Réponse du zooplancton à la restauration de l’estuaire de l’Escaut et test d’un modèle de sélectivité trophique
Généralités sur le milieu estuarien
Définitions
Selon Pritchard (1967), « un estuaire est un système constitué par une masse d’eau côtière semi-close, ayant une connexion libre avec la mer ouverte et à l’intérieur duquel l’eau marine est diluée d’une façon mesurable avec l’eau douce issue du drainage continental ». A cette définition, limitée par un critère de salinité, s’est ajoutée celle de Perillo (1995), qui intègre l’influence tidale et la présence d’organismes aquatiques. Selon l’auteur, « un estuaire est une masse d’eau semi close qui s’étend jusqu’à la limite d’influence des marées, dans laquelle l’eau de mer entrant par une ou plusieurs connexions libres avec la mer ouverte ou avec quelconque autre masse d’eau salée côtière, est significativement diluée avec de l’eau douce dérivant par drainage continental et qui peut contenir des espèces euryhalines pendant une partie ou l’ensemble de leur cycle de vie ». Les estuaires sont qualifiés de microtidaux, mesotidaux, ou macrotidaux, selon si l’amplitude de la marée est respectivement faible, moyenne ou forte. Celle-ci est en général stoppée par des structures d’origine anthropique, comme les écluses ou les barrages hydrauliques. C’est à cet endroit précis que débute un estuaire. On ne parle pas d’estuaire pour les fleuves se déversant dans les mers closes non soumises à la marée (Pritchard, 1967). La marée saline, correspondant à l’extension maximale du gradient de salinité, se distingue de la marée dynamique, correspondant à la propagation de l’onde de marée dans la vallée fluviale jusqu’au point où le courant du fleuve vers l’aval n’est plus inversé par les marées (Reid, 1961).
Influences continentale et marine
L’antagonisme des forces hydrauliques provenant du débit fluvial et de la marée conditionnent majoritairement la physicochimie du milieu estuarien et la distribution spatiale des organismes vivants. Parmi les facteurs environnementaux les plus caractéristiques, le 12 gradient de salinité est directement lié à ce mélange et décroît d’aval en amont. Trois zones estuariennes sont définies en fonction de la salinité (Reid, 1961) : la zone oligohaline, de 0,5 à 5 ; la zone mesohaline, de 5 à 18 ; la zone polyhaline, de 18 à 30. Le mélange des eaux marines et continentales dépend des caractéristiques géomorphologiques des estuaires. Ainsi, en plus d’un gradient de salinité longitudinal, la stratification verticale de la salinité peut être plus ou moins importante, l’eau salée étant plus dense que l’eau douce. Une classification des estuaires, du plus stratifié au plus homogène, est proposée par Pritchard (1955) (Figure 1). A C D B Figure 1. Représentation schématique des différents types d’estuaires selon Pritchard (1955). L’eau douce est représentée en blanc, l’eau de mer en gris foncé. La gamme de gris correspond au gradient de salinité. Type A : Estuaires complètement stratifiés. L’eau salée pénètre sous l’eau douce et s’y mélange très peu. Type B : Estuaires à coin salé. La stratification verticale reste forte malgré un léger mélange, dû à des courants de marées plus importants et/ou des débits fluviaux plus faibles que pour le type A. Type C : Estuaires partiellement mélangés. Sous l’influence de forts courants de marées, la stratification verticale est limitée au profit d’une stratification longitudinale. 13 Type D : Estuaires bien mélangés et verticalement homogènes. Les courants de marées étant les plus importants, la stratification verticale est inexistante et le gradient de salinité est uniquement longitudinal. De plus, les courants résiduels résultant de l’opposition de ces eaux convergent vers un point nodal. La matière en suspension, constituée de particules organiques et minérales, s’y accumule pour former une zone de turbidité importante appelée « bouchon vaseux » (maximum turbidity zone) (Glangeaud, 1938). Celui-ci migre d’amont en aval en fonction de l’importance du débit fluvial et des marées. La forte concentration en matière organique au niveau du bouchon vaseux induit une hausse de la consommation en oxygène par les organismes décomposeurs hétérotrophes (Klap and Heip, 1993).
Caractéristiques biotiques
Les estuaires sont, de par l’influence marine et continentale, des milieux variables, en perpétuel changement. Les espèces typiquement estuariennes sont celles qui y effectuent un cycle de vie complet. Mais les variations quotidiennes de salinité et de température font que peu d’organismes y sont réellement inféodés. La plupart des espèces trouvées dans la zone estuarienne sont soit originaires de la mer (zones poly et mesohalines) soit originaires de l’eau douce (zones meso et oligohalines) et leur présence n’est que transitoire. D’amont en aval, les espèces d’eau douce disparaissent progressivement au profit des espèces plus tolérantes à la salinité. Inversement, d’aval en amont, les espèces marines se raréfient. Dans la zone mésohaline, la plus éloignée des deux milieux limitrophes, la diversité biologique est réduite (figure 2).Figure 2. Répartition de la richesse spécifique sur un gradient de salinité selon Remane (1934) La richesse en éléments nutritifs font des estuaires des systèmes hautement productifs (Cabecadas et al., 1999). Si leur diversité est relativement faible dans les estuaires, la production en invertébrés planctoniques (zooplancton) est importante. Ils représentent une ressource nutritive abondante pour les organismes des niveaux trophiques supérieurs : les mysidacés (Fockedey and Mees, 1999) ou les alevins de poissons (Maes et al., 2005). La productivité importante et le nombre limité de poissons prédateurs font des estuaires également des zones de fraies et de nurseries attractives pour les espèces de vertébrés vivant ordinairement hors de l’estuaire. De plus, les zones humides et vasières périodiquement émergées permettent d’accueillir une avifaune diversifiée et abondante. De nombreuses aires sont désormais protégées par des directives européennes (79/409/EEC).
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