Relations de dominance stochastique « classiques »
Dans la suite nous utiliserons le terme « classique » pour désigner les notions et les résultats se rapportant au cas où l’espace mesurable sous-jacent (Ω, F) est muni d’une mesure de probabilité. Nous renvoyons le lecteur aux monographies de Müller et Stoyan (2002), et de Shaked et Shanthikumar (2006), pour une présentation des ordres stochastiques « classiques » et pour des références. Nous rappelons les définitions suivantes : Définition 0.4.1 Soit X et Y deux variables aléatoires réelles sur (Ω, F), soit P une probabilité sur (Ω, F). Nous disons que la variable aléatoire X précède la variable aléatoire Y pour la relation de dominance stochastique croissante (ou pour l’ordre croissant) par 0.5. Mesures du risque statiques 19 rapport à la probabilité P si EP (u(X)) ≤ EP (u(Y )) pour toute fonction u : R → R croissante, pourvu que les intégrales existent et soient finies. En remplaçant l’ensemble des fonctions u croissantes, par l’ensemble des fonctions croissantes convexes (resp. par l’ensemble des fonctions croissantes convexes de la forme x → (x−b)+, où le nombre b ∈ R) nous obtenons la définition de l’ordre croissant convexe (resp. de l’ordre dit « stop-loss » bien connu dans la littérature actuarielle – cf., par exemple, Denuit et al. 2006). Définition 0.4.2 Soit X et Y deux variables aléatoires réelles sur (Ω, F), soit P une probabilité sur (Ω, F). Nous disons que la variable aléatoire X précède la variable aléatoire Y pour la relation de dominance stochastique croissante convexe (ou pour l’ordre croissant convexe) par rapport à la probabilité P si EP (u(X)) ≤ EP (u(Y )) pour toute fonction u : R → R croissante convexe, pourvu que les intégrales existent et soient finies. Définition 0.4.3 Soit X et Y deux variables aléatoires réelles sur (Ω, F), soit P une probabilité sur (Ω, F). Nous disons que la variable aléatoire X précède la variable aléatoire Y pour la relation de dominance stochastique « stop-loss » (ou pour l’ordre « stop-loss ») par rapport à la probabilité P si EP ((X − b)+) ≤ EP ((Y − b)+), pour tout b ∈ R, pourvu que les intégrales (existent et) soient finies. Ces définitions ne font intervenir que les « lois » (par rapport à la probabilité P) des variables aléatoires X et Y , et peuvent être caractérisées en termes des fonctions de répartition FX et FY de X et Y , d’une part, ainsi que des fonctions quantile qX et qY de X et Y , d’autre part. La généralisation de ces caractérisations au cas où l’espace sous-jacent (Ω, F) est muni d’une capacité µ qui n’est pas nécessairement une mesure de probabilité sera l’objet de la section 2.3 du chapitre 2, et de la sous-section 3.3.1 du chapitre 3.
Mesures du risque statiques
Nous rappelons la définition suivante : 20 Introduction générale Définition 0.5.1 1. Une fonctionnelle ρ : L∞(Ω, F, P) → R est appelée une mesure du risque monétaire si elle satisfait aux propriétés suivantes pour tout X, Y ∈ L∞(Ω, F, P) : (i) (monotonie) X ≤ Y ⇒ ρ(X) ≤ ρ(Y ) (ii) (invariance par translation) ρ(X + b) = ρ(X) + b, ∀b ∈ R 2. Une mesure du risque monétaire ρ est dite sous-additive si elle satisfait à la propriété supplémentaire de (iii) (sous-additivité) ρ(X + Y ) ≤ ρ(X) + ρ(Y ), ∀X, Y ∈ L∞(Ω, F, P). 3. Une mesure du risque monétaire et sous-additive ρ est dite cohérente si elle satisfait, de plus, à la propriété suivante : (iv) (homogénéité positive) ρ(λX) = λρ(X), ∀λ ∈ R+. Le terme monétaire fait référence à la propriété (ii) d’invariance par translation (appelée également « cash invariance »)-cf. Föllmer et Schied (2004). Le définition de mesure du risque cohérente rappelée ci-dessus coïncide, à un signe près, avec celle donnée par Artzner et al. (1999). La « convention du signe » que nous adoptons dans cette thèse de doctorat est celle utilisée dans les cas où les variables aléatoires sont interprétées comme des pertes. Dans les travaux de Föllmer et Schied (2004), et Frittelli et Rosazza Gianin (2002), les hypothèses d’homogénéité positive et sous-additivité ont été remplacées par l’hypothèse plus faible de convexité de ρ. D’autre part, dans la littérature portant sur le calcul de primes en assurance, des fonctionelles vérifiant une propriété d’additivité comonotone ont été considérées, notamment par Wang (1996), Wang et al. (1997), Denneberg (1990) ; des fonctionnelles comonotonement additives ont également été considérées par Föllmer et Schied (2004). Dans le travail de Laeven (2005), Song et Yan (2006), Heyde et al. (2007), des mesures du risque monétaires positivement homogènes et comonotonement sous-additives ont été étudiées. Ces mesures du risque peuvent être vues comme une généralisation des mesures du risque cohérentes de Artzner et al. (1999), ainsi que comme une généralisation des mesures du risque de Wang (1996) et Denneberg (1990). Par ailleurs, de nombreux auteurs se sont intéressés à des mesures du risque qui, parmi d’autres propriétés, vérifient une propriété de monotonie pour une relation de dominance stochastique « classique » donnée (la terminologie mesures du risque consistantes est également utilisée). Parmi les travaux de ce domaine nous pouvons citer ceux de Dana (2005), Denuit et al. (2006), Song et Yan (2009), et renvoyer également aux références données par ces auteurs. Rappelons que dans le cas où l’espace de probabilité (Ω, F, P) sous-jacent est sans atomes, la propriété de monotonie (ou consistance) pour l’ordre croissant « classique » d’une fonctionnelle ρ définie sur L∞(Ω, F, P) est équivalente à la propriété d’invariance 0.6. Brève présentation des résultats du chapitre 1 21 en loi de ρ. Ainsi, dans la liste des auteurs déjà cités, pouvons-nous rajouter ceux qui se sont intéressés aux mesures du risque invariantes en loi- cf. Kusuoka (2001), Jouini et al. (2006), etc. Une partie importante de cette thèse de doctorat est consacrée à l’étude de mesures du risque comonotonement additives et consistantes pour une relation de dominance stochastique « généralisée » donnée. Les résultats de cette thèse de doctorat sont organisés en quatre chapitres. La section 1.4 du chapitre 1 et le chapitre 2 sont basés sur le document de travail Grigorova (2010). La section 1.4 du chapitre 1 a fait l’objet d’une note intitulée « Hardy-Littlewood’s inequalities in the case of a capacity » parue dans la revue « Comptes Rendus Mathématique ». Le chapitre 3 est basé sur le document de travail Grigorova (2011) ; nous y rajoutons ici quelques compléments.
Brève présentation des résultats du chapitre 1
Quelques outils mathématiques utiles La section 1.2 du chapitre 1 peut être considérée comme préparatoire. Nous y introduisons la terminologie qui sera utilisée dans la suite et nous faisons des rappels sur des notions de base dont les notions de fonction de répartition et fonction quantile d’une fonction mesurable par rapport à une capacité : Définition 0.6.1 Soit µ une capacité sur (Ω, F). Soit X une fonction mesurable sur (Ω, F) à valeurs dans R¯. La fonction de répartition GX,µ de X par rapport à µ est définie par GX,µ(x) := 1 − µ(X > x), pour tout x ∈ R¯. Nous appelons fonction quantile de X par rapport à µ toute inverse généralisée rX,µ : (0, 1) −→ R¯ de la fonction croissante GX,µ. Remarque 0.6.1 Le lecteur pourrait se poser la question des liens entre la fonction GX,µ de la définition 0.6.1 et la fonction, soit FX,µ, définie par FX,µ(x) := µ(X ≤ x), pour tout x ∈ R¯. Les deux fonctions GX,µ et FX,µ ne sont pas nécessairement égales. Nous remarquons le lien suivant entre les deux fonctions : FX,µ(x) := µ(X ≤ x) = 1 − µ¯(X > x) = GX,µ¯(x), pour tout x ∈ R¯. En utilisant la terminologie de la définition 0.6.1, nous avons donc que la fonction FX,µ est égale à la fonction de répartition de X par rapport à la capacité duale µ¯. Dans ce premier chapitre nous donnons également quelques compléments sur les fonctions quantiles par rapport à une capacité (cf. section 1.3). Nous y démontrons, en particulier, la proposition suivante : 22 Introduction générale Proposition 0.6.1 Soit Z une fonction mesurable réelle sur (Ω, F), soit µ une capacité sur (Ω, F) et soit f une fonction décroissante. Supposons que f et GZ,µ¯ n’ont pas de discontinuités en commun (où µ¯ dénote la capacité duale de la capacité µ). Alors, la fonction f ◦ rZ,µ¯(1 − ·) est une fonction quantile de f(Z) par rapport à µ. En particulier, rf(Z),µ(t) = f(rZ,µ¯(1 − t)), pour presque tout t ∈ (0, 1). Nous y établissons également (cf. section 1.4) une généralisation des inégalités de Hardy-Littlewood dans le cas où l’espace mesurable sous-jacent est muni d’une capacité µ qui n’est pas nécessairement une probabilité. Plus précisément, nous établissons le résultat suivant : Théorème 0.6.1 (Inegalités de Hardy-Littlewood dans le cas d’une capacité) Soit µ une capacité sur (Ω, F). Soit X et Y deux fonctions mesurables positives dont les fonctions quantiles (par rapport à la capacité µ) sont dénotées rX,µ et rY,µ. 1. Si µ est concave et continue par en-dessous, alors Eµ(XY ) ≤ R 1 0 rX,µ(t)rY,µ(t)dt. 2. Si µ est convexe et continue par en-dessous, alors Eµ(XY ) ≥ R 1 0 rX,µ(1−t)rY,µ(t)dt. Nous faisons quelques remarques sur les bornes dans le théorème précédent. Nous remarquons que, comme dans le cas « classique » où µ est une probabilité, la borne supérieure dans le théorème 0.6.1 est atteinte par tout couple de fonctions mesurables comonotones. Nous remarquons que la borne inférieure est, elle aussi, atteinte. De plus, nous établissons le résultat suivant concernant la borne inférieure : Proposition 0.6.2 Soit µ une capacité sur (Ω, F) convexe et continue par en-dessous. Si Eµ(XY ) = R 1 0 rX,µ(t)rY,µ(1 − t)dt, pour tout couple (X, Y ) de fonctions mesurables positives anti-comonotones, alors µ est une mesure de probabilité.
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