LE TOURISME CHINOIS À CHIANG MAI
Les touristes chinois ont commencé à s’aventurer hors de leur pays alors que la Chine vivait une période de transition majeure. Soudainement, les principales villes mondiales se sont retrouvées à jouer les hôtes d’un marché nouveau et peu connu. Chiang Mai fait partie de ces villes et est devenu une destination phare pour les touristes chinois de toutes les classes. En effet, sa proximité relative avec la Chine, son style de vie partageant des similitudes avec celui de la Chine, ses beautés naturelles abondantes, une richesse d’attractions touristiques et de nombreuses possibilité de shopping, sont là des qualités que Chiang Mai peut compter à son actif pour les touristes chinois. Sans mentionner un bon service, un bon rapport qualité/prix et une gastronomie notable que les visiteurs continuent d’apprécier. L’arrivée des touristes chinois a créé des opportunités mais aussi des challenges.
Cela force alors les locaux et l’industrie touristique locale à trouver une manière de s’adapter (TCDC, communication personnelle, 17 juin 2015). Peu après que le film Lost in Thailand soit sorti dans les salles de cinéma chinoises en 2012, les résidents de Chiang Mai se sont retrouvés à jouer les hôtes d’un grand nombre de touristes provenant de Chine. Ces derniers venant tous pour suivre les traces du tournage et des acteurs du film à succès, tourné à Chiang Mai notamment, ont plaisir à découvrir les paysages offerts par le Nord de la Thaïlande. Début 2015, la fièvre de Lost in Thailand s’est affaiblie mais les touristes n’ont pas disparu de Chiang Mai. En réalité, les chinois sont devenus les principaux touristes de la ville (TCDC, CP, 17 juin 2015). À noter également que le gouvernement militaire thaïlandais avait démarré en 2014 sa politique touristique en mettant en place la gratuité des visas pour les touristes chinois pendant trois mois, du 1er août au 31 octobre 2014, ce qui avait permis l’augmentation de 50% du nombre de visiteurs par rapport à la même période de l’année 2013. Depuis, le nombre d’arrivées a explosé, ayant même plus que doublé sur les mois de février et mars 2014 par rapport aux mois de février et mars 2013 (Gavroche Thaïlande, 2015, p. 40).
STATISTIQUES DE 2013 À 2015 DU SWISS-LANNA LODGE
Dans le but de mieux comprendre les enjeux liés au marché touristique chinois, quelques statistiques ont été réalisées par l’auteur de ce travail en s’appuyant sur les données enregistrées des clients du SLL via le gestionnaire de réservation Xotelia. Cette analyse ne s’appuie pas sur l’année 2014 écoulée à elle seule mais dès l’ouverture de la maison d’hôte en novembre 2013. Au sujet des nationalités des hôtes, dans le top trois des arrivées par destination au SLL, nous retrouvons la Chine, la France et la Suisse (depuis l’ouverture). Suivi des USA, du tourisme interne avec les Thaïlandais, des Anglais, Italiens, Belges et enfin les Taïwanais en 10ème position. Les touristes chinois sont ainsi largement représentés avec 22.4% des arrivées (27.5% si on compte les Taïwanais, les habitants de Hong Kong ainsi que Singapour). Il y a donc un réel intérêt à se promouvoir au mieux sur les réseaux chinois puisqu’ils sont apparemment sensibles aux offres promues par le SLL. De plus, une augmentation notable de leur présence est prévisible et pourrait ainsi prochainement atteindre le taux de 40%. Leur satisfaction est donc primordiale. En annexe II, le résumé avec les chiffres-clés 2014. On relève également à travers les statistiques entreprises que la saisonnalité à Chiang Mai est faible. Seuls les mois de mai, juin et septembre sont réellement bas. Quelques statistiques complémentaires sur le chiffre d’affaire, la durée des nuitées et les principaux moteurs de réservations utilisés par les hôtes chinois sont disponibles en annee XIV. Ces statistiques révèlent que la durée des nuitées au SLL est courte, en moyenne deux nuits, néanmoins cette mesure doit être modérée par le fait que certains hôtes prolongent leur séjour sur place. Le moteur de réservation principalement utilisé pour réserver une nuitée au SLL par les hôtes chinois est Booking.com. Finalement, le chiffre d’affaire démontre que l’entreprise, bien que jeune est déjà très efficace avec un taux de nuitée de 65.4%, néanmoins le chiffre d’affaire ne permet pas encore à l’établissement de dégager un réel bénéfice.
LA NATURE DU TOURISME CHINOIS
La République Populaire de Chine a longtemps été vue comme la dernière frontière de l’industrie touristique. Ils sont les derniers arrivés du tourisme de loisir. Ces activités étaient dénigrées pendant des années et amenées comme une perte de temps et une activité bourgeoise potentiellement dangereuse. Par la suite, la demande des élites urbaines auprès du gouvernement chinois pour découvrir le monde au-delà du royaume poussa se dernier à graduellement ouvrir les portes (Arlt, China’s Outbound Tourism, 2006, pp. 22-23). En raison de réglementations strictes, les citoyens de la Chine communiste n’étaient pas autorisés à voyager hors du pays et ce jusqu’en 1983 (Shawn, La Croix, & Mak, 2012b) date à laquelle la Chine donna la permission de sortir du territoire afin de visiter ses parents à Hong Kong, Taïwan et Macao. Toutefois, les visites étaient encore très limitées et les procédures de demande compliquées. Anecdote intéressante, la Chine n’a aucun équivalent à nos renommés explorateurs Marco Polo ou Abu Abdallah Muhammad2 dans leur mémoire collective (Guangrui, Wei, & Liu, 2005, p. 221).
Les Chinois, notamment durant le règne de Mao Zedong, ne considéraient pas seulement le tourisme comme dangereux mais aussi comme une dépense de leur revenu inutile (Arlt, China’s Outbound Tourism, 2006, p. 43). De plus, les rares privilégiés à pouvoir voyager le faisaient pour des raisons politiques, spécialement durant la révolution culturelle, quand les gardes rouges3 combinaient le tourisme avec la construction ardue d’une Chine socialiste (Chee-Beng, Cheung, & Hui, 2001, p. 53). Dès 1986, les lois administratives concernant la sortie des citoyens chinois du territoire ont donné le droit à ces derniers d’obtenir un passeport privé pour autant qu’une lettre d’invitation ou un sponsor venant de l’étranger pouvait être fourni (Pieke, 2002, p. 47). Deng Xiaoping lui voyait le tourisme comme une chance d’engendrer des échanges avec l’étranger : « Développer le tourisme devrait d’abord développer les entreprises, qui pourront alors gagner plus d’argent »4.
Avec le temps, les voyageurs ont de moins en moins été forcés à payer pour pouvoir sortir de Chine et le caractère des voyages est passé graduellement des visite à la famille et des proches vers un tourisme de loisirs et de shopping (Arlt, China’s Outbound Tourism, 2006, pp. 48-49). C’est seulement dans les années 1990 que le gouvernement chinois a commencé à ajouter des pays à ceux de la liste que les Chinois continentaux étaient déjà autorisés à visiter. Au début Singapour, la Malaisie et la Thaïlande. Cela a été une étape importante vers une politique plus ouverte au monde. Toutefois, il convient de mentionner qu’il y avait encore beaucoup de limites et d’obstacles concernant le voyage international. Seuls quelques organismes sélectionnés par le gouvernement chinois ont été approuvés et autorisés à émettre une autorisation de voyage (TCDC, CP, 17 juin 2015). Les premiers vrais accords ADS5 avec de nouvelles destinations ayant des communautés chinoises mais une histoire occidentale ont été signé en 1997 en commençant par l’Australie, puis en 1998 avec la Nouvelle-Zélande. Ces accords ont été appliqués dès 1999. Par la suite, un nombre considérable de pays asiatiques ont été ajoutés, puis en 2002 le premier pays européen, Malte et le premier pays africain, l’Egypte ont également été joints.
Ces impulsions positives ont permis un accord cadre général avec la majorité des pays européens en avril 2004, faisant de cette étape une vraie petite révolution pour le tourisme émetteur chinois (Arlt, China’s Outbound Tourism, 2006, p. 55). L’ADS permet aux touristes chinois de visiter le pays bénéficiaire. Toutefois, voyager dans ces pays nécessite toujours certains visas ou parfois même une invitation. Les Chinois pouvant assurer un soutien financier suffisant peuvent faire des voyages internationaux sans restrictions pour autant que le pays récepteur émet le visa à l’individu concerné (Organisation Mondiale du Tourisme, 2003). Recevoir le statut de destination approuvée par le gouvernement chinois est donc essentiel pour tous les pays voulant faire partie de ce géant du tourisme émetteur. Ainsi, il est peu probable que les visiteurs chinois se déplacent vers des pays ne disposant pas de la mention ADS. Le tourisme émetteur chinois est très important pour n’importe quel individu gagnant sa vie directement ou indirectement du tourisme, industrie habituellement décrite comme la plus importante du monde (Forbes Asia, 2013).
RÉSUMÉ |