d’interrogations.
Image de soi : L’apparence est souvent un questionnement qui revient, et quasiment systématiquement en premier lieu, devant les autres interrogations. Le patient se demande souvent si sa poche va se voir et certains se focalisent sur ce point. A ce titre, nous pouvons rassurer assez facilement le patient en lui montrant un modèle de poche collectrice. Celles-ci sont désormais de petite taille et très discrètes de surcroit, ce qui fait qu’elles passent inaperçus lorsqu’elles sont portées sous un vêtement. Personne ne saura qu’il porte un appareillage tant qu’il ne l’aura pas dit ou montré de lui-même.
Pour les personnes qui souhaitent cacher leur dispositif, il existe certaines gammes qui permettent d’habiller les poches ou de les placer dans un vêtement adapté qui la maintient et la dissimule. Cette aide technique peut permettre aux patients de retrouver confiance en eux et d’accepter la nouvelle situation . En second lieu, le patient se demande souvent s’il pourra vivre sa vie normalement avec une poche sur l’abdomen. A ce titre, ses craintes sont infondées et il peut tout faire ou presque sans que sa vie en soit impactée. A l’exception des sports de contact, il n’y a aucun risque à exercer une activité quelle qu’elle soit avec un tel dispositif.
Choix et pose des poches : La pose des premières poches se fait suite à l’acte chirurgical et est assuré par les infirmières elles-mêmes. Ce sont elles qui, en général, forment les patients à utiliser ce type de matériel. Cependant, il peut parfois leur rester quelques questions qu’ils veulent poser, ou un oubli qu’ils cherchent à éclaircir.
Le choix de la poche se fait en fonction de la localisation de la stomie et du système de fixation. En fonction de la portion intestinale traitée, la consistance des effluents peut aller de liquide à solide. Le choix d’une poche adaptée, en taille et en fonction est donc primordial pour assurer une bonne prise en charge. Dans le cas des stomies du colon, on utilise des poches à usage unique tandis qu’au niveau de l’intestin grêle ce sont des poches vidangeables.
Les poches peuvent se fixer à la peau selon différents supports. Il peut s’agir de poches tout en un avec le support collant déjà inclus. Il existe aussi des poches pour lesquels le support de fixation est déporté. Dans certains cas, il s’agit d’un feuillet collant à poser sur l’abdomen avant d’aller coller la poche dessus. Dans d’autres cas, il peut s’agir de support à coller sur l’abdomen et sur lesquels il existe une bague de serrage pour réaliser la fixation de la poche. Les trois ont fait la preuve de leur efficacité. Ceci dit, les patients peuvent préférer un modèle à l’autre.
Table des matières
Introduction
Partie I : La maladie de Crohn : Généralités
1. Description
2. Epidémiologie
3. Etiologie
3.1. Tabac
3.2. Facteurs génétiques
3.3. Alimentation
3.4. Microbiote
3.5. Stress
3.6. Contraceptifs oraux
3.7. Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
3.8. Appendicectomie
3.9. Vitamine D
3.10. Théorie hygiéniste
Conclusion
4. Clinique
5. Diagnostic
6. Evolution et complication
7. Traitements
7.1. Corticoïdes
7.1.1. Mécanisme d’action
7.1.2. Indications
7.1.3. Posologie
7.1.4. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.1.5. Contre-indications
7.2. Aminosalicylés
7.2.1. Mécanisme d’action
7.2.2. Indications
7.2.3. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.2.4. Contre-indications
7.3. Immunosuppresseurs
7.3.1. Méthotrexate
7.3.1.1. Mécanisme d’action
7.3.1.2. Indications
7.3.1.3. Posologie
7.3.1.4. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.3.1.5. Contre-indications
7.3.2. Thiopurines
7.3.2.1. Mécanisme d’action
7.3.2.2. Indications
7.3.2.3. Posologie
7.3.2.4. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.3.2.5. Contre-indication
7.3.2.6. Cas particulier de la 6-thioguanine (Lanvis®)
7.3.3. Ciclosporine
7.3.3.1. Mécanisme d’action
7.3.3.2. Indication
7.3.3.3. Posologie
7.3.3.4. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.3.3.5. Contre-indications
7.4. Biothérapies
7.4.1. Anti-TNF-α
7.4.1.1. Mécanisme d’action
7.4.1.2. Indications
7.4.1.3. Posologie
7.4.1.4. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.4.1.5. Contre-indication
7.4.2. Ustekinumab (Stelara®) et vedolizumab (Entyvio®)
7.4.2.1. Mode d’action
7.4.2.2. Indications
7.4.2.3. Posologie
7.4.2.4. Effets indésirables et précautions d’emploi
7.4.2.5. Contre-indications
7.5. Nutrition artificielle
7.6. Chirurgie
8. Thérapies expérimentales
8.1. Neurostimulation du nerf vague
8.2. Transplantation fécale
Partie II : Thérapies complémentaires et conseils pharmaceutiques
1. Aromathérapie
2. Phytothérapie et autres produits naturels
3. Homéopathie
4. Automédication
5. Lutte contre le stress
5.1. Sophrologie
5.2. Acupuncture
5.3. Hypnose
5.4. Ostéopathie
6. Sevrage tabagique
7. Alimentation
Cas particulier du régime Seignalet
8. Supplémentations vitaminiques, minérales
9. Probiotiques
10. Cures thermales
11. Vivre avec une stomie
11.1. Image de soi
11.2. Choix et pose des poches
11.3. Solidité et étanchéité
11.4. Alimentation
11.5. Encombrement
11.6. Soins relatifs
11.7. Problèmes intimes
11.8. Changement de modèle
12. Fertilité et grossesse
13. Sport
14. Voyages
15. Accès aux toilettes
16. Mises en garde
Conclusion
Bibliographie
Annexes