Cas d’étude et zone d’échantillonnage
La zone concernée par l’étude est la région de Dakar, principalement les sites de Hann et Soumbédioune. Ce choix se justifie par le fait que l’ensemble des types de pêche que nous avons choisi pour cette étude y sont représentés.
Les unités de pêche étudiées sont la senne tournante, la ligne simple, le filet dormant et la ligne glacière. En nous basant sur les années les plus récentes nous avons dressé leurs comptes d’exploitation et analysé les critères de rentabilité.
Le travail de terrain a permis de recueillir des informations techniques (portant sur les engins et les techniques de pêche) et socio-économiques complémentaires.
L’unité de pêche qui constitue notre unité d’observation et d’analyse est la senne tournante et est définie selon cinq éléments : espèces capturées (quantité et prix unitaire) engins (technique de pêche utilisée) pirogue (capacité) type de propulsion et force de travail. Les données socioéconomiques collectées portent sur la description de l’unité de pêche et l’organisation économique.
La méthodologie utilisée fait référence à des entretiens structurés avec comme support les formulaires d’enquêtes. Ce formulaire a été soumis aux propriétaires d’embarcations ou aux capitaines. Le choix des unités de pêche relève d’un plan de sondage et les personnes enquêtées sont prises en fonction de leur position (capitaine ou propriétaire). La taille de l’échantillon qui a fait l’objet d’enquêtes socio-économiques a été déterminée en fonction des résultats du dernier recensement du parc piroguier effectué par le CRODT en septembre 2005. C’est ainsi que nous avons choisi un échantillon représentant environ 10% des unités actives présentes dans les lieuxconcernés, soit au total 34 unités de pêches.
Pour l’analyse de la rentabilité de la senne tournante nous avons fait référence à deux études déjà menées par la FAO et nous avons complété par une collecte et une analyse de nouvelles données au cours de cette étude pour obtenir l’évolution de la rentabilité de cette unité de pêche pour les années 1976, 1986, 1996, et 2006 avec comme indice de référence des prix déflatés, l’indice UEMOA de 2005.
Présentation et Commentaire des résultats
Pour la filière pêche artisanale, les enquêtes ont fait ressortir deux types de données:
des données quantitatives d’exploitation renseignant sur les coûts des investissements, les coûts d’exploitation et les taux de rentabilité du capital investi ;
des données qualitatives socio-économiques faisant ressortir la perception des acteurs de la pêche artisanale sur la question liée à l’accès à la ressource.
COUT DU CAPITAL
Les investissements des unités de pêche artisanale se composent essentiellement de l’achat de pirogue, de moteur, d’engins de pêche et de l’équipement accessoire (la caisse isotherme, compas, GPS et gilet). La diversité des unités de pêche, tant par les types de pêche, que par leur origine géographique, induit une forte variation du capital investi dans chaque unité de pêche.
A l’issue du recensement 2005 prés de 77% (6603) des pirogues sont des propriétés individuelles 24% (1759) familiales ; 01% de GIE (93) et les autres 02% (1759).
Le coût du capital investi en 2006 est exprimé dans le tableau 10.
COUTS D’EXPLOITATION
Coûts variables
Nature des frais communs
Le coût variable des unités de production comprend le carburant, la nourriture de l’équipage (et quelque fois des personnes à terre), l’appât (pour les ligneurs), l’entretien et la réparation du matériel de pêche. Pour les pirogues glacière les autres rubriques entrant dans les frais de fonctionnement sont constituées par la glace.
La consommation en carburant dépend du temps passé en mer par l’UP, de l’état et de la puissance du moteur utilisé. Elle est très variable selon le type UP. Dans tous les cas, elle représente un poids important dans les charges d’exploitation en raison de l’éloignement des lieux de pêche visités et le rythme auquel est soumis le moteur.
Les dépenses en nourriture sont liées à la taille de l’équipement et parfois à celle de la famille à terre ainsi qu’à la durée de la marée.
L’appât est constitué essentiellement de sardinelles. Le montant des dépenses en appât et en glace est fonction du temps de mer et de l’état des caisses isothermes utilisées (étanchéité).
Evaluation des coûts variables annuels
L’ensemble de ces coûts constitue les charges communes de cette unité de production. Les résultats des enquêtes ont permis de déterminer la moyenne par sortie pour ces UP. Les coûts d’exploitation annuels ont été calculés à partir du nombre mensuel de sorties effectuées par ces UP (exemple de 248 jours de pêche par an pour la senne tournante). Ce nombre dépend de la durée de la sortie et du temps resté à terre pour la vente du poisson pêché et la réparation du filet (ramendage).
Pour la senne tournante, le suivi de l’évolution du coût variable de cette unité de production révèle les résultats suivants (cf. figure 7) :
Coûts fixes
Ces coûts qui ne varient pas avec le niveau d’activité des UP comprenant les amortissements de la pirogue et du moteur, les assurances et la location de chambres et le paiement annuel du permis de pêche.
Amortissements
Il est difficile de parler d’amortissement économique car le matériel qui a pêché depuis longtemps a été largement amorti. C’est le cas notamment du filet qui est souvent pratiquement remis à des unités de production neuf à force de changer des nappes entières.
En tenant compte de l’intensité d’utilisation, du respect des normes d’entretien ainsi que des indications des pêcheurs, le CRODT a estimé la durée de vie économique à 10 ans pour les pirogues et 2 ans pour les moteurs.
Les lignes et les palangres sont renouvelées tous les ans par les pêcheurs. Pour les filets, réparation et amortissement sont confondus.
Assurances
Pour assurer une bonne pêche et se protéger contre les accidents en mer, les chefs d’unités de pêche engagent pendant la campagne un ensemble de dépenses dans le cadre de leur croyance traditionnelle.
Frais de location
Les chefs d’unité de pêche en campagne louent en général une ou plusieurs chambres pour l’équipage durant la période de la campagne. Le montant moyen annuel de location est évalué à 160 000 F CFA pour l’équipage.
Rémunération des facteurs de production
Pour ces UP enquêtées, c’est le système de rémunération à la part en fonction des revenus générés qui est pratiqué. Dés lors, les membres de l’équipage sont associés aux risques économiques des sorties en mer.
Le partage se fait à chaque retour de marée ou en fin de campagne. Le principe général est le suivant : les charges supportées en commun par le propriétaire de l’équipage (carburant, entretien, glace, appât) sont défalquées de la valeur des mise à terre ; le solde restant (produit net de l’UP) est réparti selon des modalités variables en fonction des types de pêche pratiqués et des lieux de débarquement.
Revenus du travail et du capital
Les prix du débarquement connaissent de fortes fluctuations liées aux quantités débarquées, aux espèces, aux lieux de débarquement et à la capacité d’absorption du marché. On ne note pas une différence nette des prix entre les points de débarquement (Hann et Soumbédioune) en raison de la proximité de certains grands marchés urbains, toutefois des risques accrus et des coûts très élevés supportés par les mareyeurs (vétusté des moyens de transport et précarité du mode de conservation) peuvent faire fluctuer ces prix.
La valeur des rendements de chaque UP est estimée en affectant à chaque quantité débarquée, le prix auquel elle a été vendue par le pêcheur. Le revenu brut de chaque UP ainsi calculé (cf. tabl. 12) est partagé entre propriétaires des équipements et les pêcheurs.
Analyse des données
Ligne simple
La pêche à la ligne simple se fait avec des pirogues de 8 à 10 m, embarquant 4 pêcheurs.
Manoeuvrées à la main, généralement en mono filament, elle porte un ou plusieurs hameçons appâtés pour la pêche en surface, en pleine eau ou, avec un lest, près du fond. C’est une pêche journalière. La prise moyenne par sortie est de 21 Kg, pour une production annuelle de 6 300 Kg, avec un chiffre d’affaire annuel brute de 6 930 000 F CFA. Le total des frais communs s’élève à 3 802 000F CFA, dont 72% est constitué de frais de carburant. Après déduction du total des frais communs des sorties pour une pirogue de ligne simple, la recette est partagée en 6 parts; une part pour le moteur, une part pour la pirogue et une part pour chaque pêcheur. Ainsi, pour une pirogue de ligne simple, la recette est composée de 52% de dépenses et 25% de charges du personnel. Le taux de rentabilité du capital investi est de 64% et l’investissement capitalistique par tête est de 560 000 F cfa par pêcheur.
Ligne Glacière
Les pirogues glacières embarquent en moyenne 7 personnes pour des marées de 10 à 15 jours. L’essentiel des prises effectuées par ce type de pêche proviennent des eaux des pays de la sous région avec paiement de licence de pêche annuelle. Leurs prises moyennes par sortie sont de 684 Kg, pour un chiffre d’affaire annuelle brute de 25 650 000F CFA. Le total des frais communs s’élève à 3 802 000F CFA, dont 45% est constitué de frais de carburant et 37% en appât et glace. Pour la ligne glacière, la recette est composée de 27% de dépenses et 51% de charges de personnels. Le taux de rentabilité du capital investi est très élevé 82% et l’investissement capitalistique par tête est de 3 664 000 F cfa par pêcheur.
Senne Tournante
Les pêcheurs artisans se sont rapidement adaptés à cet engin qui permet des rendements considérables dés son introduction en 1972. Cette pêche est généralement pratiquées par deux pirogues : une pirogue porteuse de poissons et une porteuse de filet. Pour les raisons d’économie et de disponibilité de stocks, la tendance est à l’emploi d’une grande pirogue de 22 à 23 m à la place de 2 pirogues pour porter séparément le filet et le poisson. Si la capture est très importante les pêcheurs font appel à d’autres pirogues pour le transport du poisson.
Technique de pêche : le banc de poissons repéré en surface est encerclé par un long filet dont on ferme la base (pour empêcher le poisson de fuir en plongeant) à l’aide d’une corde coulissante dans une série d’anneaux montés sur le bas du filet.
Ces pirogues embarquent en moyenne 15 personnes et utilisent actuellement des sennes longues de 600m en moyenne avec de chutes de 45-50 m. Leurs prises moyennes par sortie sont de 1,5 tonnes, générant un chiffre d’affaire annuelle de brute de 29 760 000 F CFA.
Le total des frais communs s’élève à 12 645 000 F CFA, dont 56% est constitué de frais de carburant. Ainsi pour une pirogue de senne tournante, la recette par sortie est composée de 42% de dépenses et 31% de charges de personnels. Le taux de rentabilité du capital investi est de 64% et l’investissement capitalistique par tête est de 83 100 F cfa par pêcheur.
Filet Dormant
Engin peu sélectif ciblant toutes les espèces pélagiques et semi pélagique. La durée de vie est de 2 à 3 ans. La mixité est effectuée avec les casiers, les filets trémail, la palangre et la turlutte.
Les pirogues utilisées ont des longueurs comprises entre 10 et 13 m, embarquant en moyenne 4 pêcheurs. La prise moyenne par sortie est de 100 Kg, pour un chiffre d’affaire annuelle de brute de 12 450 000F CFA F CFA.
Les dépenses par sortie s’élèvent à 11 000 F CFA, dont 59% en carburant. La recette d’une pirogue de filet dormant est composée de 27% de dépenses et 10% de charges de personnels. Le taux de rentabilité du capital investi est très élevé 88% et l’investissement capitalistique par tête est de 1 105 000 F cfa par pêcheur.
Rentabilité économique
Elle sera déterminée en termes d’intensité capitalistique et de valeur ajoutée créée.
Intensité capitalistique
En raison de la forte variation du capital investi à cause de l’inflation et la dévaluation du franc en 1994, nous avons déterminé l’intensité capitalistique par tête pour l’année 2006 qui s’élève à : 560 000 F cfa par pêcheur pour la ligne simple, 3 664 000 F cfa par pêcheur pour la Ligne Glacière, 1 105 000 F cfa par pêcheur pour le filet Dormant et 83 100 F CFA par pêcheur pour la senne tournante.
Le capital moyen par tête a été calculé ainsi : capital investi / nombre de pêcheurs embarqués.
Il peut s’interpréter comme le coût de création d’un emploi dans le secteur. On observe une grande diversité du capital investi (12 470 000 F CFA pour la senne tournante et 2 240 000 F cfa pour la Ligne simple) et une évolution de ce capital investi d’année en année (5 512 200 F CFA en 1976 et 12 500 000 F CFA en 2006 pour la senne tournante).
Création de valeur ajoutée
La notion de valeur ajoutée permet de mesurer les résultats économiques (évaluation de la création de richesses) d’un secteur ou d’une entreprise. La Valeur Ajoutée Brute (VAB) est l’excédent des revenus sur les biens et services et le capital fixe consommé dans le processus de production. En déduisant l’amortissement on obtient la Valeur Ajouté Nette (VAN).
La valeur ajoutée sert à rémunérer les facteurs de production que sont le travail, le capital financier propre ou emprunté, les équipements et le capital technique. Pour l’unité de pêche, la VAN correspond au revenu net d’exploitation dégagé (ensemble des rémunérations nettes du travail et du capital).