Représentation et traitement des connaissances en logique multivalente

Dans la plupart des activit´es quotidiennes, l’Homme a tendance `a manipuler des connaissances imparfaites. L’imperfection se rapporte `a trois volets : l’impr´ecision, l’incertitude et l’incompl´etude. Le premier existe quand il n’est pas possible d’´evaluer une donn´ee de facon pr´ecise avec des mesures exactes ceci peut alors ˆetre fait par des approximations en utilisant des descriptions qualitatives. Par exemple dire que le seisme est de forte magnitude est moins pr´ecis que dire qu’il est d’une magnitude de 6. Le second se rapporte au doute sur la validit´e d’une connaissance en raison du manque de fiabilit´e de la source ou d’erreurs de mesures. Dans ce cas, on ne sait pas si l’information est vraie ou fausse. Elle d’epend de la connaissance de la personne. Quant au troisi`eme, il concerne l’absence d’informations ou une information partielle. Ceci survient quand des valeurs manquent `a la description de certaines connaissances. Si une personne annonce qu’il y a eu un seisme, cette information est pr´ecise et certaine mais incompl`ete au sens o`u on ne connais pas sa magnitude, son emplacement et ses d’egats.

Diverses approches ont ´et´e propos´ees pour traiter les connaissances impr´ecises. Nous allons nous int´eresser en particulier `a la logique floue et la logique multivalente. Les th´eories des ensembles flous et des multi-ensembles sont un moyen tr`es appropri´e pour la repr´esentation et la mod´elisation de l’impr´ecision.

Dans la litt´erature, le traitement de l’information impr´ecise repose sur une hypoth`ese implicite de la r´epartition uniforme des degr´es de v´erit´e sur une echelle de 0 `a 1. N´eanmoins, dans certains cas, un sous-domaine de cette ´echelle peut ˆetre plus informatif et peut inclure plus de termes. Dans ce cas, l’information est d´efinie par des termes d´es´equilibr´es, c’est-`a-dire qui ne sont pas uniformement r´epartis et/ou sym´etriques par rapport `a un terme milieu. Par exemple, pour l’´evaluation des apprenants, il est possible de consid´erer un seul terme n´egatif F correspondant `a l’´echec. Quant `a la r´eussite, elle est d´ecrite par plusieurs valeurs de mention, i.e. D, C, B et A. Ainsi, si le terme D est le seuil de la reussite, il est consid´er´e comme le terme milieu avec un seul terme `a sa gauche et trois `a sa droite. Il s’agit alors d’un ensemble non uniforme.

Repr´esentation des connaissances et raisonnement

La repr´esentation des connaissances et le raisonnement comptent parmi les principaux sujets trait´es en intelligence artificielle. Ils concernent la repr´esentation des connaissances humaines dans l’objectif de proc´eder `a un raisonnement permettant ainsi de d´eduire de nouvelles connaissances. Le plus grand dilemme est alors de trouver la meilleure repr´esentation des donn´ees permettant d’obtenir des resultats qui s’approchent le plus de ceux du raisonnement humain. En effet, le succ`es d’une approche de raisonnement d´epend ´etroitement de la logique utilis´ee pour la repr´esentation.

La prise en compte des connaissances impr´ecises par des syst`emes informatiques s’appuie sur une repr´esentation des donn´ees par des variables linguistiques. Leurs valeurs sont group´ees sous forme d’un ensemble de mots exprimant les diff´erentes nuances de l’information trait´ee. Par exemple, la difficult´e d’une activit´e peut ˆetre d´ecrite en utilisant l’ensemble des termes : “pas du tout”, “peu”, “moyennement” et “tr`es”. Ainsi, dire que l’escalade est moyennement difficile indique que l’escalade appartient `a l’ensemble activit´e difficile avec le degr´e moyennement.

Pour d´ecrire la superficie d’un appartement, il est possible d’utiliser les termes : “minuscule”, “petit”, “moyen” et “grand”. En logique classique, un appartement de 20 m2 peut ˆetre consid´er´e comme petit ou non. Ainsi, l’appartenance de la superficie de l’appartement `a la cat´egorie petit ne peut ˆetre que vraie (valeur 1) ou fausse (valeur 0). Par contre, en logique multivalu´ee, qui fait partie des logiques non classiques, cet appartement peut ˆetre consid´er´e comme petit `a 60% et moyen `a 40%. Ceci correspond `a une diff´erence entre le jugement des personnes questionnees sur la superficie de l’appartement. Il s’agit alors d’une appartenance partielle entre 0 et 1.

Diff´erentes logiques multi-valu´ees existent dans la litterature. Les deux principales sont la logique floue et la logique multivalente. La premi`ere se basesur la th´eorie des sous-ensembles flous de Zadeh (1965) permettant de repr´esenter les proprietes impr´ecises comme “large”, “adulte” ou “grande”. Les fonctions d’appartenance y sont d´efinies sur une ´echelle num´erique de 0 `a 1. La logique floue permet de representer des donn´ees impr´ecises principalement num´eriques. Ceci implique de simuler, arbitrairement, des domaines num´eriques pour d´efinir les termes abstraits (El-Sayed, 2001). La fonction d’appartenance floue est toujours num´erique et appartient `a l’intervalle [0,1], or dans de nombreux cas il est difficile d’estimer une appartenance par un degr´e num´erique. La d´etermination de la fonction d’appartenance floue n’est pas toujours triviale comme l’indique Medasani et al. (1998).

Quant `a la logique multivalente, elle se base sur la th´eorie des multiensembles de De Glas (1989). Elle permet de repr´esenter de fa¸con symbolique les connaissances impr´ecises ind´ependamment du type de leurs domaines de definition. Ainsi, toutes les donn´ees, qu’elles soient abstraites ou faisant r´ef´erence `a une ´echelle num´erique, sont manipul´ees de la mˆeme mani`ere. Un multi-ensemble est repr´esent´e sous forme d’une ´echelle ordonn´ee et finie de M symboles (Akdag et Pacholczyk, 1989) : LM = {τ0, τ1, …, τ(M−1)};M ≥ 2. τi est appele degr´e d’appartenance au multi-ensemble. Il correspond `a un terme du langage naturel.

Ensembles non uniformes

En logique multivalente, les nombreux travaux existant dans la litt´erature traitant de la repr´esentation des donn´ees impr´ecises se basent sur une hypoth`ese implicite de la r´epartition uniforme des degr´es de v´erit´e sur une ´echelle de 0 `a 1. Dans ce cas, la distance entre deux termes successifs est la mˆeme sur toute l’´echelle. Une deuxi`eme hypoth`ese existe dans certains travaux, `a savoir que le nombre de termes de l’ensemble ne d´epasse pas 7 et est toujours impair pour garantir l’existence d’un terme mileu.

N´eanmoins, dans certains cas, un sous-domaine de l’ensemble peut ˆetre plus informatif. Ceci implique plus de termes dans ce sous-domaine en particulier par rapport au reste de l’ensemble. Dans ce cas, l’information est d´efinie par des termes d´es´equilibr´es, c’est-`a-dire qui ne sont pas uniform´ement r´epartis et/ou symetriques par rapport `a un terme milieu. Il s’agit des ensembles non uniformes.

Un premier exemple concret d’utilisation de ces ensembles est l’´evaluation des apprenants. En effet, l’intervalle de notes de 0 `a 9,99 est assimil´e `a un ´echec. Tandis que si la note est sup´erieure `a 10, une mention est g´en´eralement associee `a la note. De ce fait, des intervalles plus fins sont mis en place. Ainsi, le degr´e de finesse de l’information n’est pas le mˆeme `a droite et `a gauche de 10. Xia et Xu (2015) ont propos´e d’utiliser ces ensembles dans un contexte ´economique. Ils indiquent que l’investissement d’un mˆeme montant est diff´erent si l’entreprise est performante ou pas. Dans ce cas, nous avons besoin d’une information plus pr´ecise pour une entreprise non performante. De mˆeme, l’´ecart entre les termes n’expriment pas la mˆeme information dans les deux cas. Par exemple, la diff´erence entre “petit investissement” et “moyen investissement” dans le cas d’une entreprise performante n’est pas identique `a celle entre ces deux types d’investissement pour une entreprise non performante.

Consid´erons un autre exemple dans le contexte de la psychiatrie, plus pr´ecisement au niveau de l’´echelle d’´evaluation de l’autisme infantile introduit par Schopler et al. (1980), le degr´e de s´ev´erit´e de l’autisme d´epend du score obtenu `a un questionnaire :
— Un score inf´erieur `a 30 ne permet pas de diagnostiquer l’autisme ;
— Un score entre 30 et 37 repr´esente un diagnostic d’autisme de l´eger `a moyen ;
— Un score sup´erieur `a 37 correspond `a un diagnostic d’autisme s´ev`ere.

Nous remarquons que la r´epartition n’est pas uniforme : la diff´erence entre un enfant non autiste et un autre l´eg`erement autiste n’est pas la mˆeme que celle entre un enfant moyennement autiste et un autre qui l’est s´ev`erement. Dans un ensemble non uniforme, chaque terme du langage naturel est associ´e `a un degr´e τi . Il repr´esente une valeur possible d’une variable linguistique. Les termes du multi ensemble ne sont pas ´equidistants les uns des autres. Les distances s´eparant les couples de termes successifs ne sont alors pas ´egales. Cette in´egalit´e indique que la diff´erence entre la signification de deux termes successifs n’est pas conserv´ee tout au long de l’´echelle.

Table des matières

1 Introduction g´en´erale
1.1 Repr´esentation des connaissances et raisonnement
1.2 Ensembles non uniformes
1.3 Probl´ematiques et contributions
1.4 Organisation de la th`ese
I Etat de l’art sur la repr´esentation et le traitement des
connaissances impr´ecises
2 Repr´esentation des connaissances impr´ecises
2.1 Introduction
2.2 Des logiques non classiques
2.2.1 La logique Floue
2.2.2 La logique Multivalente
2.2.2.1 Notion de multi-ensemble
2.2.2.2 Les modificateurs
2.2.2.3 Agr´egation des degr´es de v´erit´e
2.2.2.4 Similarit´e multi-ensembliste
2.2.2.5 Rapports de cardinalit´e d’El Sayed
2.3 La repr´esentation des connaissances impr´ecises non uniform´ement distribu´ees
2.3.1 En logique floue
2.3.1.1 Approche de Herrera et Martinez
2.3.1.2 Approche de Cabrerizo et al
2.3.1.3 Approche de Abchir et Truck
2.3.1.4 Comparatif des algorithmes de repr´esentation
2.3.2 En logique multivalente
2.4 Conclusion
3 Traitement des connaissances impr´ecises
3.1 Introduction
3.2 Les modificateurs symboliques
3.2.1 Approche d’Akdag et al
3.2.2 Approche d’El Sayed
3.3 Raisonnement approximatif symbolique
3.3.1 R`egle simple
3.3.1.1 R`egle simple avec multi-ensembles homog`enes
3.3.1.2 R`egle simple avec multi-ensembles h´et´erog`enes
3.3.2 R`egle complexe
3.3.2.1 R`egle complexe avec multi-ensembles homog`enes
3.3.2.2 R`egle complexe avec multi-ensembles h´et´erog`enes
3.4 Conclusion
II Extension de la logique multivalente aux multiensembles non uniformes
Conclusion

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