Retraitement des données HRMS et MS/MS
Lorsque le couplage entre une méthode séparative et une détection par spectrométrie de masse haute résolution est réalisé, il en résulte un grand volume de données complexe à retraiter. Afin de valoriser au mieux ces données et d’en tirer un maximum d’informations, il est nécessaire de mettre en place une stratégie de retraitement que ce soit d’une part pour traiter les données HRMS et d’autre part pour exploiter les données de fragmentation. L’utilisation de la spectrométrie de masse haute résolution est motivée par le nombre de formules brutes possibles en fonction de la précision de l’appareillage. En effet, comme le montre la Figure I-28, plus la précision en masse est élevée et moins il y a de possibilités d’attribution pour un pic de masse. A noter que cette précision exprimée en ppm correspond au rapport entre l’écart en masse et la masse mesurée. L’impact ne sera donc pas le même selon la masse de la molécule. Le nombre de formules brutes possibles en fonction de la précision ne varie pas fortement pour une faible masse (300 Da par exemple) alors que ce nombre va largement augmenter pour des molécules plus grosses (1000 Da par exemple). Une faible erreur en masse permettra donc de limiter au maximum le nombre de formules brutes possibles et ainsi de gagner en précision lors de l’identification. Pour parvenir à ces formules brutes, plusieurs logiciels commerciaux et en accès libre sont disponibles. Ils intègrent ces règles de calculs et d’identification. On peut ainsi citer Formula Predictor de Shimadzu et Mass links de Waters qui sont des exemples de logiciels propres aux constructeurs. Cependant, le gros inconvénient de ce type de logiciels provient du fait qu’ils travaillent exclusivement avec des formats de données propres à l’appareil du constructeur. Il est alors compliqué de trouver un logiciel répondant à toutes les attentes d’un utilisateur. En parallèle de cela, plusieurs plateformes internet en libre accès ont vu le jour. Ainsi, XCMS et mzMine sont deux possibilités permettant de visualiser et d’identifier les composés présents dans les acquisitions de masse. Ils présentent l’avantage de gérer plusieurs formats de fichiers qui sont communs à la plupart des constructeurs (mzxml, mzdata, cdf). Ces solutions sont gratuites et participatives. Il est en effet possible de proposer des améliorations ou des correctifs via leur module de développement [114].
Il existe différents processus pour fragmenter un ion en spectrométrie de masse. La Figure I-29 illustre les deux voies de fragmentations possibles, soit par chauffage soit par excitation électronique Lors d’une analyse en GC/MS, l’utilisation d’une source à ionisation électronique assure une fragmentation en source par un mécanisme non-ergodique et permet d’avoir des spectres de fragmentation reproductibles d’une analyse à une autre et d’un appareil à un autre si l’énergie d’ionisation est la même (70 eV usuellement). Dans le cas d’une excitation électronique les processus de fragmentation seront très rapides (10-16 s) et permettront d’avoir accès à des informations structurales fines. Lorsqu’on utilise des sources d’ionisation douces qui ne produisent que des ions moléculaires il faut utiliser des expériences MS/MS en fragmentant les molécules par collision avec un gaz neutre (CID) au sein du spectromètre de masse. Ce processus de fragmentation est ergodique, la fragmentation des ions se fait par une série de collision énergétique qui vont chauffer l’ion jusqu’à rompre des liaisons covalentes comme le montre la Figure I-29. Ces différentes étapes vont induire des spectres de fragmentation dépendant fortement des conditions dans lesquelles a lieu cette fragmentation (énergie, gaz de collision, géométrie de l’ion et de l’optique ionique …). Cela réduira la similitude des spectres de fragmentation d’un appareil à un autre et impactera le retraitement des données.
Afin d’interpréter les spectres de fragmentation obtenus et de déterminer la structure la plus plausible, il est nécessaire d’employer une interface qui mesure la similarité entre les données expérimentales et une référence. Il existe différents logiciels effectuant ce travail. Kind et al. à travers leur article de synthèse regroupent les différentes possibilités qui s’offrent à un utilisateur et les résument dans le Tableau I-4. Chaque logiciel travaille à comparer les spectres de fragmentation acquis associés à la masse de l’ion fragmenté, avec les spectres présents dans une ou plusieurs bases de données et acquis expérimentalement sur molécules modèles. Ces bases de données multiplient les conditions d’énergie de fragmentation pour que l’ensemble couvre un champ assez large en termes de processus de fragmentation. De nombreuses bases de données de ce type sont disponibles en ligne. Kind et al. recensent les principales bases disponibles ainsi que le nombre de spectres et de molécules disponibles à l’intérieur de chacune. Le Tableau I-5 liste ces différentes bases de données. On remarque que le nombre de molécules disponibles est très variable. Cela provient du fait que certaines bases de données, tel que « Spektraris », se concentrent sur un type de composés particuliers, ici les métabolites des plantes. Les bases de données les plus fournies sont celles dédiées à l’analyse de lipides ou composés pharmaceutiques.