Réponses d’une macrophyte épuratrice des eaux usées
L’eau est essentielle, omniprésente, étonnante, intimement liée à toute forme de vie et à toute activité humaine. C’est l’élément, autour duquel se maintient la vie. Une expansion industrielle et une croissance alarmante de la pollution des eaux, entraîne des difficultés énormes d’alimentation, ce qui nous oblige à nous inquiéter d’avantage, quant à notre santé et conditions de vie, car leurs répercussions s’avèrent très grave sur notre environnement. La qualité des eaux, a connu ces dernières années, dans le monde entier, une grande dégradation, en raison des rejets de par les agglomérations, ainsi que celles des usines qui se déversent directement au niveau des cours d’eau. Ce phénomène est surtout observé dans les pays les moins développés, là où le coût du traitement préalable des rejets est rédhibitoire (Bougherira et Aoun-Sebaiti, 2012). Les eaux usées sont toutes les eaux qui parviennent dans les canalisations des eaux usées dont les propriétés naturelles, sont transformées par les utilisations domestiques, les entreprises industrielles, agricoles et autres (Bliefert et Perraud, 2001). Selon Baumont, les eaux usées sont les eaux rejetées par les collectivités et les industries et qui sont acheminées par les égouts en station d’épuration, afin d’être traitées. Après traitement, on les appelle des eaux usées épurées (Baumont et al., 2004). L’Algérie a connu ces derniers temps une expansion démographique considérable, menant à l’augmentation de l’utilisation des eaux ainsi que la production des eaux usées. Les volumes croissants des eaux usées, menacent la qualité de l’environnement et dégradent l’équilibre des milieux naturels, qui reçoivent ces eaux. Plusieurs types de polluants sont transportés par l’eau (hydrocarbures, métaux lourds, matières organiques…..) par conséquent, la consommation de ces eaux contaminées, que ce soit par les animaux, les végétaux ou l’homme peut mettre en jeu, leurs santé (exposition à court terme) et même leurs vie (exposition à long terme). Annaba, l’une des grandes villes industrielles, de par sa géomorphologie et sa situation propice, est devenue un pôle très important en industries et en agriculture en plus de l’extension en urbanisme. Ce développement a contribué à une pollution permanente et dangereuse des réserves d’eau (Djorfi et al., 2007), où les oueds et les réseaux pluviaux sont devenus des décharges des eaux de rejets non contrôlés. 2 Face à ces problèmes, il est devenu indispensable de trouver des solutions de traitement des eaux usées, à moindre coût, permettant de limiter les risques associés à la pollution des eaux usées. Parmi les stratégies innovantes de dépollution, figure la phytoremédiation ou bien la phytoépuration, c’est-à-dire l’utilisation des plantes pour éliminer ou rendre moins toxiques les contaminants environnementaux. Cette technique d’épuration des milieux pollués, est basée sur la capacité de certaines plantes, ayant le pouvoir d’extraire les polluants de leur substrat puis de les accumuler dans leur biomasse. Le terme « phytoremédiation », vient du grec (phyto) : plante, et le latin « remedium » : équilibre rétablissant, ou remédiation. Elle consiste à atténuer les concentrations de polluants dans les sols, l’eau ou l’air contaminés par des plantes naturelles ou génétiquement modifiées, capables d’accumuler, de dégrader ou d’éliminer les métaux, les pesticides, les solvants, les explosifs, le pétrole brut et ses dérivés…etc (Flathman et Lanza, 1998 ; Prasad et Freitas 2003). Ces dernières années, les mécanismes de sensibilité, de tolérance, d’accumulation et de résistance aux polluants, ont largement suscité l’intérêt des chercheurs, vis-à-vis des plantes supérieures. Il a ainsi été démontré que les végétaux sont capables de croître dans des milieux contaminés, ils peuvent développer plusieurs stratégies pour se protéger de la toxicité chimique engendrée par la présence des contaminants. Plusieurs travaux scientifiques ont étudiés, le rôle de végétaux dans l’épuration des eaux usées (Klech, 2013 ; Tlidjen, 2014 ; Derraji, 2015). Dans la même thématique, nous avons orienté notre travail à étudier le rôle de Typha latifolia, dans la dépollution des eaux usées. Le premier axe de notre travail de recherche est consacré, à analyser la qualité des eaux, en étudiant les paramètres physicochimiques, bactériologiques ainsi que la teneur en éléments métalliques, (Fer, Cuivre, Zinc et Chrome), avant et après passage dans des bacs d’épuration, plantés de T.latifolia. Nous nous sommes intéressés également à étudier la composition des rejets des hauts fourneaux du complexe sidérurgique « Sider- El Hadjar ». 3 Le deuxième axe de notre recherche, nous a mené, à démontrer les différentes réponses physiologiques, biométriques, enzymatiques et non enzymatiques de T.latifolia face à la pollution du milieu. Nous avons aussi réalisé une étude histologique des parties aériennes et souterraines de T.latifolia, afin d’identifier les dégâts engendrés par l’accumulation des poussières métalliques. Afin de mieux comprendre le pouvoir accumulateur de T.latifolia des métaux lourds, nous avons analysé, la concentration des poussières métalliques (cadmium et plomb) dans les parties végétatives de T.latifolia (racines et feuilles). Le dernier axe de cette recherche, représente les différents résultats obtenus, une analyse statistique, et une discussion suivie d’une conclusion et des perspectives. Pour arriver à démontrer, la capacité de Typha latifolia à vivre dans des milieux contaminés, nous nous sommes posés les questions suivantes : – Vu que T.latifolia est très utilisée dans le domaine de la phytoépuration, aura-t-elle un rôle dans la décontamination physico-chimique et bactériologique des eaux usées ? – Pourrait-elle jouer un rôle dans la diminution de la teneur en ETMs, dans les eaux usées ? – Y-aurait-il des différences entre la morphologie, la physiologie et la biochimie, des plantes prélevées à partir des cinq sites ? – Est-ce qu’il existerait un stress oxydatif chez T.latifolia prélevée au niveau des sites contaminés (S1, S2, S3 et S4), et plus précisément chez celles prélevées, à partir du site le plus proche du complexe sidérurgique « Sider- El Hadjar » (S1) ? – Y-aurait-il des différences anatomiques entre les plantes du site le moins pollué (St), et celles du site le plus pollué (S1) ? – Au niveau de quel organe végétatif, le plant accumulera-t-il plus de poussières métalliques (cadmium et plomb) ?
Les eaux usées. Origines des eaux usées
Les eaux usées urbaines, proviennent essentiellement, des activités domestiques et industrielles, ainsi que des pratiques agricoles et des précipitations (les réseaux étant généralement unitaires) (Belaid, 2010). Eaux usées domestiques. Elles proviennent des différents usages domestiques de l’eau. Elles sont essentiellement porteuses de pollution organique. Elles se répartissent en : – Eaux ménagères, ayant pour origine les salles de bains et les cuisines, et sont généralement chargées de détergents, de graisses, de solvants, de débris organiques…etc. – En eaux vanne : il s’agit des rejets des toilettes chargés de diverses matières organiques azotées et de germes fécaux (Gomella et Guerree, 1978) Eaux usées industrielles. Elles sont très différentes des eaux usées domestiques. Leurs caractéristiques varient d’une industrie à l’autre. En plus des matières organiques, azotées ou phosphorées, d’après Gaujous (1995), elles peuvent également contenir : – Des graisses (industries agroalimentaires) – Des hydrocarbures (raffineries) – Des métaux (métallurgie) – Des acides, des bases et divers produits chimiques (industries chimiques diverses, tanneries) – De l’eau chaude (circuit de refroidissement des centrales thermiques) – Des matières radioactives (centrales nucléaires, traitement des déchets radioactifs). Eaux pluviales. Ce sont des eaux de ruissellement, qui se forment après une précipitation. Elles peuvent être particulièrement polluées, surtout en début de pluie, par deux mécanismes : – Le lessivage des sols et des surfaces imperméabilisées. Les déchets solides ou liquides déposés, par temps sec, sur ces surfaces, sont entraînés dans le réseau d’assainissement par les premières précipitations qui se produisent. – La remise en suspension des dépôts des collecteurs. Par temps sec, l’écoulement des eaux usées dans les collecteurs du réseau est lent, ce qui favorise le dépôt des matières décantables. 5 Lors d’une précipitation, le flux d’eau, le plus important permet la remise en suspension de ces dépôts (Rodrigez-Gracia, 2004).
Méthodes de traitement des eaux usées
Le traitement ou l’épuration des eaux usées a pour objectif de réduire la charge polluante qu’elles véhiculent, afin de rendre au milieu aquatique une eau de qualité, respectueuse des équilibres naturels et de ses usages futurs (pêche, loisir, alimentation, utilisation agricole ou industrielle, etc.) (Bouffard, 2000). Il existe plusieurs niveaux de traitement des eaux usées : les traitements primaires, secondaires et tertiaires. Plusieurs établissements municipaux de traitement des eaux usées utilisent le niveau primaire et secondaire, et quelques installations utilisent le traitement tertiaire. Le type et l’ordre de traitement, peuvent varier d’une usine de traitement à l’autre. Ces usines, coûtent cependant très cher à construire et à opérer, puisqu’elles nécessitent l’intervention de spécialistes et consomment beaucoup d’énergie. Les petites municipalités, n’ont donc pas les moyens de s’offrir de telles installations pour épurer leurs eaux usées, aussi est-il opportun de se tourner vers des technologies plus abordables mais pouvant offrir un rendement adéquat (Bouffard, 2000). Traitements primaires. Nous traiterons ici à la fois des prétraitements et des traitements primaires au sens strict. Les prétraitements, sont une phase d’épuration grossière. On élimine tous les éléments solides volumineux et grossiers (sables, corps gras) qui pourraient d’ailleurs endommager les installations par la suite. Notons qu’on retire alors environ 35% des éléments polluants. Tout d’abord, on réalise le dégrillage : on fait passer l’eau à travers des grilles plus ou moins grossières, pour récupérer tous les éléments solides plus gros que les espacements des grilles. L’eau qui est issue de ce premier traitement, subit ensuite le dessablage et le déshuilagedégraissage. La vitesse d’écoulement de l’eau est ralentie, des particules de taille alors plus petite vont sédimenter (boues primaires) et les graisses, moins denses vont remonter à la surface. On va alors retirer les sables par pompage et prélever l’écume. Le traitement primaire au sens strict est un traitement physico-chimique. Il est possible d’ajouter dans l’eau des agents coagulants et floculants. 6 On peut alors récupérer, un grand nombre de particules en suspension par décantation ou flottation. (Boues physico-chimiques). Cette étape permet d’éliminer 90% des particules et objets en suspension. Elle est commune à une très grande majorité des stations d’épuration. Mais il reste alors dans l’eau, tout ce qui y est dissous : éléments azotés, phosphatés, composés actifs et particules fines (Remon, 2006). Traitements secondaires Ces traitements sont biologiques et permettent d’éliminer les polluants dissous. Pour cela on utilise des populations de micro-organismes capables de les consommer. Dans les cas étudiés, le principe général est de favoriser la croissance de communautés de bactéries aérobies, c’està-dire qui prélève l’O2 pour leur métabolisme. On en distingue différents types : Le lagunage naturel. Les eaux usées sont stockées dans des plans d’eau peu profonds : les lagunes. L’activité microbienne se fait naturellement : échange avec l’atmosphère, photosynthèse… Des aérateurs peuvent être utilisés pour brasser l’air et optimiser l’activité des bactéries. Ces processus induisent la formation de boues de lagunage au fond des bassins qui sont récupérées. Les boues activées. On force ici le mélange du dioxygène, des eaux usées et des bactéries dans des bassins. Les espèces sont sélectionnées selon ce que l’on souhaite éliminer : carbone, azote, phosphore. Les bactéries et leurs déchets du métabolisme forment, dans un bassin appelé clarificateur, des boues (boues secondaires) qui sont ensuite traitées et utilisées pour la fertilisation des sols par exemple. Une partie de ces boues, retourne dans les bassins, pour éviter une trop grande perte en bactéries. Les biofiltres et filtres bactériens. On peut également faire percoler l’eau à travers un matériau, où se développent des bactéries. Cela peut être des galets ou des supports (lits bactériens) ou des argiles cuites, des schistes, des sables… (biofiltres). Ces traitements sont utilisés en plus du processus des boues activées, permettant d’éliminer une plus grande diversité de polluants. En effet, on va alors concentrer les bactéries et ainsi localiser leur action, la rendant plus efficace (Remon, 2006). De nombreuses stations d’épuration cumulent aujourd’hui les traitements primaires et secondaires. Certaines plus rares utilisent des traitements avancés ou tertiaires. 7 En effet, à la fin des traitements secondaires, il reste encore dans l’eau des éléments dissous que les bactéries n’auront pas absorbés (azote, phosphore) et des éléments qu’elles ne sont pas aptes à traiter (œstrogènes par exemple). Traitements tertiaires. Ces traitements sont à la fois physico-chimiques et biologiques. On les réalise après les traitements primaires et secondaires, afin d’éliminer des éléments nutritifs résiduels, des polluants organiques résistants, des métaux, des pigments… Par exemple, on peut utiliser des traitements biologiques avancés, pour éliminer le phosphore par le déplacement nutritif biologique (DNF). On fait passer l’eau par différents réservoirs avec des bactéries et dans des conditions environnementales différentes (différence de concentration en dioxygène par exemple). On récupère ensuite les boues, lors d’un nouveau passage dans un clarificateur. Un autre type de traitement que l’on pourrait classer comme tertiaire, est le traitement aux UV. On dénature alors des molécules, comme les œstrogènes, sensibles à ces rayons (Remon, 2006).
La phytoremédiation
Nos écosystèmes sont exposés à de nombreuses sources de pollution. Les sols et les eaux, près des sites industriels, subissent une accumulation de métaux lourds, de composés organiques, ainsi que parfois de composés radioactifs. Nous n’aborderons pas les conséquences de ces pollutions sur les écosystèmes, mais plutôt comment des milieux peuvent être dépollués. Cette accumulation peut être importante aux abords des sites industriels et dans ce cas, la seule solution est l’excavation et le retraitement. Lorsque la pollution est plus diffuse, la dépollution reste très couteuse et souvent peu efficace. Au 16ème siècle, Andréa Cesalpino, un botaniste de Florence, découvre une plante poussant dans des roches naturellement riches en métaux (nickel notamment). De 1814 à 1948, de nombreuses études sont faites, par des scientifiques, sur cette plante nommée Alysum bertolonii, et l’on découvre, qu’elle accumule dans son organisme, une forte teneur en métaux du sol ou elle vit, et c’est en 1970 qu’apparait l’idée d’utiliser des plantes aux propriétés particulières (Dabouineau et al., 2005). La phytoremédiation, est une technique basée sur la décontamination des sols et des eaux pollués par des métaux, des hydrocarbures ou des composés radioactifs, en utilisant des plantes. Son principe est la capacité de certaines espèces végétales, de survivre dans des milieux contaminés, et à extraire, accumuler, stabiliser, volatiliser, transformer ou dégrader un agent polluant donné. Avantages et stratégies de la phytoremédiation. Cette technologie nouvelle, consiste à utiliser des plantes supérieures, pour stabiliser, extraire ou dégrader des métaux toxiques dans les sols/eaux pollués. Les connaissances sur ce sujet sont encore parcellaires. Actuellement, il n’y a que peu d’expériences in situ mises en place de par le monde. Les métaux principalement étudiés sont le Cd, Zn, Pb et le Cu. La technique présente de nombreux avantages : – Par comparaison avec les traitements physico-chimiques, la phytoremédiation montre un faible coût (se situe en moyenne entre 2 et 100 dollars par m3 ). – Ce faible coût permet de traiter de grandes surfaces (elle génère des résidus riches en métaux recyclables et elle est applicable à un grand nombre des métaux toxiques et de radionucléides). – Elle provoque une perturbation minimale de l’environnement et permet même de réinitier le cycle de dégradation de la matière organique là où la végétation avait disparu. La décontamination par les plantes, présente aussi l’avantage de réduire l’érosion et le lessivage des sites, ce qui maintient le polluant à proximité de la plante (Berti et al., 1995). La phytoremédiation, peut s’appliquer à une large gamme de métaux toxiques.
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