Eco géomorphologie des marais intertidaux
L’évolution des marais intertidaux est liée directement à la disponibilité de sédiments dans le système et aux conditions hydrodynamiques (Pethick, 1984). Les sédiments proviennent de trois sources : marine (provenant de la plate-forme marine); côtière (provenant des côtes en érosion) et fluviale (provenant des sédiments de l’ intérieur des terres et transportés par les rivières). Ces sédiments sont par la suite piégés dans des zones propices à l’accumulation. Deux composantes doivent être considérées lors d’une étude portant sur l’évolution des marais (Adam, 1990; Van Proosdij et al. , 2006) soit: 1) la composante verticale, définie par l’accumulation de matière minérale et organique à la surface du marais (figure 3A) et 2) la composante horizontale, définie par l’extension, la stabilité ou la régression latérale du marais (figure 38). Ces deux composantes s’ajustent selon les variations du niveau marin (figure 4) (Chmura et al. , 2001). Toutefois, l’accrétion verticale du marais est limitée par l’ apport en sédiments et la productivité des plantes. L’accumulation de matière minérale contribue davantage à l’accrétion verticale du marais que l’ accumulation de matière organique (Chmura et al. , 2001).
Elle s’effectue par le dépôt de sédiment apporté principalement par les marées. L’accumulation de la matière organique s’effectue quant à elle par la litière végétale et la contribution in situ des racines et des rhizomes. Un apport constant de sédiments permet de maintenir en équilibre l’accrétion verticale du marais par la redistribution des sédiments par les chenaux et les glaces ainsi que la production de matière organique. Dans ce cas, la composante horizontale du marais est stable. Toutefois, si le taux d’accrétion verticale est inférieur au taux de la hausse du niveau marin , il se produit un ajustement latéral. Si l’espace est accessible, le marais migre vers les terres. Dans le cas de contraintes naturelles ou anthropiques à l’expansion vers l’intérieur des terres, le marais s’érode graduellement pour finalement disparaître. Les marées, les vagues et la formation de la glace en hiver sont les principaux
agents de la dynamique sédimentaire des marais intertidaux du Saint-Laurent (Drapeau, 1992; Dionne, 1986; 2000). En effet, la présence de la glace de décembre à avril joue lm rôle très important dans l’estuaire du Saint-Laurent (Dionne, 1989). Elle transporte des sédiments de toutes tailles, des argiles jusqu’aux blocs, elle érode le schorre et la slikke, mais elle protège aussi le littoral de l’action des vagues (Dionne, 1985; 1989). La croissance des schorres est sous la dépendance de la végétation, ce qui rend ces derniers plus vulnérables à l’érosion à mesure qu’ils progressent en deçà du profil d’équilibre hydrodynamique (Drapeau, 1992). Les marais sont des systèmes complexes où interagissent plusieurs variables liant étroitement la géomorphologie et la végétation (figure 5). La figure 5 illustre les nombreux processus hydrodynamiques en interaction qui conditionnent la dynamique du couvert végétal. La densité et la forme du tapis végétal contribuent au bilan sédimentaire par l’accroissement vertical des marais à partir de la sédimentation, de la production de matière organique et de la consolidation des dépôts (Quintin et al., 2006). Les changements environnementaux jouent un rôle important dans l’évolution des marais intertidaux (Allen, 2000). Ainsi, des changements dans la fréquence et l’intensité des tempêtes, (Reed, 1989; Van Proosdij et al., 2006), dans le niveau marin (Stevenson et al. , 1986; Craft et al., 1993; Simas et al., 2001; Van Proosdij et al. , 2006) mais également dans les activités anthropiques (Dionne, 1985; Ors on et al., 1985; Ward et al., 1998) régissent de façon directe ou indirecte l’évolution des marais intertidaux.
Relation entre les facteurs environnementaux et l’éco géomorphologie des marais Intertidaux 000000 Les vagues de tempêtes : Selon plusieurs études, les événements météorologiques extrêmes jouent un rôle important dans le bilan sédimentaire des marais. Roman et al. (1997) suggèrent que les tempêtes constituent à court tenne le facteur dominant de la dynamique verticale des marais. Ces événements compensent le déficit sédimentaire entre les tempêtes ou lorsque le taux d’accrétion est inférieur à la hausse du niveau marin. Les taux d’accrétion des marais situés en régime microtidal sont bien souvent très faibles ou inférieurs à la hausse du niveau marin (Stevenson et al., 1986). Dans ces milieux, les tempêtes peuvent jouer un rôle sédimentaire positif dans l’accrétion des marais (Reed, 1989). Le maximum de sédimentation enregistré sur le marais serait associé aux forts vents et aux basses pressions qui engendrent des vagues de forte énergie (Reed, 1989). Ces dernières influencent le niveau de l’eau et les fluctuations habituelles en régime microtidal causant ainsi des submersions non prédictibles. De plus, elles augmentent le taux de submersion du marais et mobilisent les sédiments qui se trouvent dans la baie. Les marais abrités par des flèches littorales sont particuliers, car ils dépendent de l’évolution de ces dernières (Morissette, 2007).
Les tempêtes changent la configuration des flèches et cordons littoraux, fonnent des trouées et engendrent une migration des cordons littoraux vers les terres exposant ainsi les marais aux processus littoraux. La migration des cordons littoraux vers les terres, lors des tempêtes, entraîne un déplacement, un enfouissement et, éventuellement, une érosion des marais situés derrière eux (Stevenson et al. , 1986). De plus, on observe bien souvent sur la surface des marais des lobes composés de matériaux grossiers (sable, graviers, galets), formés par des tempêtes (Dionne, 1986). En effet, lors des tempêtes, les vagues transportent par charriage des matériaux plus grossiers que durant des courants de marée normale où les sédiments demeurent en suspension (Drapeau, 1992). Les lobes de tempête composés de matière minérale et organique enfouissent la végétation, cette dernière meurt et rend le milieu plus vulnérable aux processus littoraux.
Les crues :
Les marais situés à l’embouchure de rivières sont influencés par la dynamique fluviale. Les crues printanières, mais également les crues causées par de fortes précipitations, influencent leur bilan sédimentaire. Durant ces événements, les rivières transportent une grande quantité de sédiments en suspension qui se dépose, en partie, sur la surface du marais inondé. Les crues construisent également des lobes de débordement sur les berges proximales des chenaux (Quintin et al. , 2006). Composés de matériaux grossiers, ces derniers contribuent à enfouir la végétation. Des bancs d’accumulation peuvent également se former à l’embouchure des rivières et être colonisés par de la végétation, contribuant ainsi à l’extension du marais. L’érosion latérale engendrée par la migration des chenaux contribue aussi à dynamiser les phases d’érosion et de sédimentation des marais (Pringle, 1995).
Les variations du niveau marin relatif ; Un des facteurs les plus importants influençant l’évolution des marais intertidaux à long terme est la variation du niveau marin relatif (Allen, 1990; Orson et al., 1998). Une augmentation ou une diminution dans la fréquence et la durée de submersion engendre des changements dans la structure de la végétation (Roman et al. , 1997; Simas et al. , 2001), le système de drainage (Ward et al., 1998) et le bilan sédimentaire (Stevenson et al. , 1986; Craft et al. , 1993; Ward et al. , 1998; Simas et al. , 2001; Temmerman et al., 2004). En Amérique du Nord, la plupart des études portant sur la réponse des marais à la hausse du niveau marin ont été réalisées sur la côte Atlantique. Elles révèlent que la résistance des marais à la remontée du niveau marin est causée par la disponibilité de sédiments qui favorisent l’ accumulation verticale du marais (Orson et al. , 1985). De plus, le régime marégraphique joue un rôle important dans l’équilibre sédimentaire des marais. En effet, Stevenson et al. (1986) ont montré que les marais influencés par un régime microtidal sont plus sensibles à une hausse du niveau marin que ceux situés en régime méso et macrotidal.
L’activité glacielle
L’ effet des glaces est un élément prépondérant de l’évolution des marais intertidaux localisés le long du Saint-Laurent. Malgré le fait que les marais ne sont couverts de glace que quelques mois par année, celle-ci influence de manière significative la morphogenèse et la sédimentologie des marais. La glace peut éroder la surface du marais, transporter des sédiments de toutes tailles (des argiles jusqu’ aux blocs) pour ensuite les déposer lorsqu’elle fond sur place (Dionne, 1969; 1972; 1984; 1985; 1989; Troude et Sérodes, 1988; Drapeau, 1992). L’activité glacielle contribue donc autant à la sédimentation qu’à l’érosion des marais. L’action des glaces se révèle complexe et varie considérablement selon les milieux (Fournier et al. , 1987). Les glaces contribuent notamment à la formation de marelles dans le marais par plusieurs mouvements possibles, qu’il s’agisse de soulèvement, de poussée, de raclage ou d’effondrement (figure 6).
REMERCIEMENTS |