Réponses au déficit hydrique de jeunes plants de Tamarindus indica L . et niveau de conservation in situ de l’espèce

Origine, phénologie et classification de T. indica

T. indica est une légumineuse (Fabacées) semi-sempervirente pouvant atteindre 20 à 30 m de hauteur. Elle appartient à la sous-famille des Caesalpinioideae et est l’unique espèce du genre Tamarindus.
Le tamarinier possède une couronne dense et large, une écorce rugueuse fissurée de couleur grisâtre-brun (El-Siddig et al., 2006). Ses feuilles sont alternes et paripennées composées de 10-18 paires de folioles mesurant 12-32 x 3-11 mm (El-Siddig et al., 2006). Elles ont une forme oblongue ou étroite avec un apex pointu et une base arrondie. Les fleurs de l’espèce sont quant à elles de couleurs jaune pâle ou rosâtre et comprennent 4 sépales et 5 pétales (El-Siddig et al., 2006). Ses fruits sont indéhiscents, incurvés et ont une longueur comprise entre 10 et 18 cm. Un fruit peut comporter de 1 à 12 graines pouvant mesurer entre 1,1 à 1,25 cm (El-Siddig et al., 2006). T. indica est largement répandue en milieu tropical. On la retrouve actuellement dans les zones arides d’Afrique et d’Asie, en Amérique du Sud, dans les Antilles et les îles de la Réunion (Diallo et al., 2007). Toutefois, il n’existe pas actuellement de consensus sur l’origine de l’espèce. Selon El-Siddig et al. (2006), l’espèce est originaire d’Afrique et aurait été introduite plus tard en Asie. Mais pour Wunderlin (1998), l’origine de l’espèce se situe en Asie et plus spécialement en Inde compte tenu de son épithète spécifique (indica) qui fait référence à ce pays. Récemment, Diallo et al., (2007) sont parvenus à la conclusion que T. indica est originaire d’Afrique compte tenu des évidences paléontologiques et anthropologiques.

Mécanismes physiologiques d’adaptation des plantes au déficit hydrique

Selon Cramer et al., (2011), un stress abiotique se conçoit comme l’ensemble des facteurs environnementaux qui réduisent la croissance et le rendement des plantes. Le stress abiotique contribue à la réduction de la production des plantes cultivées à hauteur de 70 % (Boyer, 1982). Selon Van Velthuizen (2007), seuls 3,5 % des terres mondiales ne sont pas touchés par un stress hydrique. Il existe principalement cinq (5) formes de stress abiotiques. Il s’agit du stress hydrique, salin, thermique, lumineux et chimique (Van Velthuizen, 2007). Toutefois, en termes d’impact mesuré par la proportion des superficies globales affectées, le stress hydrique et plus spécifiquement le déficit hydrique sont prépondérants avec 64 % de terres touchées.
Pour faire face au déficit hydrique, la plante développe des mécanismes d’évitement ou de tolérance (Verslues et al., 2006 ; Lawlor, 2012). Le but du mécanisme d’évitement est d’équilibrer l’absorption et la perte d’eau par la plante tandis que la tolérance vise à protéger l’intégrité des cellules au cas où le déficit devient plus sévère (Claeys & Inzé, 2013).
Au sujet de l’évitement du déficit, selon Fraire-Velázquez & Balderas-Hernández (2013), le déficit hydrique induit une modification des processus physiologiques et biochimiques au sein des plantes comme la diminution de la croissance et de la photosynthèse et l’augmentation de la respiration. Selon ces mêmes auteurs, l’activation de ces mécanismes de défense est liée aux signaux chimiques où les acides abscissique (ABA) jouent un rôle central puisqu’elles entraînent la fermeture des stomates réduisant ainsi la transpiration et donc la perte d’eau.
L’expression du mécanisme de tolérance s’exprime par le fait que la plante peut ralentir sa croissance dans le but de préserver et de redistribuer ces ressources qui pourraient être limitées selon la persistance du déficit (Skirycz & Inzé, 2010). Ce retardement de la croissance serait caractérisé par une inhibition rapide et aigüe en vue de préparer la plante à l’augmentation du déficit puis l’adaptation au déficit (Skirycz & Inzé, 2010). Selon ces auteurs, la croissance foliaire des plantes dicotylédones dépend du développement des cellules précurseurs initiées par le méristème apical caulinaire. Le déficit modifie ainsi la croissance des feuilles par la réduction du nombre et de la taille des cellules précurseurs (Pereyra-Irujo et al., 2008 ; Skirycz et al., 2010). Les mécanismes d’évitement et de tolérance du déficit hydrique par les plantes affectent directement le processus de photosynthèse par la réduction de l’absorption du CO2 par les chloroplastes (Pinheiro & Chaves, 2010). Cette réduction de la photosynthèse se traduit par la baisse de la productivité en termes de biomasse de la plante.

Aires protégées et effectivité de la conservation in situ des plantes

Au niveau mondial, il est reconnu que les aires protégées constituent l’un des instruments clés pour la conservation de la biodiversité (Naughton-Treves et al., 2005). Actuellement, les aires protégées terrestres couvrent 12,85 % de la surface totale du globe et s’étendent sur 16,94 millions de kilomètres carrés (Jenkins & Joppa, 2009).
Selon Fandohan et al., (2011), au sein des aires protégées, les espèces de faunes, au détriment des végétaux étaient les principales cibles de la conservation. Ainsi, la majeure partie de la niche écologique de Thunbergia atacorensis, une espèce végétale endémique à la chaîne de l’Atacora au Bénin et au Togo est hors du réseau d’aires protégées de ces deux pays (Fandohan et al., 2016). De même, il a été montré que les aires protégées de la Nouvelle-Calédonie n’abritaient pas 87 % des phanérogames menacées de l’île (Jaffre et al., 1997). Par ailleurs, la diversité végétale des pins menacés au Mexique n’est pas représentée dans les aires protégées du pays (Aguirre & Duivenvoorden 2010). Cette faible intégration des végétaux dans le réseau des aires protégées leur est préjudiciable. En effet, le taux de déforestation et donc d’érosion de la diversité végétale est faible dans les aires protégées comparativement aux zones ne bénéficiant d’aucun statut de protection (Jenkins & Joppa, 2009). Hormis la faible représentation des végétaux menacée dans le processus de classification des aires protégées, les impacts des changements climatiques constituent un défi supplémentaire pour la conservation in situ de la biodiversité en générale et celle végétale en particulier dans ces territoires.
En effet, il est admis que les changements climatiques (qui s’expriment par l’augmentation de la température, la réduction de la pluviométrie, la variabilité des pluies et des températures, etc.) pourraient pousser les espèces tropicales à se déplacer vers des latitudes plus élevées (Chen et al., 2009 ; Chen et al., 2011). Ainsi, sous l’effet combiné de la fragmentation des habitats, du changement d’utilisation des terres puis des changements climatiques, les espèces en générale et les plantes en particulier sont menacées d’extinctions.
L’ensemble des problèmes ci-dessus énumérés ont induit une augmentation du nombre des travaux sur l’analyse de l’effectivité des aires protégées dans la conservation présente et future des plantes (Fandohan et al., 2013 ; Fandohan et al., 2016).

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Modèles climatiques et estimation de la niche écologique des espèces

Évaluer l’impact potentiel des changements climatiques sur la distribution géographique des habitats préférentiels des espèces de plantes est une nécessité (Gouwakinnou, 2013). La réalisation de ces évaluations se base généralement sur l’utilisation des modèles bioclimatiques qui à l’aide de la distribution actuelle des espèces permettent d’estimer les conditions environnementales nécessaires au développement de ces dernières (Hijmans & Graham, 2006). L’utilisation des modèles bioclimatiques suscite néanmoins un débat lié à sa robustesse dans la prédiction de la distribution des espèces. En effet, selon Thomas et al., (2004) l’estimation des niches écologiques des espèces à l’aide de ces modèles aboutit toujours à la conclusion que ces dernières pourraient être poussées à l’extinction du fait de la perte d’une large partie de leurs habitats. Selon ces auteurs, ces résultats peuvent être dus à un biais dans ces modèles. Leurs hypothèses furent confortées par Thuiller (2004) qui met en exergue une grande variation dans les résultats des modèles bioclimatiques en ce qui concerne la prédiction de la distribution des espèces.
Par ailleurs, l’un des critiques avancés contre les modèles bioclimatiques se situe dans le fait qu’ils ne prennent en compte que les variables climatiques au détriment des facteurs biotiques tels que la compétition inter spécifique (Pearson & Dawson, 2003). Cependant, le fait que lesdits modèles sont appliqués à des échelles où les facteurs abiotiques dominants favorisent la minimisation de l’impact des interactions biotiques sur la distribution des espèces. Ainsi, plusieurs paramètres bioclimatiques parviennent à simuler sur de grandes échelles la distribution actuelle de plusieurs espèces (Pearson & Dawson, 2003).
En outre, les capacités de dispersion des espèces en réponse au changement climatique sont des paramètres qui peuvent biaiser les résultats issus de l’utilisation des modèles bioclimatiques dans la prédiction de la distribution future de ces espèces. En effet, selon Pearson & Dawson (2003), la capacité de migration des espèces ne dépend pas seulement de leurs caractéristiques intrinsèques, mais également de la structure du paysage (présence de barrières naturelles, fragmentation des habitats) où elles se situent. Ainsi l’estimation de l’aire de distribution future des espèces par le biais des modèles bioclimatiques requiert une analyse approfondie de leur habileté à se disperser dans un paysage hétérogène (Pearson & Dawson, 2003).

Table des matières

INTRODUCTION 
Chapitre I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Origine, phénologie et classification de T. indica
1.2. Mécanismes physiologiques d’adaptation des plantes au déficit hydrique
1.3. Aires protégées et effectivité de la conservation in situ des plantes
1.4. Modèles climatiques et estimation de la niche écologique des espèces
Chapitre II : MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1. Provenances des graines de T. indica
2.2. Évaluation des mécanismes d’adaptation au déficit hydrique
2.2.1. Prétraitement des graines
2.2.2. Substrat
2.2.3. Suivi après germination
2.2.4. Plan expérimental
2.2.5. Mesure des paramètres morphologiques
2.2.6. Mesure des paramètres physiologiques
2.2.7. Traitement des données
2.3. Évaluation de l’efficacité de la conservation in situ de T. indica
Chapitre III : RÉSULTATS
3.1. Effet du déficit hydrique sur les paramètres morphologiques
3.2. Indice de sensibilité au déficit hydrique
3.3. Effet du déficit hydrique sur les paramètres physiologiques
3.3.1. Effet du déficit hydrique progressif sur les paramètres physiologiques
3.3.2. Réponses des jeunes plants en fonction des provenances
3.4. Corrélation entre paramètres morphologiques et physiologiques
3.5. Groupes de provenances de T. indica selon la tolérance au déficit hydrique
3.6. Efficacité des aires protégées dans la conservation de T. indica
Chapitre IV : DISCUSSION, CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
4.1. Discussion
4.1.1. Mécanisme d’adaptation des jeunes plants de T. indica au déficit hydrique
4.1.2. Provenances de T. indica adaptées au déficit hydrique au Sénégal
4.1.3. Représentation de T. indica dans les aires protégées et implications pour sa conservation
4.2. Conclusion et perspectives
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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