REMBLAIS SUE SOLS MOUS
INTRODUCTION
La construction de remblais sur sols compressibles pose de nombreux problèmes, qui sont associés d’une part à la faible résistance de ces sols, qui entraîne des difficultés à assurer la stabilité des remblais, et d’autre part à leur forte compressibilité, qui se traduit par des tassements et déformations importants des ouvrages. Pour construire tout de même les ouvrages désirés, on peut procéder au renforcement ou à l’amélioration du sol de fondation ou du remblai. Les techniques employées permettent soit d’améliorer la stabilité du remblai, soit d’accélérer le processus de consolidation, ou encore de diminuer le tassement final ou de résoudre les deux problèmes à la fois. Les principales techniques utilisées pour contrôler les amplitudes et les vitesses de tassement, ainsi que la stabilité du remblai sont le préchargement du sol mou, le préchargement avec des drains verticaux, la substitution partielle ou totale du sol de fondation, le renforcement du sol par des colonnes ballastées ou des colonnes de sol traité à la chaux ou au ciment, l’allégement du remblai… Le lecteur désirant plus de détails sur ces techniques pourra se reporter à l’ouvrage de Leroueil et al. (1985). Les problèmes de tassement résultant de l’interaction entre remblais et ouvrages d’art sont également difficiles à résoudre. En général, dans les sites de sols compressibles, les structures sont construites sur pieux. La présence, par exemple, de remblais d’accès à proximité des pieux entraîne le développement d’efforts importants de frottement négatif et de poussée horizontale sur les pieux. Nous nous intéressons dans ce mémoire à l’interaction entre deux remblais (principal et adjacent) dans le cas de l’élargissement d’un remblai existant. Différentes solutions ont été envisagées pour résoudre ce type de problème : mise en place d’un rideau de palplanches pour isoler les massifs de fondation des deux remblais, allégement du remblai qui constitue l’élargissement, utilisation de la « gap-méthode » lors de l’exécution du remblai d’élargissement (Couvreur et al., 1993) … Ce premier chapitre décrit les méthodes d’étude des remblais sur sols mous et les techniques d’élargissement.
Remblais sur sols mous : Méthodes de calcul
Etude de stabilité
La plupart des dépôts argileux présentent une croûte superficielle altérée et fissurée, dont le rôle est prépondérant dans la définition du mode de rupture. Pilot (1972) et Bjerrum (1972) ont noté cette particularité qui est liée à la forte résistance au cisaillement de cette croûte ou du matériau de remblai lorsqu’il est cohérent. Selon l’importance de cette couche, les ruptures de remblai observées ont été classées en deux grandes catégories correspondant à des modèles de calcul différents. Dans le cas où la croûte superficielle surmontant le sol mou est inexistante, le comportement du remblai est similaire à celui d’une poutre en flexion. Des fissures de traction peuvent se produire dans la partie inférieure du remblai, provoquant ainsi son affaissement et par la suite le poinçonnement de îa couche molle. D s’ensuit la formation de bourrelets de part et d’autre du talus. C’est une rupture générale par poinçonnement (fig. l.a). (c’est un cas très rare en site terrestre) Lorsque la couche est mince (fig. l.b), elle peut transmettre au remblai des déplacements horizontaux provoqués par le chargement de la couche molle, d’où l’apparition d’une fissure verticale dans le corps du remblai annulant toute résistance au cisaillement : il s’agit là d’une rupture par glissement avec fissuration du remblai qu’on rencontre dans le cas d’un remblai cohérent. Si, au contraire, la croûte superficielle est épaisse (fig. l.c), elle ne transmettra pas les déplacements horizontaux de la couche molle et le remblai ne sera pas fissuré : il s’agit d’une rupture par glissement sans fissuration du remblai qu’on rencontre dans le cas d’un remblai purement frottant. ^wirw^winKwirw^rwrK^wwr~\ a – Rupture par poinçonnement. ¡i^TK^rww^rw^r^^rwrKiK^: b – Glissement avec fissuration. c – Glissement sans fissuration. Figure 1.1. : Schémas types de rupture de remblai sur sols mous filagnan et al, 1984). 4 Un choix judicieux de la géométrie du talus de remblai lors de son édification permet d’éviter que l’argue soit en état de rupture sous reffet des contraintes de cisaillement induites dans le massif de fondation. La vérification de ce choix se fait au moyen du calcul de l’équilibre suivant une surface de rupture probable, généralement de forme circulaire. Cet équilibre est caractérisé par un coefficient de sécurité. 1,2,1,1 Stabilité au poinçonnement Le schéma de rupture du sol de fondation est supposé analogue à celui qui se produit sous une fondation superficielle. Matar et Salençon (1979) ont proposé des abaques (fig. 1.2) pour évaluer la pression limite sur un sol dont la résistance croît linéairement avec la profondeur. Dans ce cas, le sol de fondation est supposé homogène, d’épaisseur D. La résistance xf = cu, croît avec la profondeur z, avec une valeur en surface x0 et un gradient de cohésion g. La pression limite s’exprime alors par : D B X f= T o+g z /Xs rx\ /Xs, /¡fo. /»s fRs. /H\ /fa. /i^ /&> fxs. /K\ /Äs SK\ /As B/D 25 20 15 Ne „.2′ 10 ‘ 10’ 10 5 H 111) 111 V I02 O 3 1,72 Qß/r0 Figure 1.2. : Abaque de calcul du coefficient de sécurité selon la méthode de Matar et Salençon (1979). 5 Le coefficient de sécurité est donné par : 17 — « max où y^ est ia contrainte apportée par le remblai de poids volumique yr et de hauteur h,, sur son axe.
Stabilité en rupture rotationnelle
L’analyse de stabilité en rupture rotationnelle se fait traditionnellement au moyen de méthodes de calcul à la rupture qui donnent, par l’intermédiaire du coefficient de sécurité F, une idée de l’état d’équilibre du massif par rapport à l’équilibre limite, caractérisé par F = 1. La constance du coefficient de sécurité le long de la surface de rupture et les hypothèses simplificatrices utilisées dans ces méthodes rendent l’analyse globale et approchée. Skempton (1964) s’est penché sur le problème de la mobilisation de la résistance du sol. Il a déduit de l’étude de différents glissements que ni le coefficient de sécurité calculé à partir des caractéristiques résiduelles, ni celui calculé à partir des caractéristiques de pic ne correspondent à la réalité. D en a conclu que la mobilisation de la résistance au cisaillement n’est pas uniforme. Des recherches ont été engagées pour essayer de décrire la propagation des conditions « postrupture » (résiduelles) dans le sol. Ainsi, Athanasiu (1980) a utilisé la méthode des perturbations, qui permet de définir un coefficient de sécurité local en chaque point de la surface de glissement et de pouvoir ainsi suivre la propagation de la rupture. Cependant, les méthodes de calcul qui admettent la simultanéité de la rupture en tout point restent l’outil le plus utilisé par l’ingénieur géotechnicien. Pour les sols à la fois frottants et cohérents, ces méthodes subdivisent en tranches verticales la partie du massif limitée par la surface de glissement potentielle, d’où le nom de « méthode des tranches » (Fellenius, 1936; Bishop, 1955). La détermination du coefficient de sécurité d’un remblai se fait généralement au moyen d’abaques (Pilot et Moreau, 1973), ou par un calcul complet selon la méthode des tranches de Bishop (1955), ou la méthode des perturbations utilisées dans le logiciel PETAL du LCPC. L’utilisation de la méthode des éléments finis avec des lois rhéologiques adaptées a fourni dans certains cas des estimations satisfaisantes des déformations des sols mous jusqu’au voisinage de la rupture, mais elle ne fait pas partie des méthodes courantes des ingénieurs.