Justifications du projet de recherche
Position par rapport aux termes de l’appel à propositions
Les projections de développement socio-économique et du climat pour le XXIème siècle font peser de lourdes menaces sur les hydro-systèmes en Europe de l’Ouest. Le futur projeté par les modèles de climat est plutôt sombre pour la ressource naturelle de l’eau (fréquence accrue de vagues de chaleur et des séquences sèches à l’horizon 2100). Cette ressource serait fortement sollicitée du fait d’une augmentation de la demande en eau résultant d’un accroissement démographique et des besoins croissants liés aux activités économiques (e.g. Oki et Kanae, 2006). Dans ce contexte, des réflexions sur les méthodes et outils doivent être engagées pour identifier des capacités d’adaptation collective garantissant une gestion durable et équitable de l’eau en France et pour éclairer ainsi les décideurs. Le projet déposé se propose de mettre en place une démarche prospective à l’échelle d’un territoire de gestion étendu complexe avec l’appui des opérationnels : le bassin de la Durance. Il a l’ambition de poser les bases objectives d’une stratégie d’adaptation. Il s’inscrit dans une recherche partenariale et une dynamique régionale (décrite plus loin en 1.3). Il viendra appuyer et compléter des démarches prospectives en cours sur le territoire en apportant un regard quantifié sur l’hydrologie. Le projet de recherche contribuera également à renforcer la connaissance sur les stratégies d’adaptation au changement climatique nécessaires à l’élaboration du plan national d’adaptation pour la France. Après un premier rapport en 2005, intitulé : « La dérive climatique : comment s’adapter ? », l’Observatoire National des Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) a élaboré en 2007 une stratégie nationale d’adaptation. La promotion d’approches adaptées aux territoires est l’un des axes de cette stratégie qui semble particulièrement pertinent pour le projet de recherche. Les résultats du projet de recherche pourront être mobilisés pour nourrir les réflexions sur les stratégies pertinentes d’adaptation à partir de l’exemple concret du territoire Durance. Des synergies pourront également être développées entre les activités du projet de recherche et l’appel d’offre « Explore 2070 » du MEEDDM qui s’attache à identifier des stratégies d’adaptation permettant de réduire les déséquilibres entre capacité du milieu aquatique et pressions des usages et secteurs économiques, et d’évaluer les impacts environnementaux (sur les milieux aquatiques) et socio-économiques de telles stratégies d’adaptation. Un point particulier sera porté au traitement des incertitudes. Un work package devra les quantifier à tous les niveaux de modélisation (depuis les scénarios climatiques jusqu’aux projections de débits) pour permettre une hiérarchisation des sources d’incertitude et les modes de propagation (y-a-t-il des facteurs d’atténuation ou d’intensification ?). L’analyse portera sur plusieurs variables d’intérêt (météorologiques, hydrologiques). Il est vraisemblable que la hiérarchie des origines des incertitudes évolue sur le caractère extrême (moyenne, maximum, etc.). Des études d’incertitude ont déjà été réalisées sur le bassin de la Seine (Ducharne et al., 2009), il s’agira de vérifier le caractère universel ou non des résultats précédemment obtenus en explorant un autre climat. Le présent projet se positionne par rapport aux thèmes : « La question des extrêmes : risques et vulnérabilité », « L’adaptation et la nécessaire descente d’échelle », « Scénarios et incertitudes » et « Recherches en partenariat » de l’APR 2010.
Situation actuelle du sujet / Bibliographie commentée :
De nombreuses études ont porté ces dernières années sur l’impact du changement climatique sur l’hydrologie, notamment dans le cadre du programme GICC. En revanche, rares sont les travaux portant sur la gestion de la ressource sous changement climatique, préliminaire indispensable à l’élaboration d’une stratégie d’adaptation. Deux études ont ainsi apporté des éléments de réponse sur les impacts hydrologiques du changement climatique sur le bassin de la Durance. Au début des années 2000, l’expérience GEWEX-Rhône et son prolongement GICC-Rhône ont mis en évidence un contraste saisissant entre les impacts du changement climatique au Nord du bassin du Rhône (Saône) qui verrait ses écoulements annuels amplifiés tandis que les débits annuels baisseraient au Sud, jusqu’à -40% sur le bassin de l’Ardèche (Leblois et al., 2003). Les principales conclusions pour ce qui concerne la Durance étaient une réduction du couvert neigeux, une fonte plus précoce dans l’année et des étiages plus sévères. Plusieurs limites réduisent aujourd’hui la portée de ces résultats : (1) les scénarios de grande échelle étaient issus d’anciens exercices de modélisation, (2) la méthode de descente d’échelle employée (méthode des perturbations ; Xu, 1999) manque de pertinence pour les extrêmes et (3) l’influence des usages n’a pas été prise en compte, le diagnostic ayant été effectué sur une hydrologie désinfluencée uniquement des barrages hydroélectriques d’EDF. Plus récemment, Boé (2007) a examiné la réponse hydrologique en deux points situés sur la Durance pour deux horizons 2046-2065 et 2081-2100 en intégrant une méthode de descente d’échelle plus élaborée, permettant d’accéder aux évolutions des extrêmes hydrologiques. Les résultats confortent ceux obtenus précédemment (diminution de la couverture neigeuse, avancée de la fonte nivale). Cependant ces travaux récents ne bénéficiaient pas de débits naturalisés le long du réseau hydrographique pour apprécier la variabilité spatiale des réponses, et mettaient en jeu une seule méthode de descente d’échelle. Par ailleurs, la modélisation hydrologique utilisée pour cette évaluation présente de sérieuses limitations pour la simulation du comportement hydrologique du bassin (Lafaysse et al., submitted).