Réalisation du mouchetis
La plaque quant à elle, est recouverte d’un mouchetis afin de permettre un suivi par Stéréo-CIN. Ce mouchetis est en général effectué manuellement à l’aide de peintures blanches et noires mates. Cependant, plusieurs remarques sont à faire :
— la taille moyenne des taches prend en compte la résolution de la caméra par rapport à la taille de l’éprouvette. Le respect de cette taille de taches n’est pas toujours aisé à respecter ;
— dans le cadre d’une étude multi-zones, les tailles caractéristiques sont d’autant plus délicates à obtenir;
— dès l’amorçage de la propagation lors des premiers essais, l’adhésion de la peinture sur le substrat a été jugée insuffisante ;
— la réalisation d’un mouchetis n’est pas un processus répétable.
Ainsi, afin d’optimiser la densité du mouchetis aux endroits désirés (bord d’entaille) et d’obtenir un mouchetis le plus optimal possible, ce dernier a été généré sur ordinateur de manière à optimiser l’étalement du spectre des niveaux de gris et imprimé directement sur certaines éprouvettes composites par la société ACHROMAT (cf. Fig. 5.3). Notons toutefois que l’impression sur éprouvette nécessite que cette dernière soit plane et que le choix des encres est limité. Nous avons en effet remarqué que les encres sont plus brillantes que les bombes de peintures généralement utilisées. Cela peut donc avoir un effet sur la mesure. Différents tests ont donc été réalisés au préalable et la solution retenue dans VERTEX est de peindre une couche blanche mate à la bombe, puis d’imprimer le mouchetis en nuances de gris par dessus.
Calibration des caméras
Après la mise en place des caméras, il est nécessaire de calibrer les bancs stéréo. Pour cela, des mires à motifs circulaires sont utilisées pour effectuer la calibration via Vic-3DTM (cf. Fig. 5.4). D’un point de vue opérationnel, entre 20 et 30 paires d’images sont acquises afin de mieux évaluer les paramètres de calibration des caméras. Les paramètres de la calibration issus du logiciel Vic-3DTM sont donc utilisés pour initialiser les traitements effectués dans le code de Stéréo-CIN-EF.
Il est à noter ici que du fait du temps pris par la connexion des jauges collées sur la surface inférieure de l’éprouvette, la calibration n’a pu être effectuée qu’après la pose de cette dernière. Ainsi les prises de vues de la mire n’ont pu être réalisées qu’au dessus de l’éprouvette, ce qui implique un manque d’information sur la mobilité hors plan vers le bas.
Notons enfin que les mires doivent être de tailles suffisantes par rapport aux zones observées. Cela n’a pas d’impact significatif sur le montage VERTEX, mais cela peut devenir un facteur limitant en terme de fabrication de mires pour des essais sur des structures de grandes tailles.
Réalisation des mesures
Suite à la calibration, des images sont saisies avant et après fixation d’une plaque (cf. Fig. 5.6), ainsi qu’à chaque pas de chargement.
En effet, dans cette étude, la position choisie comme étant la référence à « t0 » correspond à la plaque posée sur le montage et avec le mouchetis déposé dessus. Or, en entrée, le maillage issu de la CAO est théorique et parfait, à une position notée X0. Les images prises avant fixation vont donc permettre d’effectuer la mesure de forme. Cette dernière permet de déterminer une correction de la géométrie, et donc la position réelle du maillage : X.
Remarque : afin d’avoir une estimation des déformations résiduelles liées à la fabrication, il serait nécessaire de considérer un modèle de cuisson et de mesurer la forme de la plaque posée à plat. Cela représente toutefois une difficulté pour le choix du repère utilisé puisque la plaque ne peut être mise à plat sur le banc d’essai : les caméras seraient donc amenées à changer de repère.
Ensuite, avec les images de la plaque fixée, cela permet de mesurer le déplacement U0 mes de la plaque lors de sa fixation et donc de prendre en compte les déformations liées à cette étape. La fixation est donc considérée comme étant le « Pas de chargement 0 ».
Notons qu’avec les jauges en surface inférieure, les déformations subies par la plaque lors de la fixation sont de l’ordre de 300 µε, soit entre 5 et 10% des déformations à ruptures des stratifiés considérés dans VERTEX.
Puis, au cours de l’essai, les images prises à chaque pas de chargement 1 à n permettent de mesurer des déplacements U1 mes à Un mes.
Remarque : les déplacements (Ui mes)i∈J0;nK mesurés par SCIN-EF-R sont ceux des peaux inférieure et supérieure car dans le cadre du projet VERTEX, les mesures ont été effectuées avec un maillage constitué d’éléments coques volumiques (cf. Sect. 1.3.1).
Ces mesures permettent enfin de créer un nouveau fichier contenant le maillage à sa position réelle X (réduit sur la Zone 1bis du fait des effets de bords liés à la régularisation mécanique, cf. Fig. 1.15) ainsi que les déplacements des nœuds au bord de maillage.
Les données de sortie du code de SCIN-EF-R effectué sous Matlab sont illustrées dans la Fig. 5.7.
Remarque : ici, le transfert est unidirectionnel de la mesure vers la simulation. En pratique, un vrai dialogue doit être envisagé. Il est clair que l’idée de ce travail consiste à effectuer la mesure en prenant en compte le modèle (via la régularisation). Mais la mesure doit également permettre de faire évoluer la modélisation. On pense en particulier à l’identification (recalage) des paramètres constitutifs ou à l’actualisation de la géométrie initiale. Cela peut également avoir un autre avantage. En effet, le projet VERTEX se veut capable de piloter les essais et de choisir les chemins de chargement en fonction du comportement de l’éprouvette.
Problèmes rencontrés
Du fait de la difficulté de la fixation de la plaque, aucune image des plaques non-fixées ne sont utilisables pour les premiers essais de prise en main de VERTEX. Durant tous les essais suivant, l’idée était donc de mesurer la forme initiale de la plaque, et ce, avant fixation. Une prise de vue a donc été réalisée lors des derniers essais sur plaque composite.
En revanche, avec la difficulté du montage et la présence du caisson de sécurité durant l’essai, un changement substantiel d’éclairage a été constaté. Or dans le code de SCIN-EF développé, la correction de la luminosité n’est faite que sur l’intégralité de la région suivie.
Cette variation de lumière étant trop importante, les images de la plaque non fixée n’ont pas pu être prises comme référence.
Une première solution serait de mettre une source lumineuse au niveau de la potence afin d’éclairer au-dessus et non au-travers du caisson de sécurité. Cela permettrait de libérer l’accès à l’éprouvette sans avoir à bouger l’éclairage. L’autre solution consisterait à effectuer une correction de la luminosité dans chaque élément et non sur la totalité de la région visualisée comme c’est le cas ici [Hild et al., 2016].
De ce fait, les données de sortie du code de SCIN-EF-R sont donc limitées (cf. Fig. 5.8). À ce jour, la position initiale du maillage dans les simulations correspond donc à la géométrie issue de la CAO.
Largeur de bande de mesure
Dans cette section, le choix de la largeur de bande de la « Zone 1 » (cf. Fig. 1.14) utilisée pour la mesure est justifié.
Lors du processus de validation de la démarche, un modèle non-linéaire géométrique, orthotrope, élastique et avec prise en compte de la théorie des stratifiés, a été utilisé pour les plaques en composites (cf. Fig. 1.17). Or, lorsque l’éprouvette est endommagée, les erreurs commises sur la simplification du modèle implique des écarts importants. En effet, la Fig. 5.9 permet de voir que le modèle utilisé n’est pas prédictif.
De plus, la Fig. 5.10 représente les résidus de SCIN-EF avec ou sans prise en compte de la régularisation, et ce, sur les images du pas de chargement correspondant au début de la fissuration aux pointes de l’entaille lors de cet essai en traction. Ces résidus sont identiques, sauf autour de l’entaille où la régularisation mécanique engendre un résidu plus important. Ceci est tout à fait attendu puisque la régularisation utilisée ici est basée sur une hypothèse d’élasticité.
Cela nous permet donc de confirmer que le choix de cette hypothèse est correct à condition d’être loin de l’entaille et loin des fixations.
Remarque : dans le cadre du pilotage, cette analyse de résidu peut être utilisée afin de déterminer la fin d’un essai. Cette dernière étant au moment où les résidus dans la zone de mesure des conditions aux limites dépassent un certain seuil.
Conclusion
Des essais ont été menés sur 14 éprouvettes stratifiées T700/M21. L’ensemble des essais a été instrumenté au moyen de 4 rosettes collées sur la face inférieure et de 6 caméras filmant la surface supérieure. Cette dernière a été préalablement mouchetée avec un mouchetis plus fin dans les zones d’intérêt. Le mouchetis a été généré et imprimé pour 5 des 14 plaques testées. Au total, 46 000 images ont été prises, soit environ 600 Go de données.
Du côté des partenaires, la validation du projet VERTEX ne s’est pour le moment effectuée qu’à partir de mesures non-régularisées (cf. Chap. 1). Cependant, certains essais ont été dépouillés et les CL correspondantes obtenues par mesure régularisée ont été fournies aux partenaires. Concernant les paramètres de régularisation, ils ont été choisis à l’aide de courbes-L.
Les premiers dialogues essais/calculs ont ainsi récemment été menés. Comme illustré sur la Fig. 5.9, il est désormais possible de comparer différents champs (CIN, EF) dans un même repère et sur un même maillage. En effet, cette figure représente une superposition des champs de déplacements mesurés sous Matlab (maillage vert) et simulés sous Abaqus (surface grise).
À ce stade, on observe ainsi que le modèle élastique « théorique » fourni par les partenaires ne permet pas de décrire convenablement le comportement initial de la plaque. La mise en place de l’éprouvette et l’histoire du chargement jouent certainement un rôle dans cette étape et sont donc à considérer. Toutefois, un recalage des paramètres constitutifs semble également inévitable pour opérer des comparaisons plus poussées. Comme illustré sur la Fig. 5.12, il est désormais possible d’avoir des cartes d’erreurs (ici en déplacement, mais il serait possible d’en déduire les déformations) entre la mesure et la simulation, et ce, dans le même repère et sur le même support. L’apport de la mesure locale (mesure en « champ proche »), qui semble bien mieux résolue (cf. Fig. 5.11), devrait alors être déterminante pour la validation des modèles. Notons toutefois qu’une telle démarche permet de comparer directement des déplacements et non des déformations (dont la détermination peut poser des questions, comme illustré en Sect. 1.3.3).