Roman, unité et totalité a. Totalité et roman 

Roman, unité et totalité a. Totalité et roman 

État de la question : En littérature, la totalité ne se présente pas comme un concept figé. Elle a évolué au fil du temps. Effectivement, la première forme totalisante, si l’on s’en tient à la chronologie proposée par Wolfgang Kayser dans Interpretación y análisis de la obra literaria129, est l’épopée130. Cette dernière déboucha successivement sur le roman grec d’amour et d’aventures (IIème)) et le roman de chevalerie au (XIVème siècle).

L’étendue des mutations qu’a connues le roman total depuis ses origines jusqu’à nos jours explique pourquoi j’ai opté pour une étude chronologique de travaux récents – de ces 20 dernières années – sur la question. Parmi les principaux théoriciens qui ont retenu mon attention figurent les Français Christian Godin et Tiphaine Samoyault, le Britannique Robin W. Fiddian, l’Allemand Wolfang Keiser, et enfin les Latino-Américains Mario Vargas Llosa, Wilfrido H. Corral et Gustavo Forero Quintero.

Avant toute analyse de leurs études, il convient de présenter brièvement chacun d’eux. L’un des premiers à avoir soumis une réflexion théorique sur la totalité romanesque fut le Péruvien Mario Vargas Llosa (1936-).

Dans sa Carta de batalla por Tirant lo blanc (1969), qui fait office de prologue de l’œuvre de Joanot Martorell, dont il analyse le roman chevaleresque Tirant lo Blanch (1490), Vargas Llosa énumère les caractéristiques du roman total – dont l’intention première serait de représenter une réalité totale.

Pour ce faire, ledit roman doit être une création autonome (« La novela total es una representación de la realidad a condición de ser una creación autónoma, un objeto dotado de vida propia. »), à la fois détachée du monde (de la réalité tangible) et dépendante de l’auteur (un « supplanteur » de Dieu qui dirige le microcosmos dont il est le créateur) ; plurigénérique (en empruntant les codes de différents genres, pour constituer une œuvre plurielle et composite) ; à réalité « diferente » – partielle (synecdotique), altérée et inexacte : La condición de la fidelidad en este caso es la traición.

Porque la representación de la realidad total que puede dar una novela es ilusoria, un espejismo: cualitativamente idéntica, es cuantitativamente una ínfima partícula imperceptible confrontada al infinito vértigo que la inspira. Da la impresión de ser un caos tan vasto como el real, pero no es ese caos; representa la realidad porque tomó de ella todos los átomos que componen su ser, pero no es esa realidad.

Pour le Péruvien, le roman total doit également être une œuvre à niveaux multiples de lecture (rhétorique, objectif, subjectif, symbolique, mythique) ; à variations temporelles (en croisant plusieurs plans temporels, plusieurs réalités, ce qui donne l’illusion d’une continuité) ; burlesque ; transgressive (en recourant notamment à l’inversion des valeurs, pour décrire les personnages – imparfaits, pécheurs) ; émaillée de scènes érotiques et amoureuses – ce qui offrait un fort contraste avec les romans chevaleresques de l’époque, où régnait l’amour courtois).

Difficile de croire qu’une œuvre datant de plus de cinq siècles continue de conditionner une partie de la littérature (postmoderne). Cette réflexion nous amène à nous demander si le concept de roman total a évolué au fil des siècles. Si l’on prend 2666 comme œuvre repère de la postmodernité et Don Quichotte comme œuvre représentative du Siècle d’Or, peut on conclure que les procédés utilisés sont différents ?

Que les fins visées sont autres ? Ou plutôt que c’est le langage, la langue et le contexte qui changent ? N’est-ce pas une période de crise qui fait (re)surgir le roman total ? Si tel est le cas, les luttes croissantes pour le pouvoir et le désir – au détriment des plus faibles – qui caractérisent la société du XXIème siècle sont un terrain propice au roman total. Vargas Llosa établit une classification tripartite du roman total.

Il distingue tout d’abord deux types de romans antithétiques ; le roman total (de Balzac, Cervantès, Flaubert, García Márquez et Tolstoï) et le roman totalitaire – novela totalitaria – (de Kafka, Robbe-Grillet et Sartre). Le premier serait une chimère131, un leurre en tant qu’il 131 La chimère se cristallise dans la critique faite par Vargas Llosa dans, et plus particulièrement dans le substantif « utopía » :

« La idea de representar en una novela la totalidad de lo humano –o, si se quiere, la totalidad de la estupidez, pero para Flaubert ambos términos expresaban casi la misma cosa- era una 83 prétendrait représenter la réalité (extra-littéraire) dans son ensemble, sa globalité, en recourant à tous les sous-genres romanesques nécessaires, en incluant différents niveaux de réalité (objectifs/subjectifs, raisonnés/irraisonnés), en optant pour l’extension narrative.

Le deuxième présenterait une réalité partielle, à travers des personnages chosifiés, objetisés, et adopterait une forme brève. Il mentionne ensuite une forme alternative au roman total et totalitaire, le roman totalisateur (novela totalizadora), qui renverrait à une réalité représentable, à une aspiration à la représentation du tout. C’est l’intention de La guerra del fin del mundo (1981) de Vargas Losa, où se mêlent la vision des vainqueurs et des vaincus, la raison et la déraison, la sphère privée (intime) et la sphère publique (politique). Ce roman pessimiste est un témoignage de l’inap

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *