Relations entre la typologie des agro-écosystèmes fruitiers et les fluctuations de la population de la mouche des fruits
Les mouches des fruits
Systématique La famille des Tephritidae renferme les mouches des fruits qui comptent environ 4200 espèces réparties dans 471 genres (Norrbom et al., 1998). Toutes les espèces de cette famille ne sont pas des ravageurs de fruits : certains taxa comme la sous-famille des Trypetinae par exemple, s’attaquent aux fleurs (surtout d’Asteraceae). D’autres comme la sous-tribu des Gastrozonina sont des ravageurs de tissus parenchymateux de racines, de tiges ou de feuilles (White et ElsonHarris, 1992).
Biologie et cycle de la reproduction et de développement
Plus de 30 % des espèces de mouches des fruits se développent dans les fruits hôtes. Cette fraction comprend aussi bien les espèces univoltines et oligophages (Rhagoletis spp. des régions tempérées) que les espèces mulitivoltines et polyphages (Ceratitis et Bactrocera spp. des régions tropicales et subtropicales) (Rousse, 2007). Le cycle de développement des Tephritidae se subdivise en 4 stades : oeuf, larve, pupe et imago. Les oeufs d’environ 1 mm de long, sont blancs et légèrement arqués. A l’éclosion, de minuscules asticots émergent des oeufs. Les nutriments dont les larves se nourrissent : glucides, protéines et eau, sont tirés de la pulpe du fruit. La durée du développement larvaire comprend trois stades (L1, L2, L3). Elle peut varier fortement pour une espèce donnée en fonction du fruit-hôte (Fernandes-Da-Silva et Zucoloto, 1993). A l’issue du troisième stade larvaire, l’asticot quitte le fruit et se laisse choir sur le sol pour s’y nymphoser. Il se transforme alors en une pupe de laquelle émergera l’adulte. En effet la plus grande partie de ces larves sort pendant la période qui suit ou précède immédiatement les températures minimales nocturnes, c’est-àdire avant l’aube, lors des premiers rayons du Soleil. Elles privilégient ainsi les conditions environnementales les plus favorables, notamment l’humidité, afin d’éviter les risques de déssication (Mille, 2010). Trois étapes importantes peuvent être distinguées dans la biologie de la reproduction des mouches des fruits. Il s’agit de la maturation des gonades et des gamètes, de l’accouplement et de la ponte. Au cours de l’ovogenèse, trois étapes sont particulièrement remarquées (Williamson, 1989) : -La pré-vitellogénèse : les trophocytes prévitellogéniques sont en cours de formation, les follicules ont un aspect translucide. Chapitre 1 : Synthèse bibliographique 8 -La vitellogénèse : les cellules folliculaires entreprennent leur différenciation, une partie de l’ovocyte prend une coloration blanchâtre. -La maturité des oeufs : l’ovocyte comprend un chorion bien développé et une membrane vitelline
Influences des facteurs environnementaux
Les principaux facteurs pouvant affecter la distribution et/ou la compétition chez les Tephritidae sont la température et l’humidité.
La température
La température a une influence très importante sur le développement et la survie des Tephritidae. De nombreuses études ont déterminé les seuils minimaux de développement et les constantes thermiques pour différentes espèces (Messenger et Flitters, 1958 ; Kasana et Aliniazee, 1994 ; Vargas et al., 2000). Ces études montrent que la domination d’une espèce dans un biotope sera fonction de la température mais aussi de la latitude et de l’altitude. Par exemple, à Hawaii, si Bactrocera dorsalis domine sur la quasi-totalité de l’île, Ceratitis capitata subsiste dans les Hauts (Debach, 1966).
L’humidité
Chez Bactrocera oleae (Gmelin), le temps de développement des oeufs à 20° C pouvait augmenter de 84 à 102 h lorsque l’humidité relative décroît de 100 à 75 % (Tsitsipis et Abatzis, 1980). En conditions naturelles, l’influence de l’humidité relative sur le stade embryonnaire et les stades larvaires, est certainement davantage modulée par le fruit hôte que par les conditions climatiques.
La lumière
La lumière joue un rôle important sur la fécondité des mouches des fruits et, par conséquent, influence leurs activités journalières. Les Dacinae sont en général actives le jour et au repos la nuit sur la face inférieure des feuilles des plantes. En effet pendant la journée leurs activités se résument à l’alimentation, l’accouplement, l’oviposition. Elles dépendent de plusieurs facteurs dont l’âge, le sexe, la disponibilité de l’hôte et les conditions climatiques (Fletcher, 1987). Chez certaines espèces, les mâles adultes et les femelles gravides et vierges ont une activité sexuelle frénétique à mesure que l’intensité lumineuse diminue. Ainsi, la femelle de Bactrocera carambolae s’accouple au dessous de 1000 Lux 18 jours après l’émergence (Mclnnis et al., 1999). Certaines espèces de Tephritidae sont inféodées à des biotopes bien définis. Ainsi, Chapitre 1 : Synthèse bibliographique 9 Bactrocera dorsalis est une espèce tropicale dont les adultes entrent en torpeur lorsque les températures sont inférieures à 7°C et meurent en dessous de 2°C. D’autres comme Ceratitis capitata par contre, sont adaptées à une large gamme d’habitats, ce qui explique sa quasi ubiquité (Udvardy, 1969). Dans certaines régions montagneuses, Bactrocera dorsalis est dominante aux basses et moyennes altitudes alors que Ceratitis rosa domine aux hautes altitudes (Mwatawala et al., 2006). Les femelles d’espèces polyphages comme Bactrocera tryoni (Froggatt), pondent dans les fruits de plantes appartenant à plusieurs familles (Drew, 1989 ; Fitt, 1990) alors que chez Bactrocera oleae (Gmelin), espèce monophage, la ponte n’a lieu que dans l’olive (White et Elson-Harris, 1992). Cependant plusieurs espèces oligophages se reproduisent principalement sur les espèces de plantes de la même famille (Norrbom et al., 1998). Bactrocera cucumis (French), est l’espèce oligophage typique qui ne se reproduit que sur des plantes de la famille des Cucurbitacae (Smith et al., 1988)
Comportement
Alimentaire
L’adulte, tout comme la larve, a besoin d’une alimentation glucidique et protéique. Il s’alimente principalement sur les feuilles des plantes, où il trouve les différents nutriments dont il a besoin : sucre, protéines et eau dans la sève ou les sécrétions foliaires des plantes, les colonies bactériennes, les levures, le miellat d’Homoptères ou les fientes d’oiseaux (Prokopy et Roitberg, 1984).
Sexuel
Un comportement de cour du mâle précède généralement l’accouplement. Le fait le plus remarquable est, chez certaines espèces l’existence d’un appel phéromonal des mâles. C’est notamment le cas pour les mâles de C. capitata, C. rosa et C. catoirii (Quilici et al., 2002). L’appel consiste en la dévagination d’une ampoule anale qui libère une phéromone très odorante attractive pour la femelle.
Ponte
Lors de la ponte, plusieurs comportements peuvent être observés sur le fruit : la prospection, le nettoyage, l’agressivité envers d’autres femelles, la ponte ou la tentative de ponte, le frottement de l’ovipositeur et le nettoyage de l’ovipositeur. Dès que la femelle est prête à pondre, après un certain temps de prospection, elle étend son ovipositeur et commence à forer dans le fruit hôte. Les œufs sont pondus à quelques millimètres sous l’épiderme du fruit. Les dégâts se traduisent par une décoloration de l’épiderme du fruit au niveau de la piqûre puis par la pourriture du fruit. Après la ponte, les femelles de nombreuses espèces marquent le site de Chapitre 1 : Synthèse bibliographique 10 ponte en y déposant une phéromone (HMP : Host Marking Pheromone) qui inhiberait la ponte d’autres femelles (Prokopy et Roitberg, 1984).
Plantes hôtes
L’espèce du fruit hôte influe, au travers de sa qualité, à la fois sur le développement des stades immatures, avec une répercussion possible sur la fécondité des adultes, et sur leurs comportements. Une étude réalisée sur cinq espèces de Dacini, a révélé que l’abondance des espèces sur différents fruits hôtes est davantage due au comportement de choix de femelles qu’à la spécialisation larvaire (Fitt, 1986). Toutefois, si beaucoup de plantes hôtes peuvent supporter le développement complet de différentes espèces de Tephritidae, la qualité de l’hôte détermine des différences importantes dans la survie, le développement larvaire et la fécondité des adultes (Fernandes-Da-Silva et Zucoloto, 1993). Ainsi, Carey (1984) a montré que le temps de développement larvaire de Ceratitis capitata à 25°C passe d’environ une semaine sur un hôte tel que la mangue (Mangifera indica L.) à plus de trois semaines sur le coing (Cydonia oblonga Miller).
L’impact économique
Plusieurs espèces de mouches des fruits infligent de lourdes pertes à la production agricole. Il s’agit des pertes directes de rendement et des dépenses de luttes accrues, mais aussi la perte des marchés d’export à cause des conséquences liées à la quarantaine. La grande majorité des ravageurs de la famille des Tephritidae appartient aux genres Anastrepha, Bactrocera, Ceratitis, Dacus et Rhagoletis. Les hôtes de ces mouches appartiennent à un grand nombre de familles de plantes et incluent beaucoup d’espèces ayant une très grande importance commerciale. Au Sénégal, Bactrocera dorsalis a été trouvée sur 58 plantes fruitières dans et aux alentours des vergers des Niayes, Thiès et Sindia (Ndiaye, 2009). Le genre Bactrocera originaire des zones tropicales, est le plus économiquement important, avec environ 40 espèces considérées comme des ravageurs importants (White et Elson-Harris, 1992). C’est tout particulièrement vrai pour Bactrocera dorsalis, considérée comme l’une des espèces les plus nuisibles en Afrique. Elle attaque en priorité les mangues, les agrumes, les goyaves et les papayes, mais aussi les fruits d’environs 40 plantes tropicales (bananes, melon, etc.) (Brunel et Petter, 2009). Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
Lutte contre les mouches des fruits
Lutte à base de produits chimiques
La lutte à base de produits chimiques à large spectre d’action est l’une des principales actions menées contre les mouches des fruits dans de nombreux agro-systèmes. Elle repose encore trop souvent sur l’utilisation de pesticides, seuls ou mélangés à des attractifs alimentaires (Roessler, 1989). L’usage de ces insecticides permet de tuer non seulement les mouches des fruits et beaucoup d’autres insectes non cibles mais aussi a un impact négatif sur l’environnement. De plus, l’acquisition et l’application de ces produits ont des coûts souvent élevés et la protection de la production qu’elles assurent contre les mouches des fruits a une efficacité très limitée dans le temps.
Lutte à base d’agents biologiques
Un certain nombre de méthodes de lutte biologique sont encore en développement. Les parasites des mouches du genre Opius apparaissent comme les plus prometteurs pour la lutte biologique. Par exemple, des populations d’Oecophylla longinoda (Hymenoptera Formicidae) ont été étudiées sur des cultures pérennes (Hugon, 2007). Dans des vergers de manguiers, il a été remarqué que l’abondance des fourmis tisserandes réduisait considérablement les dégâts des mouches des fruits dans les vergers de manguiers (Van Mele, 2007 ; Diamé et al., 2015).
Les parasitoides
Les larves de plusieurs espèces de tephritidae sont parasitées par des hyménoptères de la famille des Braconidae (Wharton et Gilstrap, 1983) pouvant détruire de 2 % des populations de Ceratitis capitata (Mausse et Bandeira, 2007). L’arrivée, en 1945 de la mouche orientale Bactrocera dorsalis (Hendel) à Hawaii, a déclenché une intense dynamique de prospection, dont les fruits profiteront à plus long terme à l’ensemble des pays concernés par le problème des mouches des fruits (Rousse, 2007). Un total de 32 ennemis naturels a été introduit dans cette région, entre 1947 et 1952 (Bess et al., 1950 ; Bess et al., 1961 ; Clausen, 1965). Cette lutte s’est révélée être un succès sur Bactrocera dorsalis (Hendel) et Ceratitis capitata (Wiedemann) et non sur Bactrocera cucurbitae (Coquillet) (Waterhouse, 1993). Fopius arisanus (Sonan) est l’un des parasitoïdes dominant sur B. dorsalis et C. capitata à Hawaii (Haramoto et Bess, 1970 ; Vargas et al., 2001). Un an après l’introduction de Fopius arisanus, 60 % de diminution des populations de Bactrocera dorsalis a été estimé (Newell et Haramoto, 1968). L’efficacité est souvent jugée aux seuls taux de parasitisme observés sur le terrain après lâcher, ce qui manque parfois de pertinence dans une optique d’analyse coût/bénéfice (Rousse, 2007).
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