Ressenti du médecin généraliste et des remplaçants en médecine générale
La relation Médecin-Patient. Hippocrate disait
« L’art de la médecine se joue entre trois termes : la maladie, le malade, le médecin. Le médecin est le serviteur de l’art, il est indispensable que le malade aidé par le médecin, s’oppose à la maladie » (2). Autrement dit, la relation entre le patient et le médecin est le fondement de l’exercice médical. La médecine est en perpétuel mouvement. Conformément à la modification des caractéristiques des maladies, la chronicité prenant de l’importance face aux phénomènes aigus, la relation médecin-patient a également évolué.
Le modèle paternaliste
Durant des siècles, la relation médicale a fonctionné sur un modèle paternaliste, hiérarchique, fondé sur une communication essentiellement unilatérale, entre un médecin détenteur d’un savoir et un patient soumis à l’autorité médicale, souvent assigné à une position passive et infantilisante. Se référant au premier code de déontologie médicale établie en 1941 sous le régime de Vichy, ce modèle est inégalitaire, le patient étant dépendant des actions du médecin sans que sa volonté ne soit prise en compte. D’après Feinberg, on peut néanmoins distinguer un modèle paternaliste dit « léger », légitimé par l’ignorance et l’incompétence des patients et s’imposant de manière involontaire, et un modèle paternaliste dit « dur », revendiquant une relation pleinement directive sur la personne en toute circonstance (3).
La notion de consentement et le modèle délibératif
« Peu à peu, dans la deuxième moitié du 20ème siècle, les patients ont pris la parole et demandé à être informés sur leur maladie, à être consultés dans les options thérapeutiques », détaille Isabelle Moley-Massol (4). La notion de consentement, introduisant le patient dans la prise de décision médicale marque un tournant dans l’évolution de la relation médecin-patient, permettant la mise en place du modèle délibératif. Le médecin propose les différentes options envisagées avec leurs avantages et inconvénients, apporte des conseils au patient, qui pourra ainsi prendre sa décision. Cette notion de consentement a été renforcée par la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (5). Prenons l’exemple connu du violoniste confronté à une intervention chirurgicale nécessaire mais avec des risques jugés minimes de fins tremblements résiduels (6). Le modèle paternaliste serait centré sur le risque médical jugé comme minime et l’information médicale rendue au patient serait alors tronquée. Avec le modèle délibératif, centré sur le patient dans sa globalité, le médecin expose les bénéfices et les risques de l’intervention, dont ces risques infimes de tremblements fins résiduels, le patient pouvant prendre sa décision en toute connaissance de cause. Cette évolution vers le modèle délibératif a vu naitre plusieurs courants de bioéthiques. Le courant du « principisme » de Beauchamp et Childress en 1979 propose quatre principes pour la prise de décision médicale (7) : – le principe d’autonomie : « liberté d’une personne de faire valoir ses priorités et de prendre elle-même les décisions qui la concernent » (8). – le principe de bienfaisance : accomplir un bien en faveur d’autrui reconnu en tant que tel par celui-ci (9). – le principe de non-malfaisance : primum non nocere : « D’abord ne pas nuire». Il s’agit d’épargner au bénéficiaire un préjudice moral ou physique qui ne ferait pas sens pour lui (9). – le principe de justice : justice distributive envisagée en la circonstance en tant qu’intervention équitable pour tous (9). 7 Cependant ce courant ne met pas de hiérarchie entre les piliers du modèle paternaliste (le principe de bienfaisance) et du modèle délibératif (le principe d’autonomie). Le courant des « fondements » d’Engelhardt en 1986 prime le principe d’autonomie sur celui de bienfaisance, plus en adéquation avec l’évolution vers le modèle délibératif de la relation médecin-patient (10). Ainsi, le modèle délibératif tend aujourd’hui à la « décision médicale partagée » (11) permettant l’échange d’informations et la délibération entre le médecin et le patient en vue d’une prise de décision acceptée d’un commun accord concernant la santé individuelle du patient.
Le code de déontologie médicale : combinaison des modèles paternalistes et délibératifs
Nous avons vu que la relation médecin-patient tend de nos jours vers le modèle délibératif. Cependant, si on se base sur le code de déontologie médical de 1995 (12), qui rassemble l’ensemble des normes morales régissant la profession médicale, on peut affirmer que la relation médecin-patient actuelle n’est ni totalement paternaliste, ni totalement délibérative. Les articles 8, 33 et 34 font plutôt écho au modèle paternaliste. L’article 8 – Liberté de prescription énonce : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. » L’article 33 – Diagnostic décrit que : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés. » L’article 34 – Prescription énumère le fait que : « Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution. » A contrario, les articles 35 et 36 sont représentatifs du modèle délibératif. 8 L’article 35 – Information du patient dit entre autres que : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. » L’article 36 – Consentement du patient promulgue que : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou les traitements proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.
Préambule |