Répression sécuritaire et riposte des djihadistes la normalisation de la violence armée chez les djihadistes

Répression sécuritaire et riposte des djihadistes la normalisation de la violence armée chez les djihadistes

Comme Tilly le soulignait, « la violence est rarement une action menée en solo », elle se développe le plus souvent à travers une interaction entre des adversaires qui s’affrontent1152. Rendre compte de cette dynamique d’interaction nous semble nécessaire si l’on veut saisir les mécanismes liés à l’enclenchement du processus de normalisation puis à la dérive (processus ultérieur) de la violence armée djihadiste durant la décennie de la guerre civile algérienne.

Plus encore, la dynamique même de soutien ou de défection vis-à-vis d’un des protagonistes en conflit, ne peut être décryptée que si elle est replacée dans le contexte d’interaction des principaux protagonistes : d’un côté le régime algérien incarné sur le terrain par l’armée, les forces de sécurité et les milices qui lui sont loyales, et de l’autre, les groupes islamiques armés.

La perte du monopole de la violence chez les États durant les guerres civiles, se traduit souvent par son remplacement au niveau local par des monopoles sectoriels de violence1153. On a vu précédemment l’implication de certains groupes armés dans la vie économique de certaines communes.

En se mêlant par exemple du trafic de sable qui constituait une ressource financière importante des familles liées au crime organisé, les djihadistes s’octroient le droit d’user de la violence pour s’assurer une partie de la rente tirée de ce trafic. Pour NABIL, ancien membre des forces de sécurité, les groupes armés « dominent par la violence à la manière d’un État souverain jaloux de ses frontières » :

« Lorsque des groupes parviennent à instaurer leur domination sur une zone, celle-ci devient un État islamique virtuel (…) souvent, c’est la nuit que leur autorité fonctionne le mieux. Le jour, c’est nous qui prenons la relève. Ta désobéissance aux groupes armés durant le jour, tu la payes pendant la nuit, et si tu désobéis à l’État durant la nuit,

alors dors tranquillement, car à ton réveil, la journée risque d’être rude (…) c’est ça la situation à laquelle on est malheureusement arrivé dans certains endroits 1154». Dans les espaces où les protagonistes pouvaient disposer, simultanément, ou de manière alternée, des capacités d’exercer la violence, cette dernière s’imposait de plus en plus comme une norme d’action.

Les populations se trouvent de fait dans une situation qui leur impose, soit de coopérer et/ou de s’intégrer aux organismes d’autodéfense contrôlés par l’État, soit de rejoindre la guérilla salafiste dans son djihad contre l’État « impie ». Une situation qui en réalité ne diffère pas trop de celle qu’ont connue certains pays d’Amérique latine tels que le Guatemala qui a vu une partie importante de sa population s’engager de manière progressive dans la guerre, révélant ainsi qu’elle pouvait constituer un véritable enjeu pour les acteurs du conflit.

Dans le cas algérien, le recours des autorités aux milices armées (GLD et Gardes communaux ), mettra en évidence un processus d’escalade qui aboutira à une normalisation de la violence incarnée par une terreur quasi quotidienne exercée à l’encontre des populations considérées comme proches de la guérilla islamique. Les excès les plus remarqués ont été ceux des gardes communaux et des GLD qui disposaient d’un armement léger relativement important.

Jouissant d’une marge de manœuvre parfois assez importante (selon les communes ou quartiers de leur implantation), ils ont été responsables de multiples dérapages allant du simple racket aux viols et aux exécutions sommaires1156.

À Relizane, un groupe de GLD fut soupçonné d’avoir été à l’origine de plus de 200 exécutions sommaires ainsi que de multiples disparitions à travers toutes les communes de la wilaya1157. Si certains de ces crimes s’inséraient dans le cadre de la lutte contre la guérilla islamique, d’autres avaient une nature purement crapuleuse.

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