Requalification du Territoire et Gouvernance des Ressources Naturelles dans la Réserve de Biosphère du Niokolo
Caractérisation des Impacts de requalifications du territoire dans le PNNK
Les requalifications environnementales du PNNK ont produit des résultats mitigés de par leurs modes de mise en œuvre. Si la ressource végétale est relativement bien conservée malgré les contraintes et menaces multiples, on peut par contre, affirmer sans de se tromper que l’éléphant (2001) après le Girafe (1953) a disparu du PNNK (G.Roure, in Mémoire-IFAN 1956 p49). La dégradation des habitats et la baisse de productivité des pâturages en plus de l’action du braconnage (inventaires 2001 et 2006) en sont les principales causes. S’il est aujourd’hui difficile de juger sur l’efficacité, la pertinence de la conservation dans un contexte de dégradation généralisée, il peut se défendre par le seul fait que c’est justement là où les ressources ont fait l’objet de surveillance et de protection qu’elles subsistent encore aujourd’hui. Seulement cet argument est assez simpliste pour juger de cet impact. Car, il semble en réalité, résulter d’efforts multiformes mais peu structurés dans le temps et dans l’espace. Il s’avère aussi nécessaire de voir dans cette approche plusieurs éléments non quantitatifs dont le caractère subjectif n’a jamais sérieusement fait l’objet d’une attention qui aurait créé l’émulation au sein des acteurs notamment les populations partie prenante importante mais insuffisamment impliquées; jamais elles n’ont été correctement intégrées dans le dispositif technique, administratif et d’animation de la gouvernance du PNNK. L’expulsion et la mise à l’écart des populations ont produit des impacts économiques et sociaux qui ont eu des répercutions peu intéressantes dans le développement local des terroirs villageois mais en plus s’est avérée comme un facteur aggravant de la pauvreté des populations locales. D’ailleurs, les populations déguerpies remontent leur situation de dénuement à cette période. L’Etat est apparu dans ce processus difficile et délicat dans une période marquée par des restrictions budgétaires, la suspension des recrutements liés à l’austérité des ajustements structurels (1979 à 2000). Cette situation économique précaire qui interdit tout investissement sur « les secteurs non productifs » a-t-elle joué un rôle aussi crucial au point de reléguer les aires protégées au second plan dans les priorités de l’Etat ? L’absence de moyens suffisants est un motif pour changer de stratégie dans la protection et la conservation en sensibilisant et en impliquant les populations locales ; mais jamais cela ne s’est faite, la réalité des années 50 a continué de présider à la gouvernance des réserves de biosphère par intermittence ; où c’est la souplesse du conservateur en poste qui a permis quoique timidement un rapprochement entre administration du PNNK et les populations locales en toute « illégalité » 5 conformément au règlement intérieur en vigueur. Aussi, la gestion communautaire des ressources introduites par les organisations internationales avec l’apparition du concept de développement durable propulsé par le rapport Brundtland en 1987 n’ont visible pas permis de trouver la formule adéquate pour rompre la dynamique d’exclusion des populations dans la gouvernance des ressources du PNNK. A l’évidence il semblerait que ce facteur ait pu être dommageable à l’environnement dans un contexte de dégradation climatique et d’accentuation de la pauvreté. Pour autant, certains pensent que les requalifications (réserve de biosphère, puis patrimoine mondial) introduites à partir des années 80 sont une tentative de réponse alternative à la situation de dégradation des ressources naturelles du parc. Cette attitude quoique opportuniste est portée des acteurs issues d’organisations internationales dans le domaine de l’environnement telle que l’UICN. Cette ONG internationale a joué de tout son poids pour inscrire le PNNK sur la liste du patrimoine mondial après avoir deux ans auparavant, réussit à le faire requalifier en réserve de biosphère par MAB/UNESCO. L’appui de ces organisations internationales (l’UNESCO, l’UICN et du PNUE) a permis non seulement de diffuser et faire adopter ces concepts dans les milieux de la conservation par les soutiens multiformes qu’elles apportent, mais en même temps, se sont construits de puissants réseaux à partir de l’intervention des ONG locales souvent en partenariat avec les administrations des Parcs nationaux et des Eaux et forêts comme relais des idées innovantes comme la gestion durable communautaire et la participation des populations par plusieurs mécanismes de la coopération et de l’aide au développement. Ainsi de projet en projet, une tentative de mise en place du dispositif d’accompagnement à plus ou moins suivi avec les projets comme AGIR notamment. Cependant, en aucun moment, la volonté de suivre la dynamique de changement et de restructuration de l’Etat du Sénégal n’a été bien perçue. Les requalifications ont souffert de la mise en œuvre effective sur le terrain car elles sont certes mues par des conventions et tout un processus de modifications statutaires, donc juridiques et administratives mais elle est tout aussi marquée du point de vue reconfiguration spatiales et infrastructurelle par une innovation valorisante de son contenu, de son rôle et des services rendus aux usagers préposés aux bénéfices. L’absence de coopération de l’Etat avec les acteurs partie prenantes et surtout les populations a plus ou moins faussé la dynamique qu’on essaie encore aujourd’hui de reconstituer. La gouvernance actuelle est fortement influencée par les réseaux des organisations onusiennes (FEM, comité national MAB), ONG, et Banque Mondiale, à partir de 6 financement privé (African Park) et les financements de la coopération bilatérale et multilatérale interposées. Devant les impasses actuelles des modes de gouvernance et l’apparition des alternatives issues de la synthèse des échecs du passé récent sont au cœur de cette problématique dans laquelle: « le rôle démesuré des groupes de pression internationaux » Dahou T & al, 2007. La logique qui guide les activités de développement des groupes de pression internationaux suscite plus fréquemment des » arènes civiles » que des » arènes publiques » (Leclerc-Olive 2004) cité par Dahou, 2007. L’auteur désigne par le terme d’ » arènes civiles » les instances de délibération dont l’objectif est la promotion d’un intérêt particulier d’un groupe qui recourt aux pratiques de lobbying. Ces groupes de pression internationaux encouragent souvent la représentation de groupes particuliers au lieu de renforcer une allocation des ressources à caractère public. En matière environnementale et plus précisément dans la gestion des aires protégées, cette logique est également mise en œuvre par les groupes de pression internationaux, tels que les ONG internationales (UICN, WWF, Wetlands International etc.…) ou les institutions internationales (PNUD, Banque Mondiale, PNUE, UNESCO etc.…) à travers les programmes qu’elles financent. L’analyse des modes de gouvernance de l’AP du PNNK a révélé le rôle démesuré des groupes de pression dans les dispositifs de gestion, ce qui empêche souvent l’essor d’une gestion à caractère public (et non pas administré) sur de tels espaces. Ces derniers se constituent effectivement comme un troisième pôle de pouvoir, ce qui ne renforce pas le pôle étatique. Ils essayent de limiter le poids de la gouvernance basée sur le paradigme de l’autorité en employant toutes leurs ressources à organiser les populations locales. Si ce dernier objectif est stratégique, étant donné, son caractère non institutionnel, l’affaiblissement du pôle étatique est également dommageable.
Au plan économique
L’existence du PNNK a favorisé l’implantation de plusieurs infrastructures de service comme les hôtels, les campements touristiques, les services sociaux et autres infrastructures de base. En ce sens l’aire protégée joue un rôle dans le processus d’aménagement du territoire. En tant qu’élément structurant de l’espace, le PNNK pose entre outre plusieurs situations à impacts concurrentiels. En autorisant l’implantation de bananeraies au niveau de la zone tampon du Koar, l’autorité a voulu à travers un raisonnement économique régler un problème de conservation qui par contre s’aggrave d’où la complexité de l’analyse des impacts économique sur la gouvernance des ressources naturelles. Elle débouche aujourd’hui sur des problèmes de cohabitation entre 7 activités socioéconomiques, planification de l’espace de l’aire protégée et la conservation. Le partage des ressources est jugé inéquitable par l’ensemble des acteurs : CL, populations, la DPN, les privés, le PNNK (insuffisamment valorisé). Pour les collectivités locales, le PNNK et les campements touristiques n’apporte directement rien au conseil rural sur le territoire desquelles ils sont pourtant implantés. Certes, le tourisme, n’est pas une compétence transférée mais les ressources générées pouvaient leur bénéficier par une sorte de mécanisme semblable au système de redevance ou par des investissements sociaux prévus dans les PLD, cela aurait le double avantage de satisfaire à la fois les populations et les CL. La DPN à travers le service du conservateur (du PNNK à Tambacounda), pourra directement percevoir sous forme de ristournes à travers un fonds pour la conservation, une partie des ressources financières générées par le PNNK. La conservation bénéficie surtout aux entrepreneurs privés notamment les hôteliers, propriétaires de campements et les amodiataires des forets classées adjacentes. Dans ce panorama d’acteurs directs seuls les privés semblent tirer leurs épingles du jeu. Il est important, dans une perspective de développement durable de procéder à une répartition plus équitable des richesses, et de favoriser la réduction des inégalités par une solidarité et une perspective sociale de la conservation. 2.1.2. Les «déguerpissements» et le passif social liés aux différentes requalifications du PNNK Le processus des classements et des extensions de l’espace de l’actuel parc a entraîné le déguerpissement des villages qui se trouvaient à l’intérieur. Les opérations se sont déroulées en deux phases : en 1972 : Damantan, Tabadian, Soukouta, Sinthian Sily, Gnippi-Kounda, Sinthian Douhé et Dalaba. En 1976 : Badi, Kénioto, Gnonghani et Niéméniké. La conception classique d’un parc national ne tolérait aucune présence humaine en son sein, sauf des activités ayant trait à la conservation, à la recherche scientifique ou au développement touristique. Pour renforcer les mesures de préservation de l’espace, une zone tampon d’une bande d’un kilomètre de profondeur, où des activités humaines compatibles avec les objectifs de la conservation sont tolérées, est établie autour de l’aire protégée par le dernier Décret d’extension, le 18 septembre 1969. Les villages qui se trouvaient en bordure immédiate (Diénoudiala, Badon, Gamon) ou dans la zone tampon (Oundouféré ou Dar Salam), n’ont pas été dérangés. 8 Force est de reconnaître que ces opérations de déguerpissement ont laissé des traces parmi les populations victimes, que le temps n’est pas parvenu à corriger. Un sentiment profond attache encore les populations aux terroirs de leurs aïeux. Certaines communautés organisent annuellement des cérémonies rituelles de pèlerinage ou de sacrifices dans le parc (Damantan et Badi), une façon d’entretenir les relations sacrées avec les milieux et les anciens.
Les contraintes des «déguerpissements» des villages, à l’époque des classements
Les contraintes liées aux sites sacrés
Les «déguerpissements» ont eu une résonance psychologique et culturelle appréciable, liée à l’attachement à leur terre de populations très anciennement établies. En effet, déplacer des personnes ne crée pas simplement des problèmes juridiques et financiers, pour assurer la compensation des biens matériels et économiques perdus à la suite de la mesure de déplacement hors de l’aire protégée. Il y a aussi des problèmes affectifs difficiles à faire oublier, car les sépultures des ancêtres ne peuvent pas être transférées au moment même où les personnes vivantes sont évacuées. L’absence de concertations approfondies est la principale cause, une interprétation religieuse de la problématique et une négociation délicate aurait pu permettre de régler le différend et de déplacer les sépultures sources de controverses. Actuellement, les responsables de la conservation admettent des concessions de visites ou de pèlerinage sur des lieux sanctuarisés par les populations préétablies qui y retrouvent leurs nécropoles, leurs tombes ou leurs cimetières. Le cas de Damantan est le plus connu dans le PNNK, avec son pèlerinage annuel ; bien qu’ils aient moins de renommée, d’autres sites demeurent aussi présents dans la mémoire collective des populations : Badi, Nionghany et Kenioto. La situation des Bassari apparaît, dans ce contexte, assez particulière puisque le classement en parc de certains de leurs anciens territoires (de chasse en particulier) a induit le transfert des fétiches qui y résidaient, notamment à Wouroli.
Les conséquences du passif social du PNNK
L’acceptation par les populations de l’érection du PNNK s’est faite pour bon nombre d’habitants par pressions successives, tromperie et intimidation, «déguerpissements» forcés, dédommagement unilatéral (pied de mangue à 2500F, la case à 2500F, un puits à 5000F etc.). Qu’en ait-il des lieux de culte et des cimetières, des violences (brimades, répressions, des intimidations, des bastonnades, des humiliations ? Et il y a eus même des morts d’hommes de 9 part et d’autre et des disparitions de populations dans le PNNK. L’action destructrice et prédatrice de certains animaux du parc sur le bétail et les champs de culture des populations. De l’abandon de terres de culture fertiles pour des terres plus pauvres. La perte d’emplois, le sous emploi et le chômage des jeunes Les «déguerpissements» ont favorisé selon certaines populations le pillage extérieur (tant que les populations étaient sur place ceci n’était pas possible) des ressources. Ces contentieux mal vidés ont créé une situation de méfiance mutuelle : la résultante est une absence de communication entre acteurs stratégiques. Soit c’est le dispositif établi par l’intermédiation du groupe de pression ou son relais national (comité national MAB), ce sont des ONG au travers des programmes (Wula Nafa avec le programme droits et responsabilités) où des institutions internationales par l’administration étatique interposé (PGIES avec le PNUD et la Banque mondiale avec le PROGEDE).
Introduction |