La difficile définition du RIC, clinique ou biologique, atteste la difficulté de son diagnostic. Du grec rheumatismos, synonyme de fluxion, un rhumatisme est défini comme une fluxion douloureuse des articulations, des muscles et des viscères. En rajoutant le mot « inflammatoire », le rhumatisme peut avoir une meilleure précision clinique sur le type de la douleur. Cependant, « inflammatoire » a surtout une valeur physiopathologique car les RIC sont secondaires à un processus auto-immun (production d’auto-anticorps) et/ou autoinflammatoire (10). Si le premier concerne l’anomalie de l’immunité adaptative, l’autoinflammation est due à une anomalie de l’immunité innée dont la plus connue est l’activation anormale de la caspase-1 par l’inflammasome sur lequel de nombreuses mutations génétiques sont identifiées. En effet, les microcristaux d’urate monosodique sont détectés spécifiquement par l’inflammasome NALP3, lui-même siège de nombreuses mutations génétiques, qui induisent une forte production d’IL-1β, l’événement initiateur de la réaction inflammatoire dans la goutte [10]. D’autres explications physiopathologiques du RIC sont possibles, le point commun étant la présence d’une désorganisation ou déséquilibre du système immunitaire .
Les maladies dysimmunitaires dont la plupart a des expressions rhumatologiques, pouvant ainsi entrer dans le cadre des « rhumatismes inflammatoires chroniques » . En effet, la discussion sur la définition de « chronique » a moins d’intérêt malgré l’hétérogénéité clinique. Le terme arthralgie « chronique » est défini en général comme une douleur articulaire évoluant depuis plus de 3 mois, en deca de laquelle une arthralgie est dite « récente » [10]. Cependant dans les nouveaux critères diagnostiques de la PR, une douleur articulaire de plus de 6 semaines suffit et constitue un des arguments cliniques forts au diagnostic (Critères de l’ACR 1987, Nouveaux critères ACR/EULAR 2010) [11,12]. Dans l’Arthrite Juvénile Idiopathique (AJI), la durée d’évolution des arthrites définissant la maladie a évoluée avec l’appellation de la maladie elle-même : Arthrite Chronique Juvénile définie par une arthrite de l’enfant de moins de 16 ans durant depuis au moins 3 mois, devenue actuellement AJI avec des signes articulaires persistant depuis au moins 6 semaines [13,14]. Pour les spondylarthrites, la durée de la lombalgie inflammatoire, maître symptôme de la maladie, doit être au moins de 3 mois [15].
Éléments d’orientation diagnostique
Chaque RIC a des signes articulaires et extra-articulaires et des éléments paracliniques qui lui sont plus ou moins spécifiques. Dans ce chapitre, nous ne détaillerons que les signes articulaires évocateurs d’une étiologie précise de RIC.
➤ Siège des douleurs articulaires :
Une arthrite touchant les poignets et/ou les métacarpo-phalangiennes (MCP) et les interphalangiennes proximales (IPP) des mains, une douleur à la pression des métatarsophalangiennes (MTP) et/ou une atteinte symétrique d’au moins 3 articulations périphériques sont des signes communs retrouvés dans les différents critères diagnostiques de la polyarthrite rhumatoïde [11,12]. Il doit y avoir une atteinte des petites articulations des mains, sans lesquelles l’atteinte limitée aux grosses articulations telles les genoux, les coudes ne satisfait pas aux critères diagnostiques.
Une oligo-arthrite asymétrique des grosses articulations des membres inférieurs, particulièrement la coxo fémorale, est évocatrice d’une spondylarthropathie (SP). De plus, la présence ou l’association à une fessalgie (à bascule), à une rachialgie inflammatoire et à une enthésopathie (talalgie surtout) chez un homme de moins de 45 ans sont des éléments forts en faveur du diagnostic [15].
Une douleur des ceintures scapulaires avec enraidissement des épaules, et une douleur crurale avec enraidissement de la hanche sont évocatrices de la pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR), atteignant uniquement les patients de plus de 60 ans. La goutte peut devenir chronique et polyarticulaire, en général après les crises typiques antérieures qui permettent le diagnostic clinique rétrospectif. Habituellement, l’arthrite goutteuse se manifeste par une mono- ou oligoarthrite aigue, d’emblée intense, au niveau des articulations périphériques. Habituellement, la hanche n’est pas atteinte et la présence d’une coxite aigue doit faire réviser le diagnostic. L’articulation métatarso-phalangienne du gros orteil est touchée dans plus de 75% des cas.
A coté de ces syndromes douloureux localisés ayant un rythme inflammatoire bien défini, il n’est pas rare d’avoir en consultation des patientes se plaignant de douleurs (articulaires) diffuses, sans horaire particulière, tantôt fixes, tantôt migratrices, avec des examens cliniques et paracliniques normaux. Un état névrotique est souvent retrouvé et les symptômes peuvent entrer dans le cadre du syndrome polyalgique idiopathique aigu ou fibromyalgie pour laquelle l’ACR a sorti des critères de diagnostic en 1990 [16].
➤ Type de douleur articulaire :
Il est important de faire la différence entre arthrite et arthralgie d’allure inflammatoire. Dans les différents critères diagnostiques de la PR, la présence de gonflement(s) articulaire(s) (au moins une articulation) est le point commun [17].
La déformation des doigts « en fuseaux » est une particularité de la PR, contre la déformation « en saucisse » retrouvée dans les spondylarthropathies (SP) périphériques où on retrouve également les mêmes définitions de l’arthrite. Le point commun aux deux maladies est la présence d’une raideur matinale, typiquement au niveau des (petites) articulations périphériques pour la PR, au niveau rachidien et sacro-iliaque pour une SP [18]. Chez l’enfant, une oligo/polyarthrite migratrice, fugace et mobile doit faire penser en premier lieu à un Rhumatisme articulaire aigu, en particulier dans les pays à faible revenu. L’arthrite juvénile idiopathique (AJI) constitue un diagnostic différentiel important du RAA. La présence d’une fièvre durant plus de 2 semaines précédant ou accompagnant l’arthrite, la présence de facteur rhumatoïde ou d’anticorps anti-nucléaire sont autant d’éléments permettant de classifier l’AJI [14]. Nous pouvons également être confrontés à des douleurs articulaires et péri-articulaires, sans signes objectifs, sans horaires particuliers, sans distribution particulière. Très souvent, il s’agit d’une jeune femme qui a « mal partout depuis longtemps », et chez qui l’interrogatoire révèle des situations conflictuelles familiales ou professionnelles. Ces patients répondent souvent au critère de diagnostic de fibromyalgie de l’ACR [16].
➤ Signes extra-articulaires :
Les signes extra-articulaires sont d’une extrême importance dans l’orientation diagnostique devant une arthralgie chronique. La liste ne pourrait être exhaustive, nous nous limiterons à citer les principaux signes ayant une grande valeur diagnostique :
◆ Des signes cutanéo-muqueux:
– Les nodules rhumatoïdes para-articulaires dans la PR, à différencier du tophus dans la goutte;
– Un érythème malaire et une photosensiblité évocateurs d’un lupus;
– Des lésions purpuriques ou nécrotiques d’une vascularite ou d’une connectivite;
– Une sècheresse oculaire et/ou buccale d’un syndrome de Gougerot- Sjögren ;
– Les aphtoses buccales et génitales récidivantes de la maladie de Behçet;
– Un psoriasis orientant vers le rhumatisme psoriasique;
– Un exanthème (fébrile) accompagnant une polyarthralgie d’origine virale.
L’association à un ictère et un prurit oriente vers un virus de l’hépatite;
– Le syndrome de Raynaud qui doit faire penser en premier lieu à une connectivite…
◆ Une diarrhée chronique: glairo-sanguinolente avec douleur abdominale diffuse fait penser à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin;
◆ Une urétrite et/ou une conjonctivite accompagnant une oligoarthrite des membres inférieurs sont évocatrices d’une arthrite réactionnelle…
INTRODUCTION |