Rein, vasopressine et pression artérielle

L’hypertension artérielle représente un problème majeur de santé publique car elle est à l’origine de nombreux accidents vasculaires cérébraux, cardiaques et rénaux, et d’une mortalité accrue. A côté des facteurs liés aux anomalies du système vasculaire lui-même, il est maintenant bien compris qu’un défaut d’excrétion du sodium, et donc généralement un dysfonctionnement rénal, est à l’origine de certaines formes d’hypertension artérielle.

La vasopressine est une hormone qui joue un rôle essentiel dans la conservation de l’eau en permettant de concentrer les solutés excrétés dans l’urine. En fait, elle a deux effets majeurs, un effet antidiurétique et un effet vasoconstricteur. L’idée que la vasopressine puisse jouer un rôle dans le contrôle de la pression artérielle a été fréquemment avancée en raison de son puissant effet vasoconstricteur bien démontré in vitro, mais les nombreux travaux explorant cette hypothèse in vivo n’ont pas été concluants. Par contre, peu de travaux ont été consacrés au fait que la vasopressine puisse contribuer à l’hypertension artérielle d’une manière indirecte, par ses effets sur le rein.

Architecture générale du rein

Chez les mammifères, le rein a une fonction et une organisation complexes, comprenant un réseau vasculaire très développé et un grand nombre d’unités fonctionnelles, les néphrons (environ 1 million de néphrons par rein chez l’Homme et 30 000 néphrons par rein chez le rat). L’examen macroscopique d’un rein de rat – après injection de silicone blanc dans l’artère rénale et coupe longitudinale – permet de voir cette vascularisation et de distinguer deux zones :
– le cortex, situé en périphérie du rein, sous la capsule,
– la médulla, subdivisée en médulla externe (comprenant une zone externe, OS = outer stripe, et une zone interne, IS = inner stripe) et médulla interne, et qui se termine en une « papille » de forme conique.

Les néphrons   sont constitués de deux parties successives, le glomérule et le tubule rénal.

Le glomérule  est formé par un peloton de capillaires entourés par une capsule conjonctivo-épithéliale appelée capsule de Bowman. L’ensemble des glomérules permet chez l’Homme la filtration d’environ 180 litres de plasma par jour. Chaque glomérule se poursuit au pôle urinaire par un tubule rénal formé de cellules épithéliales et entouré d’un réseau de capillaires péritubulaires très important. Ce tubule rénal comprend :
– un tubule proximal contourné  puis droit ,
– un segment grêle descendant  et (pour les néphrons à anse longue) un segment grêle ascendant ,
– un tubule distal droit , appelé aussi segment large ascendant, puis un tubule distal contourné . Les structures n°3, 4, 5 et 6 réunies forment une structure en épingle à cheveux appelée anse de Henle. Il existe deux types d’anse de Henle (courte et longue) et on distingue donc les néphrons à anse courte et à anse longue . Ils ont des caractéristiques fonctionnelles différentes, mais qui n’ont pas été prises en considération dans ce travail de thèse.

Chaque tubule contourné distal se poursuit par un tubule connecteur (n°9) qui se jette dans un canal collecteur (CC) (n°10, 11 et 12). Les CC confluent les uns avec les autres pour devenir de plus en plus larges à mesure qu’ils s’enfoncent dans le rein et ils débouchent finalement dans le pelvis. Cette position finale donne au CC une importance tout à fait particulière. En effet, tout échange de solutés entre lumière et plasma dans cette partie du néphron ne pourra pas être compensé à court terme par un autre segment et donc retentira directement sur la composition de l’urine. Ces CC sont bordés par deux types de cellules épithéliales, les cellules principales et les cellules intercalaires, qui diffèrent par leur morphologie et leur fonctionnalité. Toutes les cellules épithéliales du néphron, liées entre elles par des jonctions serrées, sont polarisées et comportent une membrane apicale du côté de la lumière tubulaire, et une membrane basolatérale du côté des liquides extracellulaires. Ces deux membranes n’ont pas les mêmes propriétés et contiennent des transporteurs différents, ce qui permet d’assurer des transports unidirectionnels de différentes molécules entre lumière et plasma ou vice versa.

Étapes de formation de l’urine 

Filtration glomérulaire
Le processus de formation de l’urine commence par une ultrafiltration du plasma (environ 180 litres par jour chez l’Homme) au niveau des capillaires du glomérule, qui ne laissent passer que les molécules de faible poids moléculaire. Cette ultrafiltration glomérulaire produit une « urine primitive » qui a approximativement la même composition ionique que le plasma, mais qui est dépourvue de cellules sanguines et de macromolécules. L’urine primitive passe ensuite dans les tubules rénaux où elle va subir des changements de composition pour devenir l’urine finale.

Réabsorption et sécrétion tubulaires
L’une des modifications de la composition de l’urine primitive est due à la réabsorption tubulaire d’eau et de certains solutés de la lumière tubulaire vers les capillaires péritubulaires. Ce transport à travers les cellules épithéliales qui tapissent les tubules rénaux permet la conservation de substances essentielles pour le bon fonctionnement de l’organisme. Un grand nombre d’entre elles, comme le glucose et les acides aminés par exemple, sont réabsorbées exclusivement par le tubule proximal, tandis que d’autres, comme l’eau et le sodium, sont réabsorbées aussi à des sites plus distaux du néphron.

Parallèlement à la réabsorption tubulaire, la composition de l’urine primitive peut être modifiée par l’ajout de certains solutés des capillaires péritubulaires vers la lumière. Cette sécrétion tubulaire permet notamment d’éliminer de façon plus efficace certains composés et donc de maintenir leur taux plasmatique à un niveau plus bas.

Dilution et concentration de l’urine
Dans les conditions de vie normale, l’osmolalité plasmatique de l’Homme et de la plupart des mammifères est précisément maintenue entre 290 et 300 mosm/kg H2O, quels que soient les apports et les excrétions d’eau et de solutés. Le maintien de cette valeur dépend essentiellement de la capacité du rein à réguler indépendamment l’élimination de l’eau et des solutés. De plus, l’osmolalité urinaire de l’Homme se situe le plus souvent entre 250 et 800 mosm/kg H2O. Cette variabilité de pression osmotique de l’urine est rendue possible grâce à la capacité du rein soit à diluer l’urine (ce qui permet d’excréter un excès d’eau sans perdre de solutés) soit à concentrer des solutés dans l’urine (ce qui permet d’excréter ces solutés en économisant de l’eau). Ces fonctions d’excrétion sélective de l’eau ou des solutés existent, d’une part grâce à l’architecture particulière du rein, mais surtout grâce à la combinaison de plusieurs effets de la vasopressine sur cet organe .

Table des matières

INTRODUCTION
1. RAPPELS DE PHYSIOLOGIE RÉNALE
1.1. Architecture générale du rein
1.2. Étapes de formation de l’urine
1.2.1. Filtration glomérulaire
1.2.2. Réabsorption et sécrétion tubulaires
1.2.3. Dilution et concentration de l’urine
1.3. Transport du sodium et du potassium le long du néphron
1.4. Composition de l’urine par rapport au plasma
1.5. Définition de certains concepts de physiologie rénale
2. LA VASOPRESSINE, DÉTERMINANT PRINCIPAL DE LA BALANCE HYDRIQUE
2.1. Séquence des acides aminés
2.2. Synthèse centrale et périphérique et métabolisme enzymatique
2.3. Sécrétion dépendante de deux stimuli principaux
2.4. Récepteurs et effets physiologiques de la vasopressine
2.4.1. Présentation des trois récepteurs de la vasopressine
2.4.2. Localisation des récepteurs et effets lors de la fixation de vasopressine
2.4.3. Principaux agonistes et antagonistes des récepteurs de la vasopressine
2.5. Rôle de la vasopressine dans la concentration de l’urine
2.6. Physiopathologie de la vasopressine
2.6.1. Diabète insipide central et néphrogénique
2.6.2. Syndrome de sécrétion inappropriée de vasopressine (SIADH)
3. RELATIONS ENTRE L’EXCRETION D’EAU ET DE SODIUM ET LA PRESSION ARTERIELLE
3.1. Relations entre l’excrétion de sodium et la pression artérielle
3.2. Relations entre l’excrétion d’eau et de sodium
3.3. Importance de la vasopressine et d’autres systèmes régulateurs dans ces relations eau-sodium-pression artérielle
3.3.1. Rôle de la vasopressine
3.3.2. Implication d’autres systèmes régulateurs
3.4. Importance du rythme nycthéméral
4. BUT DE LA THESE RÉSULTATS
1. INFLUENCE DE LA VASOPRESSINE SUR L’EXCRÉTION SODÉE CHEZ LE RAT
1.1. But de l’étude et résumé des résultats de l’article publié n°1
1.2. Article publié n°1
1.3. Commentaires et discussion
1.3.1. Meilleure compréhension des effets de la vasopressine sur l’excrétion sodée
1.3.2. Avantages et limites de notre étude
1.3.3. Applications envisageables chez l’Homme
2. RELATIONS ENTRE DÉBIT URINAIRE ET EXCRÉTION SODEE CHEZ L’HOMME
2.1. Introduction et but de l’étude
2.2. Présentation des sujets étudiés
2.3. Résultats observés après une variation des apports sodés
2.3.1. Chez des sujets en état d’équilibre, après quelques jours d’adaptation (études A à E)
2.3.2. Les premiers jours après le changement d’apport sodé (étude F)
2.4. Commentaires et discussion
3. DIFFÉRENCE DE CONCENTRATION URINAIRE SELON L’ORIGINE ETHNIQUE
3.1. But de l’étude et résumé des résultats de l’article publié n°2
3.2. Article publié n°2
3.3. Résultats complémentaires à ceux de l’article publié n°2
3.3.1. Autre collaboration
3.3.2. Données trouvées dans la littérature
4. DIFFÉRENCE DE CONCENTRATION URINAIRE SELON LE SEXE CHEZ L’HOMME
4.1. But de l’étude et résumé des résultats de l’article publié n°3
4.2. Article publié n°3
4.3. Résultats complémentaires à ceux de l’article publié n°3
4.4. Commentaires et discussion des études sur la différence de concentration
de l’urine selon l’origine ethnique et le sexe (études publiées n°2 et n°3)
4.4.1. Avantages et limites de nos études
4.4.2. Retombées éventuelles de nos études
5. RELATIONS ENTRE URINE ET PRESSION ARTERIELLE CHEZ DES SUJETS PRÉSENTANT UN SYNDROME METABOLIQUE
5.1. Introduction et but de l’étude
5.2. Sujets et méthodes
5.2.1. Protocole général
5.2.2. Traitement des données et analyses statistiques
5.3. Résultats
5.3.1. Comparaison des données générales des trois tertiles
5.3.2. Analyse des données urinaires des trois tertiles
5.3.3. Analyse des données de pression artérielle des trois tertiles et
relations avec les données urinaires (PARTIE A)
5.3.4. Analyse préliminaire des données métaboliques des trois tertiles et relations avec les données urinaires (PARTIE B)
5.4. Commentaires et discussion
DISCUSSION GÉNÉRALE
1. Meilleure compréhension des conséquences du niveau des apports sodés
2. Conséquences possibles de l’effet antinatriurétique de la vasopressine chez le rat
3. Conséquences possibles de l’effet antidiurétique de la vasopressine chez l’Homme
4. Conséquences possibles d’un rythme nycthéméral d’excrétion d’eau et de sodium perturbé
5. Applications envisageables en clinique humaine

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