Rencontres des adultes à haut potentiel intellectuel avec la médecine générale française
Etat des connaissances en neurologie
Un QI>130 est corrélé à plusieurs particularités cérébrales: anatomiques et fonctionnelles.
Particularités anatomiques
Le potentiel intellectuel est positivement corrélé à une myélinisation accrue de la substance blanche, par rapport à la population générale (CHIANG, et al., 2009) et des connexions plus nombreuses (SOLE-CASALS, et al., 2019). Les dernières études de neuroimagerie montrent également que le QI varie proportionnellement à l’épaisseur corticale, surtout en frontal gauche (BURGALETA, JOHNSON, WABER, COLOM, & KARAMA, 2013).
Particularités fonctionnelles du HPI
Le Pr (GRUBAR) constate que: ▫ La latence d’apparition de la première phase de sommeil paradoxal est diminuée chez les enfants à HP, augmentée chez les enfants déficients mentaux, et le taux de sommeil paradoxal est augmenté chez les premiers et diminué chez les seconds. Ceci correspondrait à une plasticité cérébrale augmentée chez les enfants à HP et diminuée chez les enfants déficients mentaux ▫ Le rapport des fréquences oculomotrices (mouvements oculaires durant le sommeil paradoxal) est augmenté chez les enfants à HP et est diminué chez les déficients mentaux. Ceci correspondrait à une capacité à organiser les informations augmentée chez les premiers et diminuée chez les seconds. Les individus à HPI ont une connectivité supérieure au groupe contrôle (activité, connectivité) (NUSBAUM, et al., 2017). Rencontres des adultes à haut potentiel intellectuel avec la médecine générale française Les travaux les plus récents menés au Centre d’Imagerie du Vivant de Lyon (SUPRANO, et al., 2019) en comparant des enfants à QIT moyen et des enfants à QIT>130 en IRM de repos. Ils montrent notamment que le réseau « DMN4 » ou réseau du mode par défaut, étudié dans le « connectome » (HORN, OSTWALD, REISERT, & BLANKENBURG, 2013) est plus actif.
Variantes entre personne à HPI complexe et laminaire
Leur équipe, dont O.REVOL et D.SAPPEY-MARINIER cherche ensuite des différences fonctionnelles entre deux groupes d’enfants et adolescents à HPI laminaire d’une part, et complexe d’autre part. Ils corrèlent des activités plus importantes: Chez les laminaires : ▫ En cortex cingulaire post (maitrise des liens associatifs entre différentes informations), ▫ En aire de Broca (cortex dorsal antérieur gauche : mémorisation et sélection des informations) ▫ En aire de Wernicke (gyrus supra-marginal : compréhension des mots, restitution des informations) ▫ En cortex préfrontal dorso-latéral droit (contrôle du comportement ; inhibition) Chez les complexes : ▫ en cortex préfrontal dorso-latéral: supérieure à gauche chez les complexes (fonctionnement dit “en référence interne”) confirmées par études en “split”; donc moins de confrontation avec l’environnement; laminaires sont plus des ”adaptateurs”. De même, ils corrèlent des connectivités plus importantes : ▫ entre les deux hémisphères chez les laminaires (aptitudes visuo-spatiales) ▫ en hémisphère gauche chez les complexes (aptitudes de langage). A noter que ces deux dernières études ont été menées sur des enfants ou adolescents: leur généralisation à tout âge n’est pas actée.
Etat des connaissances en psychiatrie
Collusion et risque
Mon analyse de la littérature pivote autour de la question: avoir un HPI est-il facteur de risque psychiatrique? Cette question demande pour être testée d’en différencier l’effet de collusion avec la psychiatrie: l’un peut être perçu comme relevant de l’autre, et inversement. Le différentiel entre TDA/H (5) et HPI est la réflexion de ce type la plus flagrante. Une ouvrage dédié (BANGE) Souligne ces difficultés de discernement. Sans trouver de réel signe discriminant, O.REVOL recommande surtout pour ce faire d’évaluer leur QIT. Il conclut “porter ce double diagnostic, une évaluation rigoureuse s’impose, car les deux syndromes présentent volontiers une sémiologie commune. La distractibilité, l’impulsivité et l’agitation sont les fidèles compagnes de route de l’enfant HP”. C’est à mon sens en cela que la double approche psychologique et psychiatrique est nécessaire au médecin dont la pratique est transversale. La psychologie doit permettre de définir ce qu’est le haut potentiel intellectuel. La psychiatrie doit permettre de dire si le HPI entraîne des troubles psychiatriques (addictions, troubles psychotiques, névrotiques, anxio-dépressifs). La médecine générale doit savoir différencier les deux. « L’intelligence est un double mal : elle fait souffrir et personne ne songe à la considérer comme une maladie. » disait (PAGE, 2002). La science a nuancé ce propos et nous allons tenter d’y contribuer.
Approche quantitative
Le caractère physiologique du haut potentiel intellectuel, de nature statistique comme écart à une norme peut expliquer la relativité de son intérêt en médecine. On a démontré qu’il était positivement corrélé à la qualité de vie en population générale quand il est identifié (BRASSEUR & CUCHE, 2017). Si l’on s’intéresse en revanche aux adultes à HPI non identifiés comme tels, nous sommes face à une impasse méthodologique en questionnant ici ceux déjà identifiés. On peut toutefois interroger l’effet de l’identification sur la qualité de vie: en demandant si elle l‘a augmenté ou non, aux identifiés (question 7 du questionnaire) et en quoi (question 8). (BIDAUT GARNIER, 2008) réalisait en 2008 une revue de littérature pour répondre à ces questions: “Les personnes à haut potentiel intellectuel ont-elles une augmentation avérée du risque de développer des troubles médicaux ? Le médecin généraliste a-t-il les moyens de prévenir ces troubles, s’ils existent ? Comment un médecin généraliste peut agir concrètement, sans formation spécifique, et sans trop majorer le temps de ses consultations ?”. A celles-ci, elle répond que le pourcentage de HPI parmi les patients présentant une psychopathologie est plus élevé que dans la population générale: mais il s’agit de références à des études menées sur les enfants, et pour des effectifs de l’ordre de la centaine. On ne retrouve pas ce sur-risque dans littérature récente, d’après (BRASSEUR & CUCHE, 2017)
Analyse qualitative
Selon plusieurs auteurs, le HPI est à l’origine de particularités dans l’expression de troubles psychologiques, quand ceux-ci surviennent (qu’il y ait ou non de relation de cause à effet). Je les cite : « Un besoin de maîtrise et de justice, une très faible estime de soi, le sentiment d’être décalé par rapport à leur environnement, des difficultés à s’affirmer et une conscience douloureuse du monde. Ils pensent sur tout, tout le temps, intensément, sans cesse, mettent en perspective, anticipent, intègrent de nouvelles données qu’ils analysent en activant leurs logiciels. » (BOST, 2013). “Les enfants repérés à haut potentiel intellectuel (HPI) se caractérisent par une hypersensibilité émotionnelle dans les interactions avec les autres, ont généralement une faible estime de soi, un sentiment d’être décalé par rapport à leur environnement. Souvent, ils imposent d’emblée une distance relationnelle dans une démarche de défense par la cognition et semblent passer toute émergence émotionnelle par le filtre du rationnel. Leur souffrance est teintée de lucidité douloureuse.” (GUILLON, WURMBERG, & ERTLE, La clinique psychiatrique de l’adolescent suicidaire repéré à haut potentiel intellectuel, 2018). Il est fait description d’interactions apparaissant « verrouillées », la jeune personne à HPI imposant une distance relationnelle. On peut également en retenir une démarche dite de « défense par la cognition » consistant à rationnaliser les affects (opposer aux émotions un filtre d’idées « froides » sensé les contrôler).
Chapitre I : Introduction |