Lois de mélange pour l’indice de réfraction
Restitution de l’indice complexe de réfraction par complémentarité entre mesures in situ et mesures de télédétection active et passive
Une des approches pour traiter des mélanges inhomogènes est appelée théorie du milieu effectif par laquelle le mélange est considéré comme un matériau homogène caractérisé par des quantités effectives (masse volumique, masse molaire, indice de réfraction, polarisabilité), qui sont calculées à partir de certaines lois de mélange. On définit alors en particulier un indice de réfraction équivalent ne pour l’aérosol qui dépend des indices de chacun des constituants de la particule, mais également de la façon dont est structurée l’aérosol : état de mélange interne ou externe, structure homogène ou en couches.
Naturellement, cet indice est souvent défini par des lois de mélange chimique. De telles lois de mélange pour l’indice de réfraction ont fait l’objet de nombreuses études. Une des lois les plus communément utilisées est celle dite de Lorentz-Lorenz qui est donnée par (Heller, 1965) : se i msi m f (4.8) Où mse et msi désignent respectivement les réfractions spécifiques effective et du ième constituant du mélange, et fi la fraction volumique de ce constituant dans le mélange. Cette loi de mélange a été largement utilisée dans l’étude des aérosols atmosphériques (Stelson and Seinfeld, 1982 ; Stelson, 1990 ; Tang and Munkelwitz, 1994 ; Tang, 1996). Elle peut être établie à partir de l’Eq. 4.7 en introduisant les masse volumique effective ρe, masse molaire effective Me et polarisabilité effective αpol,e du mélange par les simples relations..
Restitution de l’ACRI pour l’aérosol parisien
Il n’est cependant pas toujours aisé d’accéder localement à la composition chimique de l’aérosol, d’autant que celle-ci n’est pas nécessairement reproductible d’un site à l’autre. L’objectif de l’article intitulé « Retrieval of aerosol complex refractive index from a synergy between lidar, sunphotometer and in situ measurements during LISAIR experiment », publié dans Atmospheric Chemistry and Physics par J.C. Raut et P. Chazette, est de restituer l’indice de réfraction équivalent de l’aérosol différemment, en particulier à partir de la mesure optique. Cette étude qui vise à une meilleure compréhension du cycle de vie de l’aérosol dans la basse et moyenne troposphère (entre 0 et ~6 km d’altitude), passe par une approche impliquant de nombreux instruments. Une telle approche est nécessaire afin de permettre des études dites de fermeture qui permettront de déterminer les concentrations et les propriétés des polluants. Dans le cadre de la campagne LISAIR, une expérience a été mise en œuvre pour contraindre au mieux les différentes propriétés chimiques, structurales et optiques de l’aérosol sur Paris intra-muros.
Cette campagne réalisée sur l’esplanade de l’Hôtel de Ville de Paris entre les 9 et 29 mai 2005 combine différents types d’observations faisant appel à la détection in situ de composés particulaires et à la détection à distance par mesures lidar ou radiométriques. Il s’agit de mieux comprendre la répartition des polluants particulaires dans la colonne d’air en région urbaine, d’évaluer les transferts de polluants à la surface lors des transitions nuit/jour, de suivre le cycle journalier des concentrations de particules proches de la rue et dans la couche limite planétaire, d’établir une représentation en trois dimensions de la répartition des concentrations d’aérosols sur Paris et le long des grands axes de circulation comme le périphérique et d’affiner, à terme, les données utilisées pour les outils de modélisation de la pollution urbaine afin de mieux appréhender et prédire les épisodes de pollution mais aussi de mieux gérer les crises majeures liées à la présence d’éléments toxiques dans l’air de la ville.
Les mesures d’aérosols in situ ont été effectuées par l’intermédiaire de têtes de prélèvement PM10 placées au-dessus d’un camion de mesures à une hauteur approximative de 4 m par rapport au sol. Afin d’assurer le bon fonctionnement des têtes PM10, les débits dans les lignes de prélèvement ont été asservis à l’aide de débitmètres massiques pour un débit optimal de 1 m 3 /h. Les mesures météorologiques ont été réalisées à partir d’un mât météorologique à une hauteur de l’ordre de 5 m par rapport au sol. Les prélèvements sur filtres dédiés à l’analyse chimique des aérosols ont été effectués sur le toit du camion à une hauteur approximative de 3.5 m par rapport au sol dans une cloche de protection contre la pluie. La station de mesure avait à son bord le système lidar LESAA équipé de la polarisation, comme dans la camapgne POVA (Chazette et al., 2005a). Le système lidar LAUV était soit positionné sur un pied à côté de la station, soit placé à bord d’un véhicule léger.
La Sect. 4.5, dérivée de Raut and Chazette (2007), décrit précisément la méthode de restitution de l’ACRI à partir de mesures de granulométrie, de diffusion, de rétrodiffusion lidar et d’épaisseur optique. L’indice étant composé de deux inconnues (partie réelle et partie imaginaire), deux équations sont requises pour résoudre le système. On recherche alors l’ensemble des couples de partie réelle et partie imaginaire qui vérifient deux contraintes indépendantes. La partie réelle, sensible à la diffusion, est bien contrainte par la connaissance du coefficient de diffusion mesuré par le néphélomètre. La deuxième condition peut être apportée par le BER qui contraint bien la partie imaginaire de l’indice. Ce BER est déterminé par une méthode itérative lors de l’inversion de l’équation lidar par l’épaisseur optique mesurée par un photomètre (Chazette, 2003). La connaissance des profils verticaux d’humidité relative permet, à partir de la restitution des indices de réfraction, d’estimer des profils de coefficients d’extinction tels qu’ils pourraient être déterminés par inversion des signaux lidar.
Conclusions
La complémentarité entre les mesures in situ et les observations de télédétection active et passive a permis de caractériser complètement l’aérosol de pollution parisien à partir de ses propriétés structurales, microphysiques et optiques. Elle a permis de répondre à un des objectifs méthodologiques de cette thèse : la détermination de l’ACRI grâce à la mesure optique. La restitution de l’ACRI a suivi une procédure en deux étapes. Dans le cas des aérosols observés en région parisienne, la section efficace de diffusion est en effet quasiindépendante de la partie imaginaire de l’indice de réfraction.
Cela permet d’envisager une obtention directe de la partie réelle en comparant la section efficace de diffusion mesurée par l’ensemble formé par le néphélomètre et le compteur de particules à celle simulée par un code de Mie. C’est dans une seconde étape que l’on restitue alors la partie imaginaire de l’indice, qui demeure la seule inconnue devant conduire (par la théorie de Mie) au BER obtenu par lecouplage lidar / photomètre en ciel clair. Un BER de 71-83 sr dans le domaine UV-visible, comme celui restitué dans cette étude en région parisienne, révèle la présence d’une distribution en taille bimodale présentant un mode fin prédominant, principalement lié aux sources de trafic automobile.
Il correspond probablement à des aérosols sphériques (qui dépolarisent peu) constitués d’un noyau de suie enrobé d’éléments organiques ou hydrosolubles non absorbants (Randiamiarisoa et al., 2006). L’existence de deux lidars fonctionnant en continu à deux longueurs d’onde distinctes a permis d’estimer les variations journalières de l’indice par cette méthode à 355 et 532 nm. L’albédo de simple diffusion qui en a été déduit est compris entre 0.80 et 0.88.
Notre étude a également souligné l’importance de la mesure de la distribution en taille. Elle a mis en évidence d’importants écarts entre les distributions granulométriques inversées en télédétection passive et celles mesurées au sol. Les premières ne sont pas sensibles aux très petits aérosols et le nombre total de particules, évalué à partir de distributions volumiques, est souvent sous-estimé ; les granulométries observées en surface sont en revanche inefficaces dans l’échantillonnage des particules du mode grossier. La granulométrie constitue, parmi les propriétés de l’aérosol dans le domaine UV-visible, le paramètre dont l’influence sur les propriétés optiques intégrées est la plus grande. Elle joue donc en particulier un rôle prépondérant dans la restitution des ACRI.
En revanche, son influence sur la détermination de ω0 n’est pas significative pour les aérosols urbains. En passant par exemple d’une distribution monomodale centrée à 0.1 µm (mode d’accumulation) à une distribution dont le rayon modal est décalé à 0.2 µm, les variations observées sur ω0 sont de l’ordre de 7 % seulement. Les phénomènes de diffusion étant en effet dominants par rapport à l’absorption, ce sont surtout les modifications des coefficients d’absorption, moins sensibles à la contribution de la taille, qui vont causer les variations de ω0 (Fig. 4.1).
L’albédo de simple diffusion, pour sa faible sensibilité à la partie réelle et la granulométrie, n’est donc pas nécessairement un très bon indicateur pour caractériser l’aérosol. Pour les mêmes raisons, le BER, produit de ω0 par la fonction de phase en rétrodiffusion normalisée à 4π (Eq. 3.48), n’est donc pas significativement affecté par la granulométrie, les différences de distribution en taille induisant essentiellement des écarts sur la partie avant de la fonction de phase de diffusion. C’est aussi la raison pour laquelle ω0 ou le BER, indifféremment, permettent de contraindre précisément la détermination de la partie imaginaire de l’ACRI. Les valeurs d’indice de réfraction obtenues par cette approche ne sont toutefois représentatives que de la couche de surface où sont réalisées les mesures in situ.
Le BER étant en revanche déterminé par une mesure intégrée sur la verticale, il était important d’évaluer leur représentativité dans la colonne atmosphérique. L’extension des propriétés optiques et microphysiques de l’aérosol à l’ensemble de la couche limite a pu être effectuée sous l’hypothèse forte que les variations de celles-ci dans l’atmosphère n’étaient liées qu’à des modifications du taux d’humidité relative.
L’augmentation de la diffusion de la lumière par les aérosols avec RH à une longueur d’onde spécifique est en effet un paramètre important pour estimer le forçage radiatif de l’aérosol et pour comprendre les raisons de la dégradation de visibilité due aux aérosols. Elle a été prise en compte par les lois de Hänel (1976). Cela a permis d’estimer des profils verticaux de coefficient d’extinction. Malgré des barres d’incertitude importantes, la méthode montre qu’elle fournit des résultats comparables à ceux obtenus directement par inversion des signaux lidar. Les limites de cette approche ont pu être observées dans les situations où la distribution verticale des aérosols urbains était hétérogène dans la couche limite, mais surtout en présence de couches additionnelles en altitude, d’origines différentes, aux propriétés structurales et microphysiques différentes, et advectées à grande échelle (Sect. 3.3.9.4).
Etude complémentaire : pollution particulaire dans la colonne d’air parisienne
Exploitation des résultats de la synergie expérimentale pour la conversion optique-masse
Même si les éléments chimiques constitutifs de l’aérosol varient spatialement et temporellement, nous allons montrer que les coefficients d’extinction de la lumière sont bien corrélés avec les concentrations en masse des particules fines. On recherche alors le coefficient k vérifiant l’équation..
Application aux profils lidar obtenus durant LISAIR
Le système lidar LAUV a été embarqué sur un véhicule léger pour permettre une étude plus régionalisée des polluants particulaires en milieu urbain. Deux types de tests ont alors été effectués durant la campagne LISAIR. Le premier a consisté en l’étude du gradient de polluants particulaires entre la grande banlieue Sud de Paris (Saclay ou Palaiseau) et le centre de Paris (Hôtel de Ville de Paris). Pour le second test, les observations ont été réalisées en empruntant une grande partie du périphérique parisien. Les valeurs de coefficients d’extinction de l’aérosol inversés des signaux lidar à 355 nm ont été converties en concentrations massiques avec un coefficient k de 1.7×105 µg.m -2 (Sect. 4.7.1) et sont reportées sur la Fig. 4.3.