Régulation de l’ossification endochondrale
Régulation endocrine de la plaque de croissance
L’hormone de croissance jouerait un rôle direct sur le recrutement des chondrocytes de réserve et le déclanchement de la prolifération. Elle stimulerait ensuite indirectement la division cellulaire au niveau de la zone proliférative via une action sur la synthèse d’IGF1 circulante produite par le foie et/ou une action locale via l’augmentation de la synthèse d’IGF1 par les chondrocytes (action autocrine/paracrine). Toutefois, des expériences chez la souris suggèrent une action de la GH et de l’IGF1 sur l’hypertrophie. Les glucocorticoïdes inhibent la croissance des os longs par une action directe sur la prolifération des chondrocytes, probablement via une réduction de la synthèse locale d’IGF1. Un effet indirect via une modulation de la GH est également évoqué. Œstrogènes et testostérone ont une action bi-phasique. Avant la puberté, les taux faibles stimulent la croissance en interagissant avec l’axe somatotrope et la sécrétion de GH. En fin de puberté, les taux élevés accélèrent la maturation du cartilage et conduisent à la fermeture des plaques épiphysaires et à l’ossification complète, mettant fin à la croissance staturale. Les hormones thyroïdiennes T3 et T4 sont essentielles au développement normal du squelette et à la maintenance de la structure des os chez l’adulte.
.Mécanismes d’action des hormones thyroïdiennes
Les taux systémiques des hormones thyroïdiennes circulantes sont finement régulés par une boucle de retrocontrôle négative au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire (HHT). Les neurones médiens du noyau paraventriculaire de l’hypothotalamus synthétisent la TRH (thyrotropin-releasing hormone) qui va elle-même stimuler la synthèse la TSH (thyrotropine) au niveau des glandes hypophysaires. La TSH stimule ensuite la synthèse et la sécrétion par la thyroïde de la thyroxine (T4), qui est convertie localement dans les cellules cibles en triiodothyronine (T3) active [23]. L’action cellulaire de T3 est médiée par des récepteurs nucléaires fonctionnant comme des facteurs de transcription inductibles régulant l’expression de gènes cibles hormonosensibles [24]. Les récepteurs de T3 (TRs) α et β sont codés par les gènes THRA et THRB. Le gène THRA code pour deux récepteurs fonctionnels TRα1 et TRα2, exprimés constitutivement dans la plupart des tissus. TRα2 ne lie pas T3 et sa fonction demeure inconnue. Le gène THRB code quant à lui pour deux protéines fonctionnelles, TRβ1 et TRβ2. TRβ1 est largement exprimés dans les tissus alors que l’expression de TRβ2 est restreinte à l’hypothalamus et à la glande pituitaire (figure 11). Bien que TRα1 et TRβ1 soient largement exprimés, leurs taux d’expression varient de façon spatio-temporelle. Ainsi, TRα est majoritairement exprimé dans l’os et le cartilage, à des niveaux 10 fois plus élevés que TRβ .
Rôle des hormones thyroïdiennes dans le développement du squelette
Chez l’enfant, l’hypothyroïdie induit un retard majeur de croissance et d’ossification endochondrale, alors que l’hyperthyroïdie les accélère [26]. L’hypothyroïdie, chez l’homme comme dans différents modèles de rongeurs, est associée à une diminution de la taille des zones prolifératives et hypertrophiques, une baisse de prolifération, une anomalie d’hypertrophie et un retard d’invasion vasculaire [27]. De plus, l’organisation de la plaque de croissance est perturbée [28]. Les patients présentent un remodelage osseux ralenti avec diminution des marqueurs biochimiques tels que l’ostéocalcine ou le collagène de type I [29]. L’hyperthyroïdie (thyrotoxicose) chez l’enfant est associée à une accélération de la croissance et à une avance d’âge osseux. Dans la grande majorité des cas, les patients souffrant d’un syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes présentent des mutations du gène THRB [30-33]. Dans les cas les plus sévères, les patients sont de petite taille et présentent une crâniosynostose résultant d’une fermeture prématurée des plaques de croissance et des sutures crâniennes (pour revue voir [34]). Les adultes atteints de thyrotoxicose présentent une altération du métabolisme phosphocalcique et une perte osseuse (ostéoporose). On observe ainsi chez ces patients une augmentation importante du remodelage osseux avec une hyperactivité ostéoclastique et ostéoblastique en association avec une augmentation des marqueurs biochimiques du remodelage osseux [35]. Au cours des dix dernières années, les recherches se sont focalisées sur l’identification des mécanismes d’actions de T3 dans la maturation du cartilage et l’ossification et la compréhension du rôle de chacun des récepteurs (figure 12). L’expression de TRα1 et TRβ1 dans les zones de réserve et proliférative suggérant que ces cellules sont des cibles directes de T3 [36], plusieurs études ont montré que T3 stimulait l’expansion clonale des chondrocytes de réserve, mais inhibait la prolifération ultérieure tout en stimulation la différenciation hypertrophique et éventuellement l’apoptose [37-39]. Une interaction avec les voies IHH, PTHrP, BMP, FGF et Wnt (voir ci-après) serait responsable de cet effet, dans la mesure où T3 stimule l’expression de PTHrP, PPR1, BMP4, Wnt4 et FGFR3 [28, 40-42]. Au niveau osseux, il a été montré in vitro que les ostéoblastes et les ostéoclastes expriment TRα1, TRα2 et TRβ1 [43]. Plusieurs études réalisées in vitro ont montré que T3 induit la différenciation des ostéoblastes et stimule la synthèse de la matrice osseuse et sa minéralisation [44]. Cet effet résulterait de l’interaction avec d’autres voies de régulation de la prolifération et de la différenciation ostéoblastiques, en particulier IGF-1 et FGF. En effet T3 induit la transcription de IGF-1 et stimule l’expression des protéines régulatrices IGF1BP-2 et IGF1BP-4, [45]. De plus, T3 stimule l’expression et l’activité de FGFR1, conduisant à l’activation de la signalisation MAPK et à l’induction de la différenciation [46]. L’action de T3 sur les ostéoclastes est moins claire. En effet, si l’excès de T3 induit in vivo une augmentation du nombre d’ostéoclastes et de leur activité conduisant à une perte osseuse, 28 cet effet pourrait résulter d’une action directe sur les cellules des lignées ostéoclastique ou d’une action indirecte via les ostéoblastes, les cellules de la moelle osseuse ou un autre type cellulaire [43, 47-49] Des souris transgéniques présentant des mutations dans les gènes TRα et TRβ ont été étudiées [50] afin de mesurer les parts respectives de chaque récepteur dans l’effet de T3 et de mettre en évidence les mécanismes moléculaires sous-jacents et responsables des anomalies de développement du squelette et des défauts de remaniements osseux chez l’adulte.