Scolarisation des élèves présentant des difficultés
L’ intégration des élèves handicapés ou en difficulté d’ adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) en classe ordinaire est privilégiée dans plusieurs textes gouvernementaux régissant l’ éducation au Québec, notamment la nouvelle politique sur la réussite éducative (CSE, 2017; Gouvernement du Québec, 2019; MEES, 2017; MELS, 2011 ; Ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 1999). En effet, plusieurs effets positifs ont été observés chez les élèves lorsque ces derniers sont intégrés en classe ordinaire (Rousseau et al., 2015). Sur le plan de l’apprentissage, des améliorations sont notées dans le rendement scolaire ainsi que dans l’autonomie des élèves à effectuer leurs tâches scolaires (ldol, 2006; Kartsen, Peetsma, Roeleved et Verger, 2001; Rousseau et al., 2015). Des impacts positifs sont également observés en ce qui a trait au développement social. Les comportements d’ opposition sont généralement en baisse et il est possible d’observer une amélioration du sentiment d’appartenance, entre autres en raison de l’influence positive des pairs (Boyle, Topping, Jundal-Snape et Norwich, 2012; Mowatt, 2009; Pilay, Dunbar-Krige et Mostert, 2013; Rousseau et al., 2015).
La motivation semble également être en hausse chez les élèves en difficulté lorsqu’ils sont scolarisés en classe ordinaire (Doré, Dion, Wagner et Brunet, 2002; Rousseau et al., 2015). Pour favoriser cette intégration des élèves, la Loi sur l’ instruction publique oblige les commissions scolaires à proposer des services adaptés (Gouvernement du Québec, 2019). Cette obligation vise à ce que l’ instruction soit possible pour tous, en faisant abstraction des différences pouvant être présentes entre les personnes. Plusieurs services peuvent être offerts pour les élèves en difficulté tels que des services d’ orthopédagogie, de psychologie, d’orthophonie ou d’ éducation spécialisée (Goupil 2014; MELS, 2007a, 2011; Trépanier et Dessureault, 2014). Cependant, certains élèves présentent des difficultés tellement importantes que leur l’intégration en classe ordinaire représenterait une contrainte excessive pour l’ école ou encore compromettrait les droits des autres élèves (MELS, 2011). Cela est notamment le cas de ceux ayant un TGC ou présentant un TRP qui ne se retrouvent qu’en petite proportion en classe ordinaire (MEES, 2018). Cette situation s’ explique entre autres par le fait qu’ ils ont besoin de plusieurs adaptations individualisées lorsqu ‘ ils font de nouveaux apprentissages ou se retrouvent en contexte d’évaluation (Goupil, 2014). Quand l’option de la classe ordinaire n’ est pas possible, l’ option de la classe Spéciale doit être envisagée afin de répondre le plus adéquatement possible aux besoins importants de ces élèves et de favoriser leur réussite éducative.
Actuellement, il existe des classes spéciales au Québec à l’ intérieur desquelles l’effectif d’ élèves est moins élevé que dans des classes ordinaires. Elles offrent un encadrement structuré, des plans d’ intervention, ainsi qu ‘une organisation de services adaptés à leurs besoins (MELS, 20 Il). Les retards scolaires seraient un élément déterminant dans le placement en classe Spéciale pour les élèves présentant des difficultés de comportements (Déry, Toupin, Pauzé et Verlaan, 2005). Par ailleurs, les garçons intègrent davantage les classes spéciales que les filles, représentant environ les deux tiers des élèves en classes spéciales (MELS, 2009). Il existe principalement deux types de classes spéciales dans les écoles ordinaires, soient les classes spéciales homogènes et les classes spéciales hétérogènes (MELS, 2007a; Trépanier et Dessureault, 2014). La classe spéciale homogène consiste en un regroupement d’ élèves présentant des difficultés semblables (Beauregard et Trépanier, 2010; MELS, 2007a). Par exemple, une classe peut être exclusivement composée d’ élèves ayant un TRP. Le deuxième type est la classe spéciale hétérogène qui regroupe des élèves présentant toutes sortes de difficultés (Beauregard et Trépanier, 2010; MELS, 2007a; MEQ 1998). Par exemple, des élèves ayant des difficultés relatives au comportement ainsi que ceux ayant des difficultés d’ apprentissage peuvent se retrouver dans une même classe. Comme la classe Spéciale est l’option la plus utilisée pour plus de la moitié des élèves présentant des troubles complexes (MEES, 2018), la prochaine section abordera ces élèves et les différentes difficultés qu’elle peut rencontrer.
Difficultés affectives et comportementales
Les élèves ayant un TGC ou présentant un TRP éprouvent généralement un dysfonctionnement important concernant la régulation de leurs émotions, ce qui se manifeste souvent par problèmes de comportement de type intériorisé et extériorisé (Kauffman et Landrum, 2018; MELS, 2007b; Thornback et Muller, 2015). Les problèmes de comportement de nature intériorisée font référence entre autres à des symptômes de dépression et d’ anxiété, des refus quant à l’apprentissage ainsi que du découragement. Ce type de problèmes chez les enfants est souvent mal compris, complexe à dépister et sousestimé par le personnel scolaire (Marcotte, Pronovost et Bluteau, 2014; Miller, 2010). Les problèmes de comportement de type extériorisé quant à eux se manifestent davantage par de l’ agressivité, de la violence, des transgressions de règles ou encore par des troubles de la conduite. Les élèves ayant un TGC ou présentant un TRP sont enclins à émettre ces deux types de comportements qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre (Achenbach, 2009 ; Girnpel Peacock et Collett, 2010; Goupil, 2014; Perry, Rolland, Darling-Kuria et Nadiv, 2011; Turnbull et al., 2007).
Il est à noter que lorsque l’élève présente des problèmes de comportement de nature extériorisée, il est plus à risque de difficultés scolaires que lorsqu ‘ il présente des problèmes de comportements intériorisés (Nelson, Benner, Lane et Smith, 2004; Turnbull et al., 2007). Les difficultés d’adaptations peuvent également être divisées sous ces deux types de catégories (Massé et al., sous presse). En ce qui a trait aux difficultés d’ adaptation extériorisées, il est possible de retrouver : l’ inattention, l ‘ hyperactivité, l’ impulsivité, l’ opposition/la provocation, l’ agressivité directe et indirecte, le manque d ‘ autorégulation émotionnelle, des abus ou de l’ usage de substances psychoactives ou encore des problèmes de conduite. Pour ce qui est des difficultés d’adaptation intériorisées, elles font davantage référence à : de l’ anxiété, du retrait social ou encore de la dépression et des idées suicidaires. Les comportements intériorisés ou extériorisés problématiques ainsi que les difficultés d’adaptations sont pour la plupart en réaction à des situations que les élèves ont de la difficulté à gérer (Goupil, 2014).
Ils peuvent s’ exacerber lors de situations particulièrement anxiogènes comme lors de périodes d’examens. Chez les enfants, les troubles anxieux représentent un des diagnostics parmi les plus présents (Higa-McMillan, Francis et Chorpita, 2014). L’ anxiété peut engendrer notamment des comportements désorganisés, des troubles émotifs sévères, de la confusion extrême, des comportements répétitifs, des perceptions erronées, des hallucinations auditives ou encore des idées délirantes (Bluteau et Dumont, 2014). Par exemple, l’enfant peut exprimer qu’ il se sent fatigué alors qu’en réalité, il y a trop de stimuli autour de lui. Il peut aussi trouver des excuses, comme aller aux toilettes pour sortir de la classe afin de pouvoir se calmer (Goupil, 2014). Les élèves ayant un TGC ou présentant un TRP ont tendance à montrer des comportements ou des émotions démesurées lors de circonstances normales et d’exprimer des humeurs dans les extrêmes (ex. : joie ou tristesse) (Tumbull et al., 2007). Ils peuvent aussi se comporter de façon à mettre leur propre intégrité physique ou psychologique (ou celles des autres) en danger ou avoir des pensées suicidaires (Perry et al., 2011).
Difficultés scolaires
Les difficultés des élèves ayant un trouble complexe à gérer leurs émotions entraînent aussi des répercussions sur le plan scolaire. Ils ont tendance à présenter des difficultés d’ apprentissage non liées à leur quotient intellectuel et à éprouver de la peur en ce qui a trait à l’école, que ce soit envers le personnel ou l’ école (Turnbull et al. , 2007). Ils ont davantage tendance que les autres élèves à être indisponibles à certains moments de la journée et à éprouver des difficultés à suivre un horaire scolaire régulier ainsi qu ‘à être souvent absents à cause d’un trouble psychopathologique ou des hospitalisations (MELS, 2007b). Ces élèves sont parmi ceux qui réussissent le moins à l’ école lorsqu ‘ ils sont comparés aux autres groupes d’élèves en difficulté (Gable et al., 2013; Kauffman et Landrum, 2018; Landrum, Tankersley et Kauffman, 2003 ; Trout, Nordness, Pierce et Epstein, 2003). Ils sont plus susceptibles de vivre du décrochage, d’être retirés de l’ école ou encore d’avoir des idées suicidaires (Osher, Quinn et Hanley, 2002 ; Perry et al., 2011). Ces nombreuses difficultés complexes que présentent les élèves ayant un IGC ou un IRP font en sorte qu ‘ ils représentent souvent un défi pour le personnel scolaire (Kauffman et Landru m, 2018; Reddy et Richardson, 2006).
Par ailleurs, la présence fréquente de comorbidités rend les interventions plus complexes auprès de ces élèves (Kauffman et Landrum, 2018). Ainsi, il est important d’apporter du soutien au personnel scolaire afin qu’ ils puissent accomplir leur rôle essentiel auprès de ces élèves (Kauffman et Landrum, 2018). Une première façon de soutenir le personnel est de les aider à comprendre la source des difficultés des élèves. L’ approche conventionnelle qui consiste à identifier des symptômes pour associer une situation à un ou plusieurs diagnostics, menant à des interventions ciblées, est appelée la vision médicale. La procédure catégorielle utilisée par le MELS en est un exemple. Cependant, une autre manière de penser est en émergence depuis maintenant quelques années pour tenter d’ expliquer les difficultés de ces élèves. Il s’agit de l’ approche influencée par la notion des traumas complexes qui propose une vision différente des diverses problématiques que peut présenter l’élève (Chafouleas, Johnson, Overstreet et Santos, 2016). Celle-ci tente de faire réfléchir les adultes sur la source des comportements inappropriés des enfants plutôt que sur les comportements euxmêmes. La prochaine section aborde cette nouvelle approche qui peut permettre d’observer différemment les problèmes de comportement des élèves et d’intervenir autrement auprès de ces derniers.
Évolution du concept de trauma complexe
Ce concept est apparu dans les années 1990 afm de pallier les limites du diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) décrit par l’ American Psychiatrie Association (AP A) (AP A, 1994; Milot et al. , 2018a). Les chercheurs dénonçaient que la définition établie par l’APA d’un traumati sme était trop restreinte et que la diversité des causes et des manifestations possibles à la suite des traumatismes interpersonnels vécus n’ était pas représentée dans ce diagnostic (Milot et al., 20 18a). Entre autres, le TSPT a été élaboré en considérant que la personne qui en souffrait était un adulte, donc un individu détenant davantage de capacités d’ adaptation et cognitives qu’un enfant. De plus, il est à noter que la définition du TSPT implique qu’ il soit possible d’ identifier un stress isolé. Ainsi, la définition du trauma décrite dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) représente peu les traumatismes qui peuvent être vécus par l’enfant contrairement à la notion de trauma complexe qui permet de mieux les identifier (Milot et al. , 2018a). Une première tentative a donc été effectuée afin d’ ajouter le trouble de stress posttraumatique complexe (TSPT-C) parmi les troubles mentaux du DSM-IV (Mi lot et al. , 2018a). Le but était de souligner la complexité, la diversité, la multiciplicité et l’hétérogénéité des symptômes que le trauma peut engendrer (Mi lot et al., 2018a). À la suite d’une analyse, le comité consultatif a remplacé le TSPT -C par le Disorder of Extreme Stress-Not Otherwise Specified (DESNOS) dans le but de l’ inclure dans le DSM. Cependant, il est à noter que finalement le DESNOS a été considéré uniquement en tant que caractéristique associée au TSPT dans le DSM. Cela engendre que le DESNOS ne peut être établi sans que le diagnostic du TSPT ait été préalablement établi. Or, une personne ayant vécu des traumas ne présente pas nécessairement tous les critères associés au TSPT, surtout lorsqu ‘ il est question d’enfants et d’adolescents (Copeland et al., 2007).
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