Retombées observables de l’implication soutenue des parents au préscolaire 1990-91

EXPÉRIENCE COMME ÊNSEIGNANTE

Issue d’une famille de trois enfants dont les parents ont eu l’occasion de poursuivre de longues études pour l’époque, au début des années quarante, j’ai grandi dans un milieu où les études revêtaient une grande importance. Ma mère était enseignante et mon père contremaître général à la mine Noranda. En 1952, à l’âge de six ans, j’entrais à l’école pour la première fois. Je n’étais pas une élève « modèle ». J’avais de la difficulté à demeurer assise à mon pupitre sans rire et exécuter des ordres qui provenaient de la « maîtresse » du haut de son « estrade ». Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il existait tant de distance entre nous. A la maison, nous étions tous égaux et chacun avait son importance: au niveau de ses idées et au niveau de son agir. Au cours des années 1950-1960, c’était plutôt rare paraît-il, mais j’ai eu cette chance. Dès ma première année en 1952, j’ai connu la petite école de rang avec ses classes à degrés multiples. Je me rappelle qu’à chaque matin, je parcourais deux kilomètres pour me rendre à l’école: en ski l’hiver et en petite « brouette » au printemps. Nos récréations se résumaient à entrer du bois dans l’école pour alimenter le feu. Je me souviens de cette première année à l’école du rang. Il n’y avait qu’une seule classe, avec dix-huit élèves de la première à la septième année. Les plus grands nous montraient nos leçons et très souvent, ils étaient nos professeurs. La « maîtresse », trop souvent débordée par la tâche, n’arrivait pas toujours à joindre les deux bouts. Dès ma deuxième année, en 1953, nous déménagions en ville. Une école beaucoup plus grosse physiquement et impressionnante avec ses élèves plus nombreux. Intérieurement, je me disais, ici ça va bouger, je vais peut-être avoir la chance de pouvoir parler, de donner mes impressions. Peu à peu, cela fut possible, mais longtemps contrainte à ne pouvoir rien dire, la façon était quelque peu cavalière. S’ensuivent des réprimandes répétées … tout compte fait, il valait mieux me conformer.

En 1958, au niveau de ma septième année, mes parents décidèrent avec moi, de m’envoyer pensionnaire chez les religieuses à l’Institut Notre-Dame-du-Sourire à Rouyn-Noranda. Durant quatre ans, s’ajoute à ma formation scolaire une formation musicale, en piano plus précisément. Personnellement, je n’étais pas tellement intéressée par la musique, mais cela remplissait bien mes nombreux moments libres. Au bout de quatre ans, en 1962, je réintégrais l’école publique pour y faire ma onzième année. A cette époque, les choix de carrières étaient limités. J’optais donc pour l’enseignement, probablement parce que ma mère y oeuvrait déjà. Elle semblait heureuse de vivre auprès des enfants, elle en parlait souvent et nous racontait toujours sa journée. Elle était débordante d’énergie et avait toujours hâte d’y retourner. En 1963, je fais mon entrée à l’École Normale de Rouyn-Noranda pour y faire mon Brevet « B » d’une durée de deux ans. J’avais la possibilité de faire un Brevet » A » d’une durée de quatre ans, mais ce cours ne se donnait qu’à l’extérieur et je ne me sentais pas prête à partir de chez-moi. Nous étions cinquante-deux étudiantes qui provenaient d’un peu partout en région. Durant mon séjour de deux ans à l’Éc-ole Normale, je me suis impliquée sur différents comités où nous avions la chance de vivre des choses intéressantes: art oratoire, action-bénévolat. Mes professeurs voyaient en moi une personne ayant du caractère, peu studieuse mais qui réussissait très bien. J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à m’impliquer d’une façon particulière en prenant charge du comité « action-bénévolat » qui avait pour but de recruter et de venir en aide aux familles en besoin. Je n’ai jamais été capable de voir souffrir un enfant et encore moins de savoir qu’il ne mangeait pas depuis quelques jours. Depuis ce temps, je n’ai jamais cessé de m’occuper de façon continue, des enfants en besoin au niveau de mon école: cueillette de nourriture, boîtes de conserves, etc. Le seul souvenir désagréable que je garde de l’École Normale se situe au niveau des stages. Au cours de notre deuxième année, nous allions à quelques occasions dans une classe de notre choix y traiter d’un objectif précis en français ou en mathématique. Outre le professeur de la classe choisie, trois ou quatre des professeurs de l’École Normale y assistaient de même que la direction de l’école. C’était pénible comme situation. J’étais perturbée à l’idée de recommencer. Ces stages me rendaient agressive et encore aujourd’hui, je me demande ce que cela a bien pu m’apporter dans ma façon d’enseigner. Cependant, il y a une chose qui importe pour moi lors de la visite d’une ou d’un stagiaire dans ma classe: je me reporte à mon expérience personnelle antérieure et j’essaie de lui faire vivre son stage de la façon la plus « humaine » possible.

Il est à noter que jamais au cours de mes deux années à l’École Normale, il n’a été question de la participation des parents en classe. Tout ce que nous attendions d’eux était de s’occuper des devoirs à la maison et de venir à la remise des bulletins. Ce n’est qu’en 1971 que la participation des parents est mise de l’avant. Elle est devenue un objectif central depuis la publication du livre vert. « Le succès de l’éducation repose pour une bonne part, sur une collaboration entre les parents et l’école, car ce sont toutes les activités qui influencent son développement. En favorisant une participation active des parents à l’école, on pourra les associer à certaines démarches pédagogiques et les aider dans leur tâche d’éducation. « (guide pédagogique préscolaire » La participation des parents au préscolaire » 1982, p.3.) .

En 1965, je débutais donc dans l’enseignement au niveau d’une quatrième année. Pourquoi en quatrième année? Tout simplement parce que c’était le seul poste disponible à l’époque. Sans expérience et sans support, mes cours de psychologie et de pédagogie encore sous le bras, j’avais à ma charge une classe de trente-cinq élèves « faibles », âgés entre huit et dix ans. A cette époque, les élèves étaient classés par groupes de « forts », « moyens », « faibles » en tenant compte de leur capacité à réussir. Agée de 18 ans, j’étais pratiquement du même âge que mes élèves. Du haut de mon « estrade » comme ma « maîtresse » de première année en 1952, je voyais les choses sous un autre angle. J’étais convaincue d’une chose : mes élèves auraient la chance de parler, de donner leurs impressions et tout cela dans un climat serein. J’ai trouvé cette première année d’enseignement difficile parce que je vivais certains conflits avec la direction de mon école. Je n’étais pas conforme à ce qui se vivait dans une école à l’époque: rang droit- deux par deux- en silence. Ma classe fonctionnait bien et ce qui rn’ apparaissait important, j’étais bien dans ma classe et mes élèves aussi. J’ai donc eu souvent la « visite » de la direction d’école dans ma classe pour vérifier tout compte fait que mes élèves travaillaient bien et réussissaient bien également. Forte d’une année d’expérience, j’entamais ma deuxième année d’enseignement avec une plus grande sécurité. D’avoir choisi l’enseignement, me donnait la chance d’être la seule responsable de mon groupe d’élèves, donc jouissant d’une grande liberté d’action. Le regardant de cette façon, je pouvais donc choisir un mode de fonctionnement très personnel et sécurisant à la fois. A cette époque, les seuls contacts avec les parents se résumaient à une remise de bulletins. Il m’apparaissait important d’établir un climat de confiance avec mes élèves, un genre de « complicité ». Cela se traduisait par certaines activités comme jouer avec eux à la récréation, continuer les discussions après les heures de classe.

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En 1967, l’implantation du préscolaire fait son apparition au Québec. A l’époque, je m’inscris au cours « Initiation au préscolaire » offert au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue en collaboration avec l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ces cours nous enseignent l’art de fonctionner avec des enfants de cinq ans et par le fait même, mieux comprendre et mieux assimiler les activités reliées à cet âge. Pendant deux ans, j’enseigne au préscolaire à la Commission scolaire Rouyn-Noranda. A l’époque, il n’y avait pas de normes précises quant au nombre d’élèves par demi-journée. Il était donc fréquent de voir nos classes du préscolaire avec des groupes de quarante et même cinquante élèves. Tout nouveau tout beau, c’était un genre de ruée vers l’or. Ce qui m’intéressait au préscolaire et encore plus aujourd’hui, c’est la façon bien personnelle de pouvoir vivre le programme relié à la maternelle.

De par la souplesse du programme au préscolaire, les choix d’activités et l’approche pédagogique revêtaient un caractère personnel. Les éducatrices au préscolaire n’étaient par astreintes à un horaire comme au primaire, à cause de l’absence des spécialistes à l’époque. Cela me permettait de moduler mon horaire et par le fait même, de tenir compte davantage du rythme de chacun. En 1969, après ces deux années d’expérience au préscolaire, je décide de poursuivre des études au niveau d’un baccalauréat « préscolaire-élémentaire » à l’Université de Montréal. Ce retour aux études pour une période de deux ans représentait pour moi une première démarche de réajustement, une sorte de mise au point. Quand j’ai réintégré le préscolaire en 1971 à la Commission scolaire Rouyn-Noranda, j’étais animée par un désir de changement dans ma façon d’enseigner (nouvelle approche, nouvelle méthode) et j’étais intéressée à faire part aux autres éducatrices du préscolaire de l’importance de se tenir debout et par le fait même, de ne plus accepter un nombre aussi grand d’élèves dans nos classes, par exemple.

En aucun temps, à cette époque, il n’a été question de la participation des parents. J’ai eu droit à une « invitation spéciale » de la part des dirigeants de ma Commission scolaire. A cette époque, en 1971, la consultation auprès des enseignantes et enseignants était pratiquement inexistante. Je revivais de vieux souvenirs comme à l’époque de ma première année en 1952 : se conformer et accepter le système tel qu’il était. Je ne voulais pas changer le système, je voulais simplement faire part aux autres de mon désir de changement sur certains points dans le but d’offrir aux enfants du préscolaire un climat plus serein et plus valorisant. Au sein même de ma commission scolaire, je ne me sentais pas valorisée mais mes élèves n’avaient pas à le subir.

Francine Hudon, (1989, p.6) rapporte que, dans les années 70, « Subitement, l’idée de faire participer les parents au vécu scolaire s’imposait. La nécessité des ‘assurer leur collaboration ne faisait plus de doute. C’est ainsi que les parents ont eu tout à coup, non pas seulement le droit, mais bien le devoir de se présenter à l’école lors d’ateliers divers ou d’activités spéciales. Cette tendance n’était pas encore généralisée, mais l’ouverture était là et le changement s ‘installait peu à peu. « 

Même à cette époque, vers 1975, j’avais de plus en plus une classe ouverte et accueillante. Mes élèves avaient droit de parole et les parents avaient accès à ma classe. Je vivais le programme à ma façon et qui plus est, la directrice et les dirigeants de la Commission scolaire RouynNoranda commençaient à s’y faire. A cette époque, les projets en innovation n’existaient pas comme tels, tout simplement parce que 1′ appellation n’était pas connue, mais je peux dire qu’en 1975, j’innovais dans ma classe. En 1976, j’entreprends au Cégep de Rouyn-Noranda, par l’entremise de l’Université du Québec à Trois-Rivières, une maîtrise en éducation, option administration scolaire, que je n’ai pas eu la chance de terminer. Je voyais cette formation comme trop théorique qui me rapportait tout compte fait, peu de choses dans ma pratique pédagogique. Encore là, il ne fut jamais question de l’implication des parents à l’école. Depuis mon entrée dans l’enseignement, je n’ai jamais cessé de me ressourcer et ce, dans le but d’offrir à mes élèves un enseignement de qualité. Personnellement, j’en retire une grande satisfaction, une sorte de valorisation. S’ajoute aussi à une formation plus orientée au préscolaire, une formation en P.P.M.F. (programme de perfectionnement des maîtres en français). Cette formation plus ou moins reliée au préscolaire, m’apporte tout de même des idées intéressantes, au niveau de l’organisation des activités à vivre dans ma classe. A cette époque aussi, j’ai eu l’occasion d’être chargée de cours à l’U.Q.A.T. Donner le cours « Organisation des maternelles » représentait une grande source de motivation. Que l’Université du Québec me demande de donner ce cours signifiait que je m’y connaissais, et cela me donnait la chance de livrer aux étudiantes et étudiants mon expérience d’enseignante. Je n’avais pas de difficulté à les convaincre car j’étais moi-même convaincue. A l’intérieur de ce cours, il y avait bien sûr de la théorie, mais le côté pratique occupait une large part. r étais consciente que je leur apportais beaucoup et même si le groupe était beaucoup trop nombreux, cela me donnait la chance de rejoindre le plus de personnes possibles et par le fait même, faire connaître davantage le préscolaire. A ces futures éducatrices, je n’hésitais pas à livrer mes expériences de collaboration avec les parents.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – PROBLÉMATIQUE
1.1 EXPÉRIENCE COMME ENSEIGNANTE
1.2 QUESTION DE RECHERCHE ET LIMITES
CHAPITRE 2 – RECENSION DES ÉCRITS
CHAPITRE 3 – MÉTHODOLOGIE
3.1 MÉTHODOLOGIE
CHAPITRE 4- EXPÉRIMENTATION
4.1 DESCRIPTION DE L’EXPÉRIMENTATION
4.2 DESCRIPTION DÉTAILLÉE DU VÉCU DE L’EXPÉRIENCE
CHAPITRE 5 -ANALYSE DU VÉCU
5.1 ANALYSE HORIZONTALE
5.2 COMMENTAIRES DES PARENTS
5.3 DIRECTION DE L’ÉCOLE
CONCLUSION 

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