Représentation des normes dissertatives chez les étudiants français et chinois

Représentation des normes dissertatives chez les
étudiants français et chinois

Selon les analyses détaillées que nous avons présentées dans le chapitre III sur les erreurs des apprenants-scripteurs chinois après une séance de formation à la dissertation, les obstacles les plus fréquents sont le hors-sujet, l’absence de cohésion/cohérence et les manquements aux conventions de la dissertation française qui sont différentes des conventions d’écriture chinoises. Les raisons de ces obstacles sont diverses et complexes. Une des explications tient à ce que «les apprenants croient souvent, à tort, que leur façon d’écrire et d’argumenter est universellement reconnue et appréciée » (Takagaki, 2014, p. 35). Dans le chapitre IV on s’attachera donc à poser correctement et à s’efforcer de répondre à la question suivante : quelles opinions les scripteurs chinois et français se font-ils des normes de la dissertation   ? Les hypothèses que nous formulons à cet égard sont les suivantes : I. Les règles à respecter ne sont pas partagées au même degrépar les étudiants français et chinois. II. Certaines normes sont contraignantes à l’Université chinoise mais récusées à l’Université française, d’où les difficultés intriquées et les transferts négatifs dans la dissertation à la française. III. Les étudiants ne sont pas toujours conscients de l’écart culturel entre les normes à l’écrit. Autrement dit, certains pensent que les normes qu’ils ont apprises sont universelles, d’où les obstacles de communication interculturelle. Pour mettre en lumière la représentation des normes dissertations, nous avons mené une enquête auprès des étudiants français qui apprennent le chinois et des étudiants chinois du département de français de plusieurs universités. Nous décrirons d’abord dans ce chapitre le profil des étudiants interrogés puis présenterons l’élaboration du questionnaire. Nous nous servirons des outils de traitements des données afin de tester les hypothèses. Enfin, nous analyserons les résultats de l’enquête. 

Présentation de l’enquête 

Cette enquête s’est déroulée pendant un an, du début avril 2012 à la fin mai 2013. Nous avons préparé un questionnaire qui a été distribué par Internet aux étudiants de chinois de quatre établissements français : l’Université Sorbonne nouvelle-Paris III, l’Université Montpellier III-Paul Valéry, l’Université de la Rochelle et l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Lyon. Ainsi qu’aux étudiants des facultés de français de quatre universités chinoises : l’École Normale Supérieure de l’Est de la Chine (ECNU), située à Shanghai, l’Université des Études Internationales de Shanghai (SISU), l’Institut du Commerce de Shanghai (ICS) et l’Université de Shanghai. Nous avons distribué 400 questionnaires et récolté réponses dont 177 nous ont été adressées par les étudiants chinois et 119 par les étudiants français.

Profil des étudiants interrogés

Tableau 4.1 : Répartition selon leur sexe Hommes Pourcentage Femmes Pourcentage étudiants français 24 20.17% 87 73.11% étudiants chinois 63 35.60% 102 57.63% 20 personnes interrogées non pas répondu à cette question. Cette répartition reflète le poids dominant des femmes dans l’apprentissage des langues étrangères. 183 – Répartition par tranches d’âges Dans le groupe français, 23.53 % des étudiants sont âgés de moins de 20 ans. 68.07% d’entre eux ont entre 20 à 30 ans. Sept personnes n’ont pas répondu à cette question. Pour le groupe chinois, nous observons une répartition assez uniforme en termes d’âge. 40.11 % des étudiants qui ont répondu sont âgés de moins de 20 ans. 53.10 % d’entre eux sont âgés de 20 à 30 ans. 12 personnes n’ont pas répondu à cette question. Tableau 4.2 : Répartition selon la durée d’apprentissage 1-3 ans Pourcentage 4-5 ans Pourcentage Plus de 5 ans Pourcentage France 85 71.43% 13 10.92% 13 10.92% Chine 151 85.31% 11 6.21% 3 1.69% La plupart des personnes ont déclaré de un à trois ans d’apprentissage du français ou du chinois. 8.11% ont derrière eux entre quatre et cinq ans d’apprentissage et 5.41% apprennent le français ou le chinois depuis plus de 5 ans. 20 personnes n’ont pas répondu à cette question. 

Élaboration du questionnaire 

Le questionnaire comportait trois parties100 : La première partie concernait les consignes. Les enquêtés étaient invités à noter chaque critère par ordre d’importance : très important : 4 ; important : 3 ; peu important : 2 ; sans importance : 1 ; sans opinion : 0. La deuxième partie comportait 24 critères d’évaluation d’une dissertation et une question ouverte : A votre avis, les critères d’évaluation d’un texte argumentatif sontils les mêmes en chinois et en français ? Oui/Non. Justifiez votre choix, s’il vous plait ! Cette question invitait les étudiants à développer leur appréciation. Le questionnaire adressé aux étudiants chinois comportait de surcroît quatre questions sur la rhétorique traditionnelle chinoise. Nous les traiterons dans le Chapitre V. 100 Pour le questionnaire adressé aux étudiants français, voir Annexe II. Pour le questionnaire adressé aux étudiants chinois, voir Annexe III. 184 Dans la dernière partie, nous commenterons le profil des enquêtés selon quatre critères : l’âge, le sexe, l’établissement, la durée d’apprentissage du chinois ou du français. Bien que le questionnaire ait été adressé à des étudiants de langue étrangère (français ou chinois), ceux-ci n’étaient pas tenus de s’exprimer dans la langue qu’ils apprennent pour répondre à la question ouverte. Afin de faciliter la compréhension des critères et l’expression libre des personnes interrogées, nous avons préparé deux versions du questionnaire : l’une en français et l’autre en chinois. Les critères ont été classés en cinq séries distinctes : I. Critères formulés à partir des commentaires négatifs des correcteurs sur les dissertations des étudiants chinois : «illogique », «hors-sujet », «sans explication », «sans transitions ». . La composition est logique. Le contenu est fidèle au sujet. . Les exemples ou citations doivent être suivis d’explications qui les relient aux arguments. (4). Le sujet doit être présentéau début de la dissertation. (5). Présence des organisateurs textuels du type d’abord, ensuite, enfin… Présence des marqueurs de relations et des connecteurs du type comme, mais, par conséquent…  Utilisation de transitions, de chevilles argumentatives : phrases, expressions… II. Caractéristiques des normes de la dissertation française . L’auteur ne doit pas s’engager dans la rédaction : pas d’expérience personnelle, pas d’utilisation du je. Le texte comporte une introduction, un développement et une conclusion. La problématique est présentée dans l’introduction. . Chaque paragraphe a sensiblement la même longueur. Il faut annoncer le plan au début du texte . La conclusion doit comporter un élargissement, une indication vers des prolongements possibles du propos. III. Caractéristiques des normes du yilun wen (texte argumentatif chinois). (14). Le but d’un texte argumentatif est de répondre à trois questions : qu’est-ce ? Pourquoi ? Comment ? (15). Le contenu du texte doit donner à penser au lecteur. (16). Le texte doit contenir des idées originales. (17). L’interaction entre l’auteur et le lecteur est indispensable. (18). Présence d’anecdotes : sont-elles pertinentes, originales ? (19). Présence de citations : poèmes, proverbes. (20). Les effets de style sont importants. (21). La fin du texte est marquée par l’énoncé d’une morale. IV. Modes de pensée : inductif vs déductif. (22). L’argument se trouve au début du paragraphe. (23). L’argument se trouve à la fin du paragraphe. V. Exigences linguistiques (24). La maîtrise de la langue : orthographe, grammaire, écriture. 

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Perspective globale : les premiers résultats 

Pour faciliter la compréhension de nos résultats, nous commencerons par un simple repérage. Nous avons traité statistiquement les données recueillies grâce au logiciel STAT (Statistique Software), ce qui nous a permis d’obtenir une répartition globale des facteurs étudiés. Les données du tableau suivant montrent les résultats statistiques aux questions posées en termes de moyenne, d’écart-type, de minimum et de maximum. Très important La moyenne est une mesure de tendance centrale qui sert à identifier la valeur la plus représentative à l’intérieur d’un groupe. Pour les étudiants chinois, la moyenne la plus élevée est celle du choix «important », suivie par les choix «peu important », «très important », «sans importance » et «sans opinion ». Quant aux étudiants français, dans l’ordre décroissant, la moyenne se porte sur «important », puis «très important », «peu important », «sans importance » et «sans opinion ». On constate notamment que les étudiants chinois préfèrent éviter les choix extrêmes «très important » ou «sans importance » et que les étudiants français sont plus nombreux à être «sans opinion » que les Chinois. Peut-être parce que ce questionnaire comporte plus de questions sur les caractéristiques spécifiques des normes chinoises que les Français ne connaissent pas (ou mal) que sur les caractéristiques des normes françaises auxquels les Chinois ont été initiés. L’écart-type permet de mesurer des écarts par rapport à la moyenne. Si toutes les valeurs d’un groupe étaient les mêmes, l’écart-type serait égal àzéro, chaque valeur étant égale à la moyenne. Plus l’écart-type est élevé, plus les données sont dispersées. En règle générale, l’écart-type du groupe chinois est plus élevéque celui du groupe français, ce qui signifie que les opinions des Chinois sont plus variées en ce qui concerne les critères. Prenons l’exemple de l’appréciation « très important »: l’écart type du groupe chinois est de 35.77 tandis que celui du groupe français est de 28.27. Les étudiants français ont davantage concentré l’appréciation «très important »sur certains critères que ne l’ont fait les étudiants chinois. Il en est de même pour les appréciations «important », «peu important » et «sans importance ». Nous pouvons conclure de cette première approche qu’en règle générale, les opinions des étudiants français sont 187 plus marquées que celles des Chinois . Les étudiants français ont d’avantage d’opinions prédéfinies sur les normes. Les normes chinoises seraient moins contraignantes. La valeur minimum statistique est la plus petite valeur d’un échantillon et la valeur maximum la plus grande. Pour mieux analyser ces deux valeurs, il convient de se reporter au tableau 4.4 qui présente les réponses détaillées, les maximums figurant en rouge et les minimums en bleu. 

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