Résonances photoniques dans les réseaux métalliques
Résonances photoniques dans les nanostructures métalliques
Les études des nanostructures métalliques périodiques se sont développées ces dernières années dans deux directions différentes. D’une part les structures à deux dimensions, avec la découverte par Ebbesen de la transmission “extraordinaire” de la lumière à travers des matrices de trous “sub-longueur d’onde” dans des films métalliques (§ 1.1). Il faut y ajouter les résultats très récents sur les résonances dans les nanocavités métalliques (structures à trois dimensions). D’autre part les réseaux de fentes dans les films métalliques (périodicité dans une dimension), permettent un confinement et une transmission très efficace de la lumière à travers de fines fentes, par deux mécanismes différents (§ 1.2). A la fin de ce chapitre ( ` § 1.3), nous expliquerons les motivations qui nous ont conduit à l’étude électromagnétique des réseaux métalliques que nous présentons dans la première partie de cette thèse.
Transmission extraordinaire à travers des structures métalliques 2D et 3D
La première publication sur ce sujet date de 98. Ebbesen et al. publient alors la découverte faite par le premier auteur quelques années plus tôt [1] : des films métalliques déposés sur du quartz, et dans lesquels sont réalisées des matrices de trous, transmettent étonnamment bien la lumière, malgré un diamètre des trous inférieur à la longueur d’onde. Cette observation 7 Chapitre 1. Résonances photoniques dans les nanostructures métalliques ne peut pas ˆetre interprétée par la théorie de Bethe [43] sur la diffraction de la lumière à travers un trou de très faible dimension. Fig. 1.1 – Matrice de trous dans un film métallique étudiée par Ebbesen et al. [1]. Ces structures sont représentées sur la figure 1.1. Leurs spectres de transmission ont été mesurés pour différentes géométries et différents métaux : les minima de transmission correspondent aux anomalies de Wood-Rayleigh (une des ondes diffractées est à incidence rasante), alors que les maxima de transmission correspondent à l’excitation d’une résonance d’un mode de plasmon de surface [2, 3, 4]. Le phénomène de transmission “extraordinaire” a également été observé à travers un unique trou lorsque la surface métallique est “texturée” selon un motif périodique similaire [5, 6]. Afin de confirmer le rôle des plasmons de surface, il a été montré que seule la couche superficielle du métal joue un rôle déterminant [7]. Des résultats numériques sont également venus confirmer le mécanisme qui permet la transmission extraordinaire à travers les trous [8] : les résonances de plasmons de surface sont excitées à la surface du réseau, et la transmission se fait par effet tunnel. En 01, les résultats d’études sur des empilements périodiques de nanocavités métalliques ont également été publiés. Des résultats expérimentaux ont mis en évidence un confinement du champ dans les cavités, obtenu par couplage de la lumière incidente avec des plasmons de surface (théorie de Mie) [12, 13]. D’autre part, des empilements de nanocavités métalliques similaires ont été étudiés numériquement (structure de bandes photoniques, absorption et transmission à travers la couche) []. Les résonances dépendent principalement des caractéristiques d’une unique sphère, plus que de l’arrangement de la structure périodique. Ces nanostructures métalliques offrent des propri et és de concentration et de transmission de la lumière qui ouvrent la voie à de nombreuses applications.
Transmission de la lumière à travers de très fines fentes métalliques
Paradoxalement, les phénomènes mis en jeu dans les réseaux métalliques (périodicité é dans une seule dimension) sont plus complexes. Poussés par la transmission extraordinaire observée par Ebbesen à travers les réseaux de trous (2D), Porto et al. ont cherché à mieux comprendre le mécanisme de la transmission de la lumière par l’excitation de plasmons de surface dans le système a priori plus simple d’un réseau de fentes []. Ils ont étudié numériquement un réseau métallique entouré d’air, en utilisant une expansion modale et un formalisme de matrice de transfert. La transmission de la lumière peut ˆetre obtenue par l’excitation bien connue de résonances de plasmons de surface sur un réseau métallique [2, 3] : Porto et al. se sont penchés en particulier sur le couplage entre les plasmons de surface des surfaces horizontales supérieures et inférieures du réseau. Mais contrairement aux matrices de trous, les réseaux de fentes supportent également des“modes guidés” dans les fentes : Porto et al. ont montré qu’ils constituent un deuxième mécanisme possible pour la transmission de la lumière à travers de très étroites ouvertures (fentes) périodiques. Dans ce mécanisme, seuls les “murs” métalliques des fentes jouent un rôle actif. Les structures de bandes “réelles” (c’est-à-dire l’énergie des modes en fonction du moment parallèle) ont été tracées, et mettent en évidence l’existence de bandes plates qui correspondent aux résonances verticales localisées dans les fentes (figure 1.2). Il est possible d’atteindre, avec les deux mécanismes, des transmissions de l’ordre de 80 % à 90 % à travers des fentes dont les dimensions sont très inférieures à la longueur d’onde, et qui représentent seulement 1/7 de la surface totale. Les résonances verticales ont également été étudiées par Lalanne, Astilean et al. [, ], qui calculent les spectres de transmission et les distributions de champ électromagnétique obtenus par l’excitation du mode fondamental TM se propageant dans les fentes. Ils obtiennent des transmissions proches de 100 %. Popov et al. [] s’intéressent pour leur part aux deux types de résonances dans les réseaux métalliques, en tra¸cant en particulier la forme de l’intensité du champ électromagnétique. Il faut également noter la contribution de Takakura [], qui a étudié la résonance verticale dans une fente unique. Ces résultats et ceux d’Ebbesen (§ 1.1) ont également suscité des études sur des films mé9 Chapitre 1. Résonances photoniques dans les nanostructures métalliques (i) h = 0.6 µm. (ii) h = 3.0 µm. Fig. 1.2 – Courbes de dispersion calculées par Porto et al. []. talliques ayant des motifs périodiques à une dimension mais qui ne sont pas perforés (fentes ou profil sinuso¨ıdal) [, ]. Dans ces systèmes des ondes stationnaires (similaires aux résonances verticales) sont excit ées dans les fentes, et la transmission se fait par effet tunnel, comme dans les r éseaux de trous.
Introduction à l’étude électromagnétique des réseaux métalliques
Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, la transmission de la lumière à travers les réseaux métalliques suscite un grand intérˆet, qui s’explique par la richesse des phénomènes mis en jeu et par les nombreuses applications potentielles de ces structures. Dans la deuxième partie de cette thèse, nous nous intéresserons en particulier à l’utilisation de réseaux métalliques pour confiner la lumière et obtenir un photodétecteur efficace et ultrarapide. Il est donc important de mieux comprendre les mécanismes des deux types de résonances, et leur condition d’excitation. Dans la suite de cette partie, nous préciserons la nature exacte des résonances de “guide d’onde”. Nous montrerons ensuite que les courbes de dispersion de la figure 1.2 sont incomplètes : nous proposerons une définition rigoureuse des modes propres des réseaux métalliques, que nous appliquerons au calcul des courbes de dispersion complexes. Ces résultats, présentés sous la forme de Structures de Bandes Photoniques Complexes (SBPC), permettront de caractériser les deux types de résonances, et de déterminer leurs durées de vie totales, radiatives et non radiatives. Nous décrirons les mécanismes des résonances ainsi que l’origine physique des discontinuités de durées de vie qui apparaissent sur les SBPC. Enfin, nous esquisserons l’étude de l’influence d’un environnement diélectrique (r 6= 1 sous le réseau ou dans les fentes) sur l’excitation des résonances des réseaux métalliques. Région III Région I Région II z θ y x E H h d r d a Fig. 1.3 – Schéma du réseau métallique étudié dans la première partie. Nous avons choisi de mener cette étude sur des structures identiques à celles de Porto et al., et représentées sur la figure 1.3 : la période du réseau d = 3.5 µm et la largeur des fentes a = 0.5 µm sont constantes, et l’épaisseur varie entre h = 0.6 µm et h = 3.0 µm. Le métal est de l’or dont les caractéristiques optiques sont celles de la référence [0]. Il faut noter que tous les résultats sont transposables à une autre échelle, par exemple dans le domaine visible ou proche infrarouge (longueurs d’onde des télécommunications). Notons que dans cette première partie, l’étude concerne uniquement la polarisation TM : le champ H est parallèle aux lignes du réseau. Comme nous le verrons dans le chapitre 3, c’est uniquement dans cette polarisation que l’on peut exciter les plasmons de surface et que la lumière peut traverser de fines fentes métalliques avec une faible atténuation (en polarisation TM, le mode fondamental du r éseau métallique n’a pas de fr équence de coupure). La méthode modale du calcul du champ électromagnétique sera néanmoins décrite dans le prochain chapitre pour les deux polarisations, les calculs en polarisation TE étant utilisés dans la deuxième partie de la thèse.
Introduction |