Rénovation urbaine et développement durable, la solution contre les maux de l’urbanisme moderne

Les actions de la rénovation urbaine pour transformer des quartiers hors norme en quartiers comme les autres

Les actions pour répondre à l’impératif de la banalisation

Comme il émerge dans les objectifs de la rénovation urbaine ci-dessous cités, un des buts prioritaire du PNRU est de banaliser les quartiers visés qui, présentant des caractéristiques hors normes, doivent redevenir des espaces urbains ordinaires, c’est-à-dire des quartiers « comme les autres » (CES, 2013).
Alors que la loi Borloo de 2003 insistait plutôt sur la nécessité de réduire les inégalités des territoires et ne citait pas la normalisation des quartiers visés, cette instance s’est rapidement traduite en impératif de banalisation, laquelle est devenue une des principales finalités du PNRU, avec également un objectif de mixité sociale4 à laquelle elle est associée (CES, 2013).
De fait, si la mixité sociale est citée en tant qu’objectif explicité du programme d’ensemble de développement durable dans la loi : « Le programme national de rénovation urbaine vise à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine », l’objectif qui traduit celui de « banalisation » se retrouve dans plusieurs textes de l’ANRU tel quel dans la page internet sur ses objectifs (ANRU, 2012).
L’hypothèse aujourd’hui est donc la suivante : si ces quartiers retrouvent une urbanité normale, c’est à-dire un paysage urbain traditionnel, ils pourront, à la fois, donner une image positive du quartier et attirer une population solvable et contribuer à normaliser les quartiers (Hamman, Blanc, & Henniger, 2008). « L’enjeu de la politique de rénovation urbaine dépasse alors la simple amélioration des conditions de logement et du cadre de vie des habitants des Zones Urbains Sensibles5 . Pour ses promoteurs, il s’agit de transformer dans un même mouvement l’urbanisme, la population et le fonctionnement social de ces quartiers » (Hamman, Blanc, & Henniger, 2008, p. 70).
Le concept de banalisation se relie à la fois à l’idée de normalisation du fonctionnement des quartiers, mais aussi à l’idée d’acceptation de ces quartiers par le reste de la ville, évoque donc -en filigrane- la stigmatisation dont ces quartiers font objet. Leurs formes urbaines, les barres et les tours, sont en effet devenues le symbole de l’exclusion (CES, 2013). A ces quartiers est attribuée une identité sociale négative, souvent véhiculée par les medias et qui affecte significativement leurs relations avec le reste de la ville. Cette réputation négative atteint aussi les habitants de ces quartiers, souvent d’origine étrangère, et elle a des répercussions significatives au niveau de l’emploi (ONZUS, 2014).
Puisque les grands ensembles présentent, aux yeux des professionnels, les mêmes caractéristiques hors du commun : créés en suivant les principes de l’urbanisme moderne, pour la plupart composésde barres et de tours, habités par une population en difficulté et souvent d’origine étrangère, … une vision homogène leur est donc annexée, e traduisant, notamment, par une homogénéité des traitements proposés.
A partir de ces constats communs, certaines opérations sont présentées comme plus fondamentales que d’autres, dans le programme de rénovation urbaine, pour atteindre la normalisation des grands ensembles.
Comme explicité par l’ANRU (2012) ce sont celles qui visent à :

Désenclaver

Les diagnostics menés sur ces quartiers les définissent souvent comme des mondes à part, coupés de leur environnement par des infrastructures et dépourvus des éléments attractifs qui pourraient pousser les gens de l’extérieur à les fréquenter. Une partie importante des problèmes vécus par les habitants est donc imputée à leur isolement. (CES, 2009 ; 2012 ; 2013 ; 2014)
En conséquence, le désenclavement devient un des objectifs majeurs de la politique de rénovation urbaine. Avec le terme générique « d’opération de désenclavement », on fait référence au fait qu’après la rénovation le quartier sera mieux articulé avec le reste de la ville.
Cette meilleure intégration passera par des opérations effectuées aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du quartier. Pour ce que concerne le rapport avec l’extérieur, ces opérations visent à remédier à l’absence ou aux faibles connexions entre les voies internes des quartiers et celles qui les relient au tissu urbain environnant (CES, 2013). Par rapport à l’intérieur, les opérations de désenclavement s’attaquent à la composition urbaine enfermée sur elle-même, caractéristique des grands ensembles et due au principe d’autonomie sociale qui a présidé à leur création.
Les éléments qui coupent ces quartiers du reste de la ville – voiries ou bâtiments surdimensionnés – ne se limitent pas à séparer, mais couplés souvent à une dégradation, ils contribuent à dévaloriser ces quartiers aux yeux des habitants et à en perpétuer une image négative. C’est pourquoi, reliées à l’objectif de désenclaver les quartiers, sont aussi associées des opérations de redimensionnement et d’amélioration des infrastructures et bâtis au travers, par exemple, de démolitions et reconstructions.
L’idée sous-tendue, dans toutes ces opérations de désenclavement, est qu’il doit être possible de traverser ces quartiers comme il n’importe quel autre quartier de la ville.

Renforcer la diversification

Le renforcement de la diversification fait référence, à la fois, à la diversification des fonctions et des formes urbaines, ainsi que à la diversification de la population qui devrait suivre.
Toutes les actions entreprises dans le cadre de la rénovation urbaine contribuent à la diversification.
D’un côté les démolitions et reconstructions, de l’autre, la restructuration et reconfiguration des ilots, tout est utilisé pour redynamiser la forme urbaine, au départ monotone, des grands ensembles.
Dans le même temps, elles cherchent à produire un certain rééquilibrage social, en introduisant une offre de logements, de types et de statuts diversifiés qui doit permettre d’attirer des ménages de catégories sociales plus aisées , tout en relogeant les habitants des immeubles démolis hors des sites rénovés (CES, 2011).
La volonté d’intervenir sur le peuplement explique ainsi l’utilisation massive de la démolition, dont au moins 20 % du parc de logement social devrait faire l’objet, avec l’injonction de reconstruire une partie hors site (Giband & Siino, 2013).
En outre, un rééquilibrage des fonctions commerciales, économiques, sociales et culturelles par rapport à l’habitat est acté en introduisant ou en remettant à niveau des équipements publics, des services et des commerces (CES, 2013).
En définitive, la diversification est une condition de la mixité urbaine, dont la mixité sociale est en effet le signe majeur d’une banalisation « réussie » (CES, 2013). Le Comité d’Evaluation et de Suivi de l’ANRU6 arrivera à cette conclusion dans plusieurs ouvrage (CES 2009 ; 2012 ; 2013 ; 2014).
 Réaffirmer la lisibilité urbaine Autres problèmes des quartiers d’habitat social : l’absence d’organisation d’une trame viaire cohérente avec la multiplication de voies en impasse ou en cul-de-sac, la confusion des espaces et la difficulté à s’orienter, l’absence de gestion et de qualification des espaces extérieurs, la prolifération des espaces résiduels et surtout une absence de délimitation entre les espaces publics et privés. Les opérations qui cherchent à cerner ces situations sont définies dans les dispositifs de résidentialisation. La résidentialisation s’applique à plusieurs aspects et thématiques des cités.
Pour ce que concerne l’aspect spatial, la résidentialisation consiste souvent à constituer des unités résidentielles en groupant des immeubles proches. Le principe est de former des ilots, forme urbaine précédemment inexistante dans ces quartiers à travers, notamment, la reconstitution de trames viaires qui iront entourer les immeubles groupés. De cette façon, on espère réintroduire un rapport à la rue, similaire à celui de la ville classique.
Du point de vue de la gestion urbaine, la résidentialisation vise à bien différencier l’espace public, dont la responsabilité retombe sur la ville, et l’espace privé résidentiel, responsabilité du bailleur. Bien que l’aspect sécuritaire ne soit pas clairement cité dans la documentions ANRU, l’amélioration de la sécurité urbaine constitue une préoccupation majeure de tous les projets de rénovation urbaine (CES, 2013) et elle trouve une application dans la résidentialisation. L’introduction de grilles, digicodes et interphones qui font très souvent partie des actions de résidentialisation vont effectivement dans cette direction.
Du point de vue social, la résidentialisation souhaite implanter, dans les quartiers d’habitat social, les formes urbaines qui se sont développées dans les quartiers habités par des classes plus aisées et sont désignées par le terme de « résidence », justement. Le but est de promouvoir une image plus positive et valorisante du quartier.

La rénovation urbaine, un remède efficace ?

A la question de savoir si la rénovation urbaine est un remède efficace ou non, la réponse change selon qui donne la réponse, mais aussi selon le problème qui permet de tester de son efficacité.
La classe politique et les experts en proclament les succès. La synthèse du rapport du 2012 du Comité d’Evaluation exprime bien la raison de la satisfaction générale ressentie envers l’ANRU et son programme de rénovation urbaine : « L’action publique a enfin, à travers l’ANRU, permis de laver l’affront des situations de honte nationale que représentait l’état de certaines villes, de certains quartiers, de certains immeubles abandonnés par la République (CES, 2013, p.11).
Les rapports de l’ANRU abondent aussi de témoignages des élus qui expriment leur enthousiasme envers cette agence et son programme : « Avec l’ANRU, c’est un immense espoir qui naît pour redessiner l’avenir, en termes d’équilibre du logement, de mixité sociale, de redynamisation, en fait de cohésion sociale de notre ville» (M. Lefevre, maire UMP de Garges-les-Gonesses) ; «Seule une intervention d’une ampleur exceptionnelle pouvait changer radicalement l’image du secteur du 8 mai 45 et permettre d’inverser la tendance à la dégradation et la paupérisation du quartier. Cela n’a été rendu possible que par la forte implication de l’ANRU dans le projet » (A. David, maire PS de Cenon) (En Epstein, 2011 p .15).
Une des raisons de la satisfaction rapportée ici concerne les efforts financiers déployés par l’ANRU dans ces quartiers précédemment « abandonnés par la République ». Comme exprimé par l’Union Sociale pour l’habitat : « La concentration des moyens et la pluri-annualité des financements sont indiscutablement les deux éléments les plus positifs de cette initiative » (Pacoud, 2008). L’amplitude  de moyens dédiés au programme de rénovation l’a amené même à être associé au plan Marshall et à être décrit comme « le plus grand chantier du siècle » (publié par le Figaro Magazine le 16 février 2007, en Epstein, 2012)
Selon le CES, ces moyens monétaires ont servi à financier les différents succès de l’ANRU :
« conjuguer l’action des acteurs de rénovation urbaine, au premier titre desquels il faut placer les collectivités locales et les bailleurs sociaux, a apporté aux habitants une meilleure qualité de vie. Les habitants ont pu bénéficier de réhabilitations d’envergure. Les espaces publics et les équipements ont connu une amélioration qualitative particulièrement forte. Les conditions de vie de millions habitants des quartiers ont été impactées positivement par le PNRU, qui leur a rendu dignité et fierté de leur quartier. Ce constat général d’amélioration du cadre de vie des quartiers et des conditions d’habitat justifie à lui seul la poursuite de la rénovation urbaine » (CES, 2013, p. 11). Les supporteurs du programme de rénovation peuvent donc apporter comme preuve de ses succès l’amélioration concrète intervenue dans les quartiers. Comme Epstein le remarque, ils peuvent en effet appuyer leur discours avec des photos, avant et après la rénovation, et avec des actions spectaculaires comme les démolitions des grands ensembles.
En revanche, les succès de l’ANRU ne font pas l’unanimité et une des critiques majeures en est justement le trop de « visibilité » des résultats.
Plusieurs auteurs universitaires (Donzelot 2012 ; Epstein, 2011 ; 2008), mais aussi le même CES (2009 ; 2012 ; 2013 ; 2014), soutiennent que le PNRU peut être présenté comme un succès incontestable parce qu’il focalise la plupart de ses efforts sur des réalisations visibles, à la différence des politiques d’accompagnement social dont il est trop éloigné. En effet, les actions d’animation, d’éducation ou d’insertion qui devraient être mises en œuvre dans le cadre de la politique de la ville sont essentielles pour le développement social des quartiers en rénovation, mais leurs effets sont beaucoup moins visibles pour qui ne réside pas dans ces quartiers.
Ce qui est critiqué ici est le décalage entre politiques urbaines et politiques sociales, la création de l’ANRU aurait scindé la politique de la ville qui, auparavant, avait une portée plus générale, entre ces deux secteurs qui ne communiquent pas assez et dont les interventions sociales représente le parent pauvre, sous financé et sous-estimé. La partie d’intervention physique sur l’urbain s’est retrouvée elle à être chargée de résoudre les problèmes sociaux qui se manifestent dans les quartiers.
De là, en découlent les autres insuccès qui sont imputés au PNRU. En effet, comme mentionné cidessus, l’amélioration du cadre de vie n’est pas le seul objectif du PNRU. Bien au contraire, le programme a des visées très ambitieuses dans le domaine du social, telle que la banalisation des quartiers, la mixité sociale et la réduction des inégalités.
Pour ce que concerne le premier grand objectif de la rénovation urbaine, la banalisation des quartiers ciblés, s’il est vrai que « la rupture avec l’urbanisme de l’après-guerre a été certaine la bienvenue par la taille modeste de nouvelles constructions, les façades volontairement hétérogènes et asymétriques, l’alignement à la rue, la délimitation claire des espaces publics et privés » (CES, 2013 , p 12) , elle n’a pas vraiment abouti à un gain d’attractivité et dans la plupart des cas elle n’a pas su éliminer la stigmatisation liée aux quartiers.

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