Réponses des communautés piscicoles aux changements globaux
Les communautés : des entités dynamiques
Communauté écologique Classiquement, les études dont l’objet est la communauté écologique l’ont définie comme un ensemble de populations d’espèces différentes qui coexistent spatialement et temporellement et qui, de plus, interagissent entre elles. Dans le cadre de cette thèse, une communauté est définie comme un ensemble d’espèces coexistantes à un endroit donné et qui est caractérisé par une certaine dynamique temporelle. Ainsi, dans le cadre de ce travail en particulier, la stabilité temporelle des interactions n’est pas une condition sine qua non pour définir une communauté. Biodiversité La biodiversité englobe la diversité du vivant à tous les niveaux d’organisation : les écosystèmes, les communautés, les espèces, les gènes, etc. Bien que le concept semble théoriquement aisé à définir, sa mesure est en réalité particulièrement difficile et délicate, en particulier, si elle vise à être aussi générale que sa définition. Ainsi, la biodiversité est, d’une certaine façon, une notion paradoxale de par sa définition générale et ses mesures spéficiques et précises (si elles se veulent utiles). Indice de biodiversité De nombreux indices de biodiversité ont été proposés pour quantifier cette dernière. Une mesure largement utilisée, la plus intuitive probablement pour la diversité taxonomique, est la richesse spécifique, c’est-à-dire le nombre d’espèces. Bien qu’un indice de biodiversité nous renseigne sur la biodiversité, il ne correspond pas à la diversité elle-même et ne peut prendre en compte l’ensemble des caractéristiques d’une communauté. Ainsi, il est nécessaire de garder à l’esprit, lors des études de la diversité, que la mesure d’un objet et cet objet sont deux concepts différents et que le premier ne peut donner une image complète du second. Une multitude d’indices de diversité a été proposé, ces indices étant généralement issus de différents cadres mathématiques. Lors des études qui prennent en compte plusieurs facettes de la diversité, il est particulièrement intéressant d’utiliser des indices qui quantifient de la même façon (i.e. issu du même cadre théorique mathématique) les composantes de la diversité indépendamment de la facette considérée, permettant ainsi une comparaison directe entre les facettes. Facette de la biodiversité La diversité peut être décrite au travers de l’utilisation de plusieurs facettes, généralement complémentaires. La première, la plus intuitive et la plus répandue dans son utilisation est la facette taxonomique de la diversité. Une des mesures qui la décrit se base sur le nombre d’espèces (i.e. la richesse spécifique) et fait une hypothèse forte et généralement erronée : les espèces sont écologiquement équivalentes. Or ces dernières diffèrent entre elles par leur caractéristiques écologiques (e.g. morphologies, tolérances et besoins physiologiques, comportements, etc.) ainsi que par l’histoire évolutive qu’elles représentent. Tandis que la diversité fonctionnelle permet de prendre en compte les différences entre caractéristiques, la diversité phylogénétique permet de tenir compte de l’histoire évolutive des espèces. Bien que ces trois facettes soient celles qui seront utilisées et étudiées tout au long de cette thèse, d’autres facettes peuvent être considérées. Par exemple, une facette relative à la conservation, prenant en compte le statut de conservation des espèces, leur risque d’extinction, la valeur patrimoniale qu’elles représentent, etc. pourrait être étudiée. Composante de la biodiversité La richesse est la composante la plus communément utilisée pour quantifier la diversité, quelque soit la facette considérée. Elle correspond à l’accumulation d’éléments au sein d’une communauté comme par exemple les espèces, des groupes fonctionnels, de l’espace fonctionnel, des branches phylogénétiques, etc. Une deuxième composante très répandue est la régularité qui a été proposée pour décrire la distribution des éléments (généralement les espèces ou les individus d’une communauté) au sein de la richesse. Pour la suite de cette thèse, la régularité ne fera référence qu’à la distribution des espèces (et non des individus) au sein d’un espace fonctionnel ou phylogénétique. Enfin, la divergence rend compte des différences entre espèces, qu’elles soient fonctionnelles ou phylogénétiques. La multiplication récente des indices de diversité est, entre autres, le résultat de la description de ces multiples composantes. Conceptuellement et mathématiquement, les différentes composantes sont indépendantes et complémentaires.
Une communauté : un simple nombre d’espèces ?
La description quantitative des communautés passe généralement par la mesure de la biodiversité qu’elles représentent (Encadré 1). L’intérêt porté à la biodiversité et plus particulièrement sa quantification par les institutions publiques et notamment académiques s’est renforcé simultanément à l’émergence de l’écologie de la conservation, car répondant à ses besoins concrets et logistiques. L’écologie de la conservation moderne se développe à partir du xviiie siècle, en particulier en Angleterre et en Écosse. Trois principes sont alors proposés comme piliers de ce pan de l’écologie moderne : l’Homme et ses activités endommagent l’écosystème planétaire; un devoir moral incombe à l’humanité contemporaine d’assurer à l’humanité future un système capable de subvenir à ses besoins; la Science a pour but de rendre possible ce devoir moral. Ces principes ont été appliqués rapidement à des échelles locales puis à des échelles plus larges dont une des premières manifestations est la création du parc national nordaméricain du Yellowstone (Figure 1.2). Un problème majeur auquel sont confrontés les gestionnaires est le choix des systèmes à protéger, à restaurer et à conserver (e.g. Barroux 2016), choix nécessaire et obligatoire du fait des contraintes budgétaires (étant de plus en plus limitantes au cours du temps; Le Monde 2013). Pour faciliter ce choix, les gestionnaires ont globalement décidé de préserver les zones les plus riches, autrement dit les plus diverses. Comment définir ces zones ? Que signifie, biologiquement parlant, plus riches ? plus diverses ? Une des définitions, de nos jours largement acceptée, de la diversité est la suivante : « la variété des formes vivantes, à tous les niveaux des systèmes biologiques (i.e., de la molécule, de l’organisme, de la population, de l’espèce et de l’écosystème) » (Wilcox 1984). Ainsi, les espèces coexistant dans une communauté sont une forme de diversité, et la richesse spécifique (c’est-à-dire le nombre d’espèce) en est la mesure. En utilisant cette mesure de diversité, plusieurs points chauds (ou « hotspot ») de diversité ont été définis (incluant également dans leur définition les menaces qui pèsent sur les espèces qu’ils abritent ainsi que la vulnérabilité de ces espèces; Figure 1.3), soulignant ainsi leur priorité dans les efforts de conservation à allouer à chaque zone de la planète. La richesse spécifique est une mesure de la diversité taxonomique et parmi les plus critiquées des mesures de la biodiversité. D’une part, elle ne permet pas la prise en compte des abondances des différentes espèces coexistantes. Or un patron typique dans les abondances dans une communauté est maintenant bien connu : quelques espèces très abondantes et de nombreuses espèces rares (sur la base du nombre d’individus; Hubbell 2001; MacArthur 1957; Preston 1948). L’hypothèse que les espèces abondantes, en matière de fonctionnement écosystémique, ont un rôle prépondérant, simplement du fait de leur abondance, a été démontrée et défendue (Grime 1998; Schwartz et al. 2000) bien que les espèces rares puissent également avoir un rôle important en dépit de leur faible abondance (cette hypothèse a été largement moins testée que la première; mais voir Hector et al. 2001; Leopold 1986; Mouillot et al. 2013). En matière de conservation, les espèces rares peuvent être prises en compte de façon prépondérante, étant donné leur plus fort risque d’extinction.
Remerciements |