Repenser le stationnement au prisme de l’éco-conception
Les enjeux du stationnement urbain : une mise en perspective historique
Cette section traite de l’évolution de la problématique du stationnement urbain en France et des réponses qui y ont été apportées par les pouvoirs publics, saisies dans leur contexte de développement urbain depuis le début du XXe siècle. Elle a pour objectif de montrer, au travers de faits marquants, la transformation des représentations du stationnement ainsi que le perpétuel changement des logiques d’action publiques et de la représentation de cet objet. Nous mettrons l’accent sur le renouvellement des enjeux posés, des types de solutions apportées et de leurs 23 conséquences dans le temps 8 . Nous distinguerons quatre principales phases qui renvoient à différents rôles assumés par le stationnement dans la ville.
Le stationnement comme élément auxiliaire de la circulation urbaine (1900-1960)
Durant la première moitié du siècle passé, le stationnement est appréhendé par les pouvoirs publics et par les responsables municipaux comme une problématique locale et un élément auxiliaire de la circulation urbaine. Deux faits marquants caractérisent cette période : l’appropriation de l’espace public par l’automobile et l’émergence des premières mesures de gestion du stationnement sur voie publique. Pressées par l’urgence dictée par le développement considérable de l’automobile, les collectivités choisissent des solutions de court terme pour résoudre les problèmes en cours. À ses débuts, l’automobile prend la place du cheval et est logée dans les écuries et les cours (Dupuy, 1995). Dans les années 1930, alors qu’elle incarne encore l’image du luxe et de la modernité, des hôtels pour voitures sont conçus en France. Aménagés et gérés par des particuliers, ces nouveaux produits immobiliers s’avèrent rapidement incapables d’absorber la demande sans cesse croissante. Le domaine public prend alors le relais. Pour l’automobiliste, le stationnement sur voie publique est un droit acquis et une liberté Pour accompagner l’industrie automobile encore émergente, le stationnement des véhicules sur voie publique devient toléré. En effet, jusqu’à 1928, le stationnement et l’arrêt des véhicules sur voie publique étaient formellement interdits et considérés comme un encombrement du domaine public (JMJ, 2003). Toutefois, sous l’effet des pressions individuelles et collectives et en l’absence de solutions alternatives, ces interdictions s’assouplissent progressivement puis sont partiellement levées9 . Selon Dupuy (1995), la possibilité et la légalité du stationnement sur voie publique ont grandement facilité l’essor de l’automobile en milieu urbain.
Pour les pouvoirs publics, le stationnement est un élément auxiliaire de la circulation
Depuis la fin des années 1920, la présence de l’automobile en ville soulève de nombreux débats, discussions et interrogations. L’attention des élus est focalisée principalement sur la problématique de la circulation urbaine. De nombreux foyers de réflexion sont construits. La thématique du stationnement est sans cesse présente dans les discours, mais elle reste traitée en marge de celle de la circulation routière. Par moments, la question du stationnement devient plus polémique et plus préoccupante. Mais ce n’est qu’à partir des années 1930, avec l’accroissement du trafic routier, qu’elle commence à prendre de l’importance sur la scène politique. Le stationnement se pose comme un véritable enjeu dans les villes qui s’inquiètent davantage de l’organisation de la croissance urbaine (Gardon, 2012). Sur le plan politique, la facilitation de la circulation routière dans la ville est considérée comme une impérieuse nécessité, une prérogative cruciale qui relève de l’intérêt général. Dès lors, l’automobile doit pouvoir se garer (Dupuy, 1995). Comme un élément auxiliaire de la circulation, lorsqu’il pose problème, le stationnement est alors assimilé à une gêne et à un problème de congestion (Gardon, 2012). En même temps, à cette époque, les difficultés pour se garer ne concernent que certaines rues et certains quartiers. Du point de vue de l’État, le stationnement s’apparente clairement à une problématique locale qui doit être prise en main par les pouvoirs municipaux. Chaque pouvoir local doit y faire face à sa manière. Dans cet esprit, les premières tentatives d’aménagement de la rue voient le jour. Les services municipaux, particulièrement de la police du roulage et de la circulation – autorité responsable de la gestion du réseau viaire –, essaient de trouver des solutions, d’édicter des arrêtés et de réglementer la circulation locale. Des services techniques et des commissions municipales de circulation sont formés dans plusieurs agglomérations, notamment à Lyon en 1931 (Gardon, 2009). Les décisions d’aménagement physique et réglementaire de la voie publique se succèdent (rues, carrefours, places). Les signalisations routières et les panneaux d’interdiction sont installés. La rue est étirée, repoussée et rétrécie pour accueillir plus de voitures immobiles