Résistance et Diversité génétique dans la Population Générale et chez les Hommes
Le Virus de l’immunodéficience Humaine (VIH)
Définition et Classification du VIH Le VIH appartient à la famille des Retroviridae définis par un mode de réplication passant par une étape de rétro-transcription de leur ARN en ADN. Pour se multiplier, le VIH a besoin de rétrotranscrire son ARN en ADN pour pouvoir l’intégrer dans le génome de la cellule hôte dont il détourne le fonctionnement. Selon l’évolution phylogénétique, les rétrovirus sont classés en sept genres incluant les Lentivirus (Coffin, 1992). Ces derniers infectent principalement les cellules du système immunitaire (macrophages et lymphocytes T CD4+ ). Les infections lentivirales causées par le VIH résistent aux attaques du système immunitaire et causent généralement des immunodéficiences sur des périodes relativement longues (pouvant atteindre dix ans) avant l’apparition de symptômes cliniques identifiables et l’état de maladie. Le patient infecté peut conserver le virus en permanence depuis la primo-infection et jusqu’aux stades avancés de la maladie (Coffin, 1992).
Historique et origine du VIH
Historique du VIH
C’est en 1981 que le CDC (Center for Disease Control and Prevention) d’Atlanta avait rapporté quelques cas d’une forme rare de pneumonie touchant spécifiquement des jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSHs). En 1983, à partir de ganglions d’un patient présentant une lymphadénopathie, un rétrovirus fut isolé par l’équipe du Professeur Luc Montagnier (Barré-Sinoussi et al., 1983). Il fut dénommé lymphoadenopathy associated virus (LAV) et ses caractéristiques se révélèrent proches de celles du Human T cell Lymphotropic Virus (HTLV), découvert en 1984 aux Etats-Unis chez des patients atteints de SIDA et chez des homosexuels (Sarngadharan et al., 1984). Cette même année, l’équipe de Levy à San Francisco isolait le virus nommé Aquired Immunodefiency Syndrome Related virus (AIDS Related Virus) (Levy et al., 1984). En 1985, une commission scientifique propose une nomenclature commune: le virus responsable du SIDA fut alors appelé Virus de l’Immunodéficience Humaine (Ratner et al., 1985). Cette même année en 1985, l’existence d’un autre rétrovirus fut mise en évidence sur des prélèvements de professionnelles du sexe (PS) sénégalaises. En 1986, ce deuxième virus fut isolé par l’équipe du Pr. Montagnier chez deux malades d’origine portugaise ayant longtemps séjournés en Afrique de l’Ouest, et qui aussi présentaient un SIDA. Ce virus apparenté au VIH présentait des propriétés structurales, génétiques et biologiques similaires. Cependant, il était différent au niveau de ses protéines de surface. Il fut alors appelé Virus de l’Immunodéficience Humaine de type 2 (VIH-2) et l’archétype isolé en 1983 fut renommé VIH-1 (Barin et al., 1985).
Origine du VIH
Origine du VIH-1
Depuis la découverte du VIH dans les années 80, son origine est le sujet d’intenses débats entre les scientifiques. En 1985, la découverte chez les macaques d’un virus causant des signes cliniques semblables à ceux du VIH (Daniel et al., 1985) a orienté les réflexions vers une provenance de primates non humains. En 1989, l’isolement de premières souches de SIVcpz (SIVcpzGAB1 et SIVcpzGAB2) chez deux chimpanzés captifs mais nés en milieu sauvage au Gabon fut le premier élément indicateur de l’origine du virus de l’immunodéficience humaine. En 1992, un autre virus (SIVcpzANT) est identifié chez un chimpanzé provenant de la RDC. Ainsi, le VIH-1 a-t-il été soupçonné de provenir à l’origine de chimpanzés (Gao et al., 1999). Cependant, bien que ces découvertes constituaient une avancée dans la recherche de l’origine, elles n’établissaient pas avec certitude la nature exacte du réservoir chimpanzé du VIH, car ceci nécessitait une analyse sur un nombre d’animaux sauvages plus important dans leur milieu naturel. En 2002, une méthode non invasive de collecte et de stockage de et d’urines a été mise au point pour extraire les acides nucléiques contenus dans ce matériel. Cette technique a ouvert la voie à l’identification et à la caractérisation des SIV des grands singes et a permis la caractérisation des SIVcpz de P.t. schweinfurthii sauvages en RDC et en Tanzanie (Santiago et al., 2003; Worobey et al., 2004). Cependant, des analyses phylogénétiques ont montré que ces séquences formaient une lignée éloignée de celle du VIH-1. Par ailleurs, les sous-espèces Pan troglodytes troglodytes et Pan troglodytes schweinfurthii ont été identifiées comme hôtes naturels du SIVcpz et le SIVcpz du Pan troglodytes troglodytes était très proche des souches HIV-1 (Santiago et al., 2002; 2003). Ce qui signifie que le VIH-1 serait le résultat d’une transmission zoonotique (figure 1) du SIVcpz du P. t. troglodytes du chimpanzé à l’homme (Gao et al., 1999). Des études réalisées en 2006 ont montré que les SIVcpzPtt infectant les chimpanzés de la sous-espèce troglodytes du Cameroun étaient les réservoirs des VIH-1 groupe M et N (Keele et al., 2006). Au cours de la même année, le SIVgor avait été identifié chez des gorilles de la sous-espèce Gorilla gorilla du Cameroun (Van Heuverswyn et al., 2006). Les SIVgor sont proches du VIH-1 groupe O (Takehisa et al., 2009) mais la distance génétique entre les séquences des virus est trop grande pour justifier une relation zoonotique directe. En 2009, une nouvelle souche de VIH-1 (le groupe P) encore phylogénétiquement beaucoup plus proche du SIVgor (Plantier et al., 2009) a été décrite au Cameroun, suggérant qu’il aurait pu être transmis à l’homme par les gorilles. La figure 1 ci-dessous montre les relations phylogénétiques entres les souches de VIH et de SIV. 20 Figure 1. Diversité génétique des VIHs et SIV et chaîne de transmission inter-espèce (Adapté de Tebit et Arts, 2011) Les réservoirs des VIH-1 ayant été identifiés en Afrique centrale, plus précisément au Cameroun, il est donc très probable que cette région soit le foyer d’origine du HIV-1 (Etienne et Peeters, 2010) (figure 2). Pourtant, c’est à près de 1000 Km du sud du Cameroun, en RDC que l’épidémie du VIH-1 groupe M a débuté (Zhu et al., 1998; Vidal et al., 2000; Worobey et al., 2008). Cette discordance entre l’origine des virus et celle de l’épidémie humaine peut être expliquée par l’association de plusieurs facteurs impliquant l’hôte, l’agent infectieux et l’environnement. Toutefois, selon Pépin en 2013, par la manipulation de la viande de chimpanzé près de l’angle sud-est du Cameroun, un patient avait acquis le SIVcpz entre 1900 et 1930, ce qui est devenu le VIH-1. Par la suite, une transmission locale a probablement suivi le traitement intraveineux de la maladie du sommeil et d’autres maladies tropicales. Quelques-unes d’entre les personnes atteintes l’auraient transporté à la métropole locale de Léopoldville-Brazzaville, où la transmission sexuelle et/ou parentale aurait permis au virus de persister. Une amplification exponentielle aurait eu lieu en 1950 principalement par la transmission parentale, puis dans les années 1960 par voie hétérosexuelle (liée à l’augmentation de la prostitution par la pauvreté et la décolonialisation du Congo, conduisant à une migration vers Léopoldville). A partir des années 1960, le virus a été exporté hors de Léopoldville à d’autres pays africains, mais aussi aux Etats-Unis via des assistants techniques haïtiens qui ont 21 travaillé au Congo, probablement à travers le tourisme sexuel des hommes gais américains dans les années 1970, puis dans de nombreux autres endroits, principalement en Europe occidentale et en Amérique latine (Pépin, 2013).
Origine du VIH-2
Le HIV-2 est le résultat d’une transmission zoonotique du SIVsmm du mangabey enfumé à l’Homme en Afrique de l’Ouest (figure 2). Ce petit primate vit dans les forêts primaires et secondaires de la côte ouest africaine couvrant le territoire délimité par la rivière Casamance au Sénégal et le système de la rivière Sassandra/Nzo en Côte d’Ivoire (Range et Noë, 2002). Plusieurs arguments alimentent très favorablement cette hypothèse de l’origine du VIH-2. D’abord, l’organisation des génomes du VIH-2 et du SIVsmm est similaire avec notamment la présence du gène vpx. L’habitat naturel du mangabey enfumé coïncide avec le foyer endémique du HIV-2 (Hirsch et al., 1989; Lemey et al., 2003). De plus, dans ces régions où ce petit singe est chassé pour sa viande ou utilisé comme animal de compagnie, les contacts directs entre les populations locales et le mangabey enfumé sont courants (Marx et al., 1991). Enfin, il s’y ajoute la forte prévalence de l’infection à SIV chez les mangabeys enfumés dans ces régions. Figure 2. Origine géographique du VIH-2 (pris de Etienne et Peeters, 2010). Aujourd’hui, ces populations Africaines restent toujours exposées à d’autres transmissions interespèces. En effet, on y trouve presque toutes les espèces de grands singes et plusieurs autres espèces 22 de primates non humains (PNH) qui sont continuellement chassées et consommées par les populations locales. Ils sont donc régulièrement en contact avec divers PNHs dont la plupart avaient été décrites comme naturellement porteuses d’un SIV au Cameroun (Locatelli et Peeters, 2012). Ainsi, le contact avec le sang et les tissus éventuellement infectés à travers la préparation de la viande de brousse, les morsures et griffures des animaux de compagnie, le contact avec les fèces et urines des PNH sont autant d’occasions de transmission d’un rétrovirus du singe à l’Homme. Par conséquent, il convient de poursuivre la veille sanitaire afin de surveiller les rétrovirus dans l’interface Homme-PNH pour prévenir d’éventuelles émergences avant leur établissement dans la population humaine.
Morphologie, structure et organisation génomique du VIH
Morphologie et structure (figure 3)
Morphologiquement, le VIH apparaît sous forme de particules sphériques (Gelderblom et al., 1987) de 90 à 120 nanomètres de diamètre, hérissées de spicules. Parmi les éléments constitutifs, nous distinguons: Une enveloppe constituée d’une bicouche lipidique qui provient de la membrane plasmique de la cellule hôte acquise par le virus lors de sa sortie par bourgeonnement. A la surface de cette enveloppe, on retrouve la glycoprotéine de surface reliée de façon non covalente à la glycoprotéine transmembranaire, l’ensemble faisant saillie à la surface du virus sous forme de spicules. Une matrice constituée par la protéine p17 est retrouvée sous la bicouche lipidique. Elle est liée à la surface interne de l’enveloppe et stabilise la structure. Elle intervient dans l’étape de l’assemblage et du bourgeonnement du virion (Dorfman et al., 1994; Jouvenet et al., 2011). Une capside constituée par la protéine p24 se situe au centre du virus dont il représente la protéine majeure. Elle protège l’ARN et intervient dans la formation des oligomères-p24 conduisant à l’assemblage de la particule virale et dans la morphogenèse de la capside (Gitti et al., 1996; Tang et al., 2003; Leschonsky et al., 2007) . Une nucléocapside constituée principalement par une protéine basique p7 liée à l’ARN du virus. Elle joue un rôle dans l’emballage de l’ARN, la rétro-transcription et la stabilité de la particule virale (Feng et al., 1996; Song et al., 2007; Thomas et Gorelick, 2008). Un génome viral représenté par deux brins d’ARN de polarité positive, de longueur d’environ 10000 bases. Des enzymes virales comprenant: la transcriptase inverse (TI), l’intégrase (IN) et la protéase (PR).
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