RELATIONS ENTRE PARCOURS SCOLAIRE ET COMPETENCES EN FRANÇAIS DES APPRENANTS
L’ANALYSE ET L’INTERPRETATION DES RESULTATS DES OBSERVATIONS DE CLASSE ET DES ENTRETIENS AVEC DIVERS RESPONSABLES DE L’EDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT AU LYCEE
Nous nous sommes beaucoup plus fiés à l’observation de classe dans le cadre de nos recherches dans la mesure où son utilité est triple, un côté qui nous a beaucoup aidés d’ailleurs. En effet, elle permet d’abord d’enregistrer certains phénomènes qu’un informateur ou un enquêté pourrait intentionnellement ou non, omettre de nous dire. Ensuite, elle nous a donné la possibilité de contrôler les déclarations de ce dernier ; et enfin, elle nous a permis de mesurer la distance entre ce que nous considérons comme l’idéal, le droit (ce que dit en général l’informateur ou l’enquêté), et la réalité, les faits. Les observations de classes sont surtout orientées vers le comportement des apprenants pendant les séances de français, en fonction de l’application des différentes fonctions de l’enseignement à travers l’observation des enseignants.
Observation de classes
Matériels didactiques et pédagogiques
Dans aucun des établissements privés qui ont fait l’objet de notre recherche, il n’y avait pas de bibliothèque à la disposition des élèves. En fait, il en existe toujours une, pauvrement équipée et très vieille de par ses contenus (des livres anciennement édités et des documents probablement très rarement mis à jour) ; mais cela reste à la disposition des professeurs. En effet, comme il y en a déjà très peu, certains professeurs nous ont expliqué que les anciens élèves à qui on donnait le droit d’emprunter des livres à la bibliothèque ne les rendaient pas. Il y a également le fait que les établissements privés ne disposent pas de moyens financiers pour mettre à jour leur bibliothèque. Ainsi, les professeurs dans ces écoles-là ne peuvent que conseiller à leurs élèves de fréquenter des bibliothèques en dehors du lycée. En effet, il y en a beaucoup dans la ville d’Antananarivo. Cependant, la plupart des élèves s’y désintéressent totalement. Certes, il y a les exposés par le moyen desquels les enseignants les obligent à se documenter mais ils préfèrent avoir recours à Internet que d’aller chez CCAC ou à la bibliothèque nationale ou municipale… Pourtant, les données sur Internet sont certes, mises à jour régulièrement, mais c’est aussi un moyen de documentation très large qui nécessite un esprit de synthèse, sérieux et rigoureux de la part des élèves qui ont tendance à tout généraliser. L’autre inconvénient de cette méthode est que les élèves auraient tendance à ce qu’on leur présente des données toutes faites, ne nécessitant pas de réflexion personnelle, en ne faisant 70 que « copier coller » et présenter sans comprendre tout à fait leurs travaux de recherche. Un cas que nous avons rencontré dans un des lycées qui ont fait l’objet de nos recherches lors de la présentation d’un exposé sur la délinquance juvénile ; l’élève intervenant (un des meilleurs de la classe) ne sait même pas ce que veut dire « école buissonnière » quand ses camarades de classe le lui ont demandé lors de la séance de questionnement après la présentation de l’exposé. Et dans ce genre de situation, malheureusement, le professeur ne serait jamais en mesure de surveiller leur documentation, car les données sur Internet sont trop larges. Toutefois, nous n’affirmons pas ici que cette forme de documentation est inutile, au contraire. Seulement, elle ne devrait pas être un point de départ pour la documentation des élèves au lycée. D’ailleurs, un professeur de français nous a affirmé que les méthodes de documentation se fiant au moyen informatique, comportent des effets secondaires, tel que l’abrutissement des élèves, tout comme les jeux vidéo. Prioriser la lecture et le sens de la réflexion et l’esprit de synthèse serait la meilleure méthode d’apprentissage à leur niveau, Internet ne serait à ce moment là que source de documentation supplémentaire, en guise d’illustration par exemple. A part la bibliothèque, nous ne pouvons pas nous permettre de nous taire sur l’état des matériels pédagogiques dans ces lycées. En effet, les tables-bancs sont, on ne peut dire que, misérables à raison de 4 à 5 élèves par bancs sur une place de 3 ou de 3 sur une place de 2. Les salles non plus ne sont pas en nombre suffisant pour toutes les classes, soit on est dans l’obligation d’alterner les cours, et les élèves n’ont pas vraiment de salle de classe propre à eux. C’est ce qui explique le fait qu’aucune des salles de classe que nous avons pu voir n’est décorée d’une certaine façon, mais des tags à la place. Un signe de désintérêt pour l’école, faisant partie des éléments qui pourraient réduire la motivation des élèves pour aller à l’école. En effet, le nombre des absents à chaque cours, particulièrement aux cours de français auxquels nous avons assisté dans la plupart de ces lycées s’élève toujours à presque la moitié de la classe. Et où sont passés les autres ? Enfin, dans la plupart des lycées privés non confessionnels, il n’y a comme matériels didactiques et pédagogiques que le strict nécessaire : Un tableau noir assez usé par le temps, et un bureau juste ce qu’il faut pour un professeur, sans aucune esthétique, salle sans aucune décoration ; ce qui est encore une qualification susceptible de commentaire si tout le monde descend sur le terrain. IV.1.2 Déroulement des cours Notons que nous n’avons pas ciblé la nature des séances à observer pour la raison que ce qui nous importe le plus, c’est le comportement des élèves en classe de langue. Dans la plupart des cas, on peut dire que les cours se déroulent de façon plus ou moins similaire dans les trois établissements. Malgré la ponctualité des enseignants, les élèves arrivent par contre en vague pendant la première demi heure de la séance. Chaque cours commence par un appel à haute voix, pendant lequel le professeur parle en français, et par lequel nous avons pu remarquer que presque la moitié des élèves sont absents pendant les cours de français. Toutes les classes de lycée ne disposent que de 4 heures par semaine consacrées à la matière Français, réparties en deux séances de deux heures, ce qui n’est pas du tout conforme à la norme imposée par le programme national à ces niveaux. Ils appliquent le volume réduit pour toutes les matières en raison de problème financier. Dans une séance de révision, parallèlement à notre période d’enquête, on a pu remarquer quelque souci de discipline. Cela est d’autant plus important à mesure que l’on monte de niveau. On dirait qu’il faut à ces élèves passer par les deux autres niveaux (Première et Terminale) pour connaître la raison de leur présence dans une salle de classe, pour s’asseoir une certaine maturité dans les activités scolaires. Généralement, les professeurs dictent aux élèves les activités à faire, juste après une petite mise en train dans la plupart des cas : « qu’avons-nous fait la dernière fois ? » suivi d’un petit rappel pour vérifier les acquis des élèves, se faisant en langue française. Cette dictée des activités à faire est dans un triple objectif : asseoir l’ordre et le silence dans la classe, et en même temps, attirer leur attention et leur concentration sur les activités à faire et l’orthographe des mots, il existe également des élèves dont la compréhension est favorisée par l’écrit et l’écoute. Cependant, l’inconvénient de cette méthode reste que les élèves commettent plusieurs fautes d’orthographe, de grammaire. C’est par cette occasion que nous avons pu déduire que les élèves ont de très faibles niveaux de français. Dans tous les cas, les corrections d’exercices s’effectuent à peu près de la même façon. Des élèves sont désignés et donnent les réponses oralement. Cela favorise la prononciation des élèves, rectifiée occasionnellement par les professeurs. Toutefois, les fautes récurrentes d’orthographe et de grammaire des élèves ne seront jamais corrigées (principalement les marques du pluriel pour les verbes que pour les noms), problème posé par l’acquisition d’une langue étrangère où l’existence de règles dans le langage de l’apprenant (l’interlangue selon Selinker en 1972) a été postulée depuis l’article de Corder en 1967 (2). Or, ce sont généralement des fautes élémentaires qu’ils vont traîner jusqu’à un niveau plus élevé. Et à ce moment là, ce serait considéré comme des fautes grossières qui feraient obstacle à leurs études dans un niveau supérieur. Dans d’autres classes, nous avons pu assister à des séances d’exposés. Le professeur a donné le choix aux élèves quant aux thèmes des exposés ; ainsi qu’une méthode très simple 72 d’exposé (introduction – développement dialectique – conclusion). C’est ce que d’ailleurs les élèves ont suivi à la lettre. Les professeurs sont obligés de suivre le rythme de l’école à cause du niveau très faible et hétéroclite de la classe. C’est ainsi qu’un enseignant nous a expliqué qu’elle ne donne jamais de vrais textes littéraires aux élèves, mais des textes authentiques. C’est aussi la raison pour laquelle à l’issue d’un concours académique, le résultat de l’école est catastrophique, les élèves n’étant pas à niveau. Si l’on prête plus d’attention au comportement des élèves durant la séance d’exposés, on peut remarquer qu’ils n’écoutent pas vraiment mais une contrainte les oblige à rester éveillés et actifs, tout en copiant ce qui est écrit au tableau, au lieu d’écouter. A noter aussi que l’exposé est copié en intégralité au tableau noir, et que les intervenants ne font que lire, très absorbés dans leur préparation, ce qui donne un ton un peu monotone à l’ambiance. Au fait, ils sont habitués au fait que le professeur fasse une petite interrogation écrite, notée, sur feuille après chaque exposé, concernant le thème traité, une méthode assez efficace dans le cas de ces élèves. Ainsi les parties de la prestation des intervenants se répartissent en présentation du groupe, l’introduction générale, les parties proprement dites de l’exposé, la conclusion, le remerciement de l’assistance, et enfin la sollicitation de questions de la part des collègues. Cette dernière partie prend plus de temps, la moitié de la séance. A remarquer cependant que parmi les quarantaines de questions posées plus ou moins maladroitement, 12,5% sont posées par le professeur tandis que 87,5% partagées entre 5 ou 6 élèves de toute la classe. Dans toutes les séances que nous avons pu observer, les élèves posent des questions, en français ou en franc-gasy selon la complexité de ces dernières, sur des vocabulaires qu’ils n’ont pas compris. Pour cela, 33,33% des professeurs demandent d’abord à la classe si quelqu’un pourrait répondre avant d’expliquer le ou les mots non compris en français ou en franc-gasy, tandis que 58,33% résolvent tout de suite la difficulté par eux-mêmes, et 8,33% ne donnent pas l’explication mais demandent aux élèves de faire des recherches dans le dictionnaire ou chez eux, afin de l’expliquer à la classe lors de la séance suivante, en illustrant à l’aide d’exemples. Cette dernière méthode, très rarement exploitée dans ces établissements s’avère très utile dans le cas où l’élève en difficulté se documenterait vraiment, car cela favorise son esprit de recherche et de synthèse. Cependant, elle pourrait bloquer la spontanéité de certains élèves à poser des questions, par paresse ou par peur que la question se retourne contre eux. Dans la plupart des cas, professeurs et élèves se séparent toujours soit par des exercices à faire à la maison, soit par des exercices non corrigés. Généralement, les enseignants se montrent exigeants dans cette partie pour obliger les élèves à faire les exercices. Cela se fait ainsi en franc-gasy ou en malgache en fonction de la tension de 73 l’imposition du professeur. A remarquer que dans toutes les classes, les élèves se montrent très insolents si les professeurs dépassent d’une minute la fin de la séance. Pendant les cours de français, les élèves sont plutôt attentionnés quand on leur donne des tâches à faire (dictée), ou quand ils savent ce à quoi ce qu’on leur fait faire leur serait utile prochainement. Une séance ne se déroule pourtant jamais exclusivement en français en raison de la faible compréhension des élèves. Ce qui est à remarquer aussi, c’est que les élèves sont plus insolents et perturbent la classe au lycée, à mesure que leur niveau monte. Mais une bonne séance de français ne découle pas seulement des comportements des élèves en classe, de l’interaction professeurs élèves dépend généralement l’action enseignement /apprentissage.
PREMIERE PARTIE : LA PLACE DE LA LANGUE FRANCAISE DANS L’ENSEIGNEMENT AMADAGASCAR CHAPITRE I : LE FRANÇAIS : LANGUE D’ENSEIGNEMENT DANS LES LYCEES |