Représentations initiales et volcanisme en classe de 4ème

Que sont les représentations initiales?

La notion de « représentations » est héritée de la psychologie sociale, discipline pouvant se définir comme « une discipline où l’on étudie de façon systématique les interactions humaines et leurs fondements psychologiques ».
En effet, les premiers termes à apparaître sont ceux de «représentations collectives» et de «représentations individuelles» introduits par Émile Durkheim . Les représentations y sont définies comme des phénomènes complexes, composés d’éléments divers : opinions, attitudes, croyances, valeurs etc. Les représentations collectives englobent, parmi les représentations individuelles, celles qui sont partagées par tous les individus d’un même groupe. Elles sont donc plus stables dans le temps. Ces travaux seront repris en 1961 par Serge Muscovici dans son ouvrage « La psychanalyse, son image, son public » qui relancera l’intérêt pour les représentations. L’auteur y introduit le terme de « représentations sociales » qu’il définit comme une modalité de connaissance particulière, servant la communication sociale et résolument distincte de l’univers de la pensée scientifique.
On peut également chercher une origine au concept de « représentations » en didactique dans la psychologie génétique, une autre branche de la psychologie visant à cerner les modes de fonctionnement de l’individu ainsi que les processus de transformation de ce fonctionnement durant les différentes périodes de la vie.
Nous pouvons prendre l’exemple de Jean Piaget, qui, dès 1926 dans « La représentation du monde chez l’enfant » cherche à savoir quelles sont les représentations du monde que se donnent les enfants et comment celles-ci évoluent avec le développement intellectuel. Ainsi, pour l’auteur, les représentations sont liées à l’état du développement cognitif, elles évoluent avec le développement intellectuel de l’enfant.

Ou s’enracinent-elles ?

Cette définition pose donc l’idée d’une genèse aussi bien individuelle que sociale pour les conceptions. Ainsi les conceptions des élèves pourraient différer entre les élèves eux-mêmes et suivant les établissements, les milieux socioculturels.
On peut donc se poser la question de leurs origines. Ces dernières variant selon les différents auteurs, on peut néanmoins isoler différents facteurs qui nourriraient les conceptions des élèves. Ces différentes origines sont notamment rassemblées dans l’ouvrage de Samuel Joshsua et Jean-Jacques Dupin : «Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques». L’environnement social constituerait un « bain culturel » qui créerait des conceptions et des préjugés communément répandus chez les individus d’un même environnement social. Ainsi, dans certaines communautés, le système de valeurs ou l’enseignement religieux peuvent avoir généré chez les élèves des conceptions qui vont entrer en concurrence plus ou moins directe avec l’enseignement des sciences.
Dans le cadre de l’enseignement en Sciences de la vie et de la terre, l’exemple classique qui permet d’illustrer l’influence de l’environnement social est celui du créationnisme. En effet le bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008 implique l’enseignement de la théorie de l’évolution notamment en classe de 3ème : « L’Homme, en tant qu’espèce, est apparu sur la Terre en s’inscrivant dans le processus de l’évolution. »
Cet enseignement entrant en concurrence directe avec les conceptions de certains élèves dont l’environnement religieux suppose une origine divine à l’apparition de L’Homme. À noter que sur cette partie du programme, outre la dimension religieuse, la pensée commune peut également être à l’origine de conceptions éloignées du savoir en jeu.
La vulgarisation scientifique, qui peut se définir comme l’explication de concepts scientifiques avec des mots simples dans le but de les rendre accessibles au grand public, contribuerait elle-même, selon Roqueplo, à l’existence dans la population d’idées erronées .
La personnalité affective pourrait également influencer les conceptions de l’individu. L’origine « affective » pour les conceptions peut être illustrée par les travaux de Hewson et Hamlyn en didactique de la physique qui ont montré une influence intériorisée de l’environnement chez des individus issus de populations sud africaines.
En effet, chez ces individus vivant dans un environnement particulièrement aride, les conceptions de la chaleur renvoyaient à des termes à connotations négatives (malheureuse, triste, fatigante). Cette idée d’un rôle de l’affect se retrouve notamment chez Freud qui confère une origine psychanalytique aux conceptions. Ces dernières seraient donc héritées de l’histoire personnelle de l’individu, de ses fantasmes également.

Les caractéristiques des conceptions

Pour conclure cette présentation du concept de « conceptions » nous pouvons dégager quatre principales caractéristiques.
Une variabilité des conceptions , explicable par la diversité de leurs origines que nous avons vu précédemment. Par exemple, tous les élèves d’une même classe de 6e ne partageront pas une unique conception sur la nutrition végétale. Cette diversité peut s’avérer déstabilisante pour le professeur de SVT et pose le problème de la « faisabilité » d’une prise en compte des conceptions de tous les élèves dans la séquence d’enseignement.
Une coexistence possible de plusieurs conceptions dans la tête de l’élève, ces différentes conceptions n’entrant pas pour autant en conflit. Cette cohabitation peut s’expliquer par deux aspects : Pour l’individu ces conceptions ne relèvent pas forcement du même  » domaine de validité ». L’individu n’a lui même pas conscience du fonctionnement de ses modèles explicatifs, ce qui a pour conséquence de masquer les incohérences qui pourraient exister entre les différentes conceptions .
Une plasticité pour les conceptions. En effet ces dernières sont susceptibles d’évoluer par intégrations successives d’éléments nouveaux. Selon Giordan et De Vecchi une description des conceptions qui seraient fixe et fermée sur elles mêmes serait inexacte, du moins beaucoup trop simpliste au regard des processus réels de leur évolution.
C’est ce caractère « évolutif » des conceptions qui va être central dans la compréhension de notre quatrième caractéristique.
Une grande résistance des conceptions, notamment permise par leur capacité à évoluer pour intégrer les éléments nouveaux apportés par le professeur. Cette grande résistance de l’appareil explicatif des élèves est régulièrement observée par les enseignants qui se rendent compte que les enseignements reçus dans les niveaux antérieurs ne sont pas venus à bout des conceptions des élèves. On peut citer à titre d’exemple l’étude réalisée par Rumelhard sur 240 élèves de première et de terminale : à la question « Comment les plantes se nourrissent-elles ? ». L’air comme source de matière nutritive n’a jamais été évoquée par ces élèves. Pourtant le rôle du C02 dans la nutrition végétale avait été abordé au cours de leur scolarité.

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Pourquoi sont elles importantes dans ma pratique professionnelle ?

Maintenant que nous avons explicité le concept de « conceptions » une question apparaît comme centrale: En quoi ces conceptions ont un intérêt pour moi, enseignant de S.V.T ? En d’autres termes, en quoi sont-elles importantes dans ma pratique professionnelle?
Comme nous l’avons vu précédemment, les conceptions pré-existent à tout enseignement. L’élève n’entre pas en classe la tête vide mais emmène avec lui, à l’intérieur de la classe, les modèles explicatifs qui lui permettent de décrypter le monde qui l’entoure. Ainsi, les documents que l’enseignant peut présenter aux élèves vont se confronter à un « déjà là », celui-ci pouvant prendre les formes les plus diverses.
En ce sens, selon Philippe Meirieu, l’enseignant ne peut pas espérer « mettre en route un processus d’apprentissage qui fera table rase de toute antériorité » .
Si néanmoins l’enseignant décide d’engager la situation d’apprentissage en considérant que les élèves ont tous la tête vide, alors il y aura pour les élèves la superposition d’un « savoir scolaire » à leur « savoir antérieur ». Toujours selon Meirieu, ce savoir scolaire constitue un « savoir superficiel qui craquera dès que la situation scolaire qui l’a mis en place disparaîtra » .
Giordan utilise une autre métaphore, pour lui, si l’on ne tient pas compte des conceptions, alors « le savoir proposé glisse à la surface des élèves sans même les imprégner ».
On pourrait toujours discuter le caractère impératif de la prise en compte des conceptions d’élèves. Dans cette optique Giordan et de Vecchi ont tenté de déterminer ce que l’on obtient lorsque les conceptions n’ont pas été prises en compte dans l’apprentissage. Pour ce faire les auteurs ont travaillé avec des élèves âgés de 10 à 13 ans qui avaient au préalable étudié en classe le concept de fécondation, leur professeur n’ayant à aucun moment fait intervenir leurs conceptions. A l’issue de cet enseignement il s’avère que les élèves sont pour la plupart parfaitement capables de réciter leur leçon. On pourrait donc à ce stade douter du caractère indispensable de la prise en compte des conceptions. Cependant lorsque les auteurs ont fait s’exprimer librement les élèves sur ce concept de fécondation, il est clairement apparu que celui ci n’était pas du tout intégré.

Quels sont les différents outils à disposition et leurs conditions de mise en œuvre?

Les différents outils que nous allons détailler permettent d’obtenir des productions d’élèves pouvant revêtir différentes formes : orales, écrites ou graphiques.
Ces productions initiales ne correspondent pas directement aux conceptions. L’enseignant va donc devoir les analyser pour identifier les conceptions des élèves qui les ont engendrées. Pour illustrer cette différence entre « production » et « conception » qui à une importance non négligeable, nous pouvons reprendre la « métaphore de l’iceberg » proposée par Philippe Jonnaert que j’ai tenté d’expliciter dans ce schéma.
Maintenant que la distinction productions/conceptions est posée nous pouvons caractériser les techniques d’obtention des productions. Mais au préalable, il est important de préciser que ces outils, quels qu’ils soient doivent être intégrés dans un dispositif global : les élèves doivent avoir conscience que ce qu’ils vont produire ne va pas être noté ni jugé mais qu’ils sont en train d’élaborer leur outil de travail. Ils doivent comprendre qu’il n’y a pas de bonne réponse attendue, ce qui peut être difficile pour certains qui seraient tentés de ne rien répondre puisqu’ils ne connaissent pas la réponse.
Attention néanmoins à ce que certains élèves, puisque ce n’est pas noté, ne prennent pas la tâche au sérieux. Il faut donc contextualiser le dispositif que l’on met en place afin que les élèves soient impliqués.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : CADRE THÉORIQUE
1. Que sont les représentations initiales?
1.1. Définitions
1.2. Ou s’enracinent-elles ?
1.3. Comment fonctionnent-elles?
1.4. Les caractéristiques des conceptions
1.5. Pourquoi les conceptions sont-elles si résistantes?
1.6. Pourquoi sont elles importantes dans ma pratique professionnelle ?
2. Comment gérer ces conceptions ?
2.1. Peut-on ignorer les conceptions?
2.2. Comment prendre en compte les conceptions?
3. Comment faire émerger les conceptions des élèves?
3.1. Quels sont les différents outils à disposition et leurs conditions de mise en œuvre?
3.2. Quelles sont les précautions à prendre lorsque l’on analyse ces productions?
3.3. La connaissance des conceptions peut-elle me dispenser de les faire émerger?
PARTIE II : RECUEIL DES DONNÉES
1. Analyse du savoir en jeu
2. La préparation en amont de la séance
3. Le déroulé de la séance au jour J
4. Création d’un dispositif pour évaluer l’efficacité de la séance
PARTIE III : EXPLOITATION DES DONNÉES
1. Analyse du dispositif de recueil des données
2. Analyse des résultats du questionnaire : Estimation de l’efficacité de la séance
3. Analyse de la séance compte tenu de l’exploitation des résultats.
4. Discussion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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