Régulation des fonctions des myofibroblastes portaux par le stress du réticulum endoplasmique
La Fibrose hépatique
La fibrogenèse
La fibrose est un processus cicatriciel qui survient en réponse à une lésion chronique. La sécrétion de matrice extracellulaire (MEC), principalement composée de fibres de collagènes, permet de combler le vide laissé par la destruction cellulaire causée par une lésion. La fibrose est un tissu inerte synthétisé par les myofibroblastes. Les maladies chroniques du foie sont de plus en plus fréquentes à travers le monde, aussi bien dans les pays en voie de développement que dans les pays occidentaux. La fibrose hépatique est un processus cellulaire dynamique, complexe et réversible. Le plus souvent asymptomatique elle conduit à une accumulation excessive de MEC dont la cirrhose est le dernier stade d’évolution (figure 2). La cirrhose s’accompagne de multiples complications comme l’hypertension portale, l’insuffisance hépatique voire l’apparition de carcinome hépatocellulaire (CHC). La 6 progression de la fibrose remplace petit à petit les hépatocytes détruits (1). Cette progression de la fibrose se caractérise par l’apparition de septa fibreux, dont le stade d’avancement est défini par le score METAVIR (tableau 1) (2). Figure 2 : Evolution naturelle de la fibrose hépatique (3) En condition pathologique, la MEC se compose de collagène I et III alors qu’elle est principalement constituée de collagène IV et VI en condition physiologique. Cette différence qualitative modifie les propriétés mécaniques, physiques mais aussi biochimiques de la MEC et contribue à la modulation de plusieurs fonctions cellulaires. La régulation de la MEC est assurée par les myofibroblastes. Ils sont impliqués dans la synthèse mais aussi dans la dégradation de la MEC lors de la phase de résolution (4). Score METAVIR Caractéristiques F0 Absence de fibrose F1 Fibrose portale et périportale, pas de septa fibreux F2 Fibrose portale et périportale, rares septa fibreux F3 Fibrose portale et périportale, nombreux septa fibreux F4 Cirrhose, fibrose annulaire délimitant les nodules de régénération Tableau 1 : Classification et description du score de fibrose METAVIR (2)
L’angiogenèse pathologique intra-hépatique
L’angiogenèse est un processus physiologique permettant la formation de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux pré-existants sous l’impulsion de facteurs pro-angiogéniques tels que le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF). 1) Angiogenèse et régénération hépatique L’angiogenèse est un processus important lors de la régénération hépatique. En effet, une augmentation de la densité des microvaisseaux a été clairement montrée associée à la régénération hépatique après hépatectomie partielle. Au contraire lorsqu’on inhibe l’angiogenèse, la régénération hépatique diminue de moitié (5). L’hépatectomie partielle entraîne une intense prolifération des cellules hépatiques, à l’origine de la régénération du foie, ce qui nécessite un apport important en oxygène et en nutriments. La vascularisation étant déficiente au début de la régénaration, les cellules hépatiques se retrouvent en hypoxie et vont alors synthétiser des facteurs de la famille Hypoxia Inductible Factor (HIF) impliqués dans la sécrétion du facteur angiogénique VEGF. Cependant ce modèle de régénération hépatique ne reflète pas le processus de régénération observé dans les maladies hépatiques chroniques. En effet, lors d’une maladie chronique du foie la régénération hépatique est influencée par différents facteurs comme la nécrose cellulaire, les cellules immunitaires ou encore l’inflammation (3). 2) Angiogenèse et fibrose Il existe un processus angiogénique dit pathologique car persistant et aboutissant à la formation de vaisseaux ayant un phénotype différent des vaisseaux sains. Dans les maladies hépatiques, la régénération et la fibrose sont concomitants. En même temps que la régénération, la cicatrisation et l’inflammation sont rapidement activées afin de maintenir la fonction et la structure hépatique incluant le système sanguin et biliaire. En réponse à une lésion hépatique une activation de l’angiogenèse avec la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, de nouveaux sinusoïdes et un remodelage vasculaire a été montré (6). De plus la fibrose entraine une hypoxie du tissu hépatique qui augmente parallèlement à la progression de la fibrose (7, 8). Le dépôt excessif de MEC au cours de la fibrose crée une compression des vaisseaux sanguins 8 hépatiques entrainant une résistance au flux sanguin et donc une réduction du débit aboutissant à une hypoxie du tissu. Cette hypoxie va stimuler l’angiogenèse par différents mécanismes. Premièrement, par une augmentation de la transcription et de la traduction du facteur proangiogénique VEGF synthétisé par les hépatocytes et les myofibroblastes en hypoxie (7, 8). La liaison du VEGF à son récepteur sur les cellules endothéliales va ainsi induire la formation de nouveaux vaisseaux. Deuxièmement, par la synthèse du Platelet Derived Growth factor (PDGF) impliqué dans la stabilisation des néo-vaisseaux par les péricytes. Cependant ces néo-vaisseaux sont immatures et donc inefficaces dans la résolution de l’hypoxie, ils sont à l’origine de shunts vasculaires au niveau des zones de régénération perturbant entre autres la communication cellulaire. Enfin, la formation des nouveaux vaisseaux induit par l’hypoxie entraîne une désorganisation de l’architecture tissulaire aggravant le phénomène d’hypoxie déjà présent. Ce cercle vicieux est responsable d’une hypoxie persistante et d’une stimulation de la fibrose (9). En effet, des études menées sur des modèles animaux de ligature de la voie biliaire principale (BDL) ou d’intoxication au tétrachlorure de carbone (CCl4) ont permis de corréler l’augmentation de l’angiogenèse avec la progression de la fibrose (10-13). Cette corrélation a également été démontrée chez les patients atteints par des maladies hépatiques comme l’hépatite virale C, la cholangite biliaire primitive (CBP) ou la cholangite sclérosante primitive (CSP). En outre, en fonction des différents modèles d’évolution de la fibrose (biliaire ou post nécrotique), l’angiogenèse peut influencer la progression de la maladie et affecter la réversibilité de la fibrose (6). L’environnement hypoxique va conduire notamment à la surexpression du facteur angiogénique HIF. De plus, il a été montré que l’expression de la sousunité HIF-1a est augmentée dans les hépatocytes issus d’un modèle de souris BDL. Ce facteur régule la synthèse des facteurs profibrosants comme le PDGF et le FGF-2 (14) ainsi que d’autres gènes impliqués dans l’activation des CEFs, la production de collagène et l’angiogenèse (11, 15, 16). 3) Thérapie anti-angiogénique et fibrose Des stratégies visant à inhiber les récepteurs du VEGF et du PDGF ainsi que leurs voies de transduction ont été mises en œuvre dans les maladies hépatiques chroniques et ont montré, dans différents modèles, une diminution significative de la vascularisation hépatique, de l’infiltration inflammatoire et du dépôt de MEC. Ces effets ont été associés à une inhibition de 9 l’activation des CEFs et de la progression de la fibrose intra-hépatique (10, 17). Cependant il a été montré que l’inhibition in vivo de l’integrine alpha v beta 3 induisait une diminution de l’angiogenèse mais favorisait la progression de la fibrose dans deux modèles de fibrose hépatique suggérant aussi un possible rôle protecteur de l’angiogenèse vis à vis de la fibrose hépatique (18). Une autre étude a montré que, dans un modèle BDL, la résolution de la fibrose normalement observée après dérivation de la bile dans les voies digestives était inhibée par un traitement avec un anticorps neutralisant anti-VEGF (19). Bien que l’inhibition de l’angiogenèse semble être prometteur dans le traitement de la fibrose, ces résultats mettent en lumière un mécanisme beaucoup plus complexe et l’effet de cette inhibition sur la régénération hépatique à long terme est incertain. En effet, l’inhibition soutenue et complète de l’angiogenèse pourrait perturber le flux sanguin et l’apport d’oxygène et donc compromettre la régénération hépatique. Il existe un fragile équilibre entre l’angiogenèse nécessaire à la régénération hépatique et l’angiogenèse délétère favorisant la fibrose.
Les myofibroblastes hépatiques
Caractéristiques générales des myofibroblastes
Les myofibroblastes sont présents dans tous les tissus pathologiques. Ils se caractérisent d’un point de vue morphologique par la présence en abondance de microfilaments du cytosquelette et par les jonctions fibronexus qu’ils forment avec la MEC leur permettant de se contracter et de remodeler la MEC. Les myofibroblastes expriment également des protéines spécifiques pouvant être utilisées comme marqueurs phénotypiques de ces cellules. La plus utilisée est l’actine musculaire lisse a (aSMA). Cette protéine est absente des précurseurs des myofibroblastes et uniquement exprimée après leur différenciation myofibroblastique (20). Les myofibroblastes combinent donc les propriétés des cellules fibroblastiques, c’est à dire la capacité de synthétiser la MEC et les propriétés contractiles de cellules musculaires lisses. Cependant les myofibroblastes n’expriment pas les marqueurs de cellules musculaires lisses comme la chaine légère de la myosine ou la smoothelin et se distinguent donc des cellules musculaires lisses (21). Lors de la différenciation myofibroblastique ces cellules acquièrent la capacité de synthétiser la MEC, de migrer, de se contracter et de proliférer. 10 De manière générale, la cicatrisation se compose de trois phases : la phase inflammatoire, la phase proliférative et la phase de régénération. Durant la phase inflammatoire différentes cytokines et chimiokines sont sécrétées permettant ainsi le recrutement des fibroblastes qui vont, par chimiotactisme migrer vers la lésion. La seconde phase se caractérise par l’activation des fibroblastes avec l’acquisition de l’expression de l’aSMA puis ces cellules vont proliférer et synthétiser la MEC. Enfin durant la phase de régénération la MEC va être totalement remodelée par des enzymes protéolytiques, principalement des métallo-protéinases matriciellessynthétisées par les myofibroblastes. Le collagène III est progressivement remplacé par le collagène I (22). Dans un contexte de pathologie aigüe, lorsque le tissu est suffisamment restauré les myofibroblastes entrent en apoptose. En condition chronique cette phase de résolution n’a pas lieu et entraine un dépôt de MEC anormal. La fibrose est donc un déséquilibre entre fibrogenèse et fibrolyse (23). L’activation myofibroblastique est régulée par une cytokine clé, le TGF-b. L’entrée en apoptose des myofibroblastes durant la phase de résolution est corrélée à une diminution locale de la concentration en TGF-b. Cependant en condition pathologique la sécrétion de cette cytokine persiste induisant une activation continue des myofibroblastes (24). Les signaux mécaniques, comme la rigidité de la MEC et sa composition, jouent également un rôle dans l’activation des myofibroblastes. La MEC est, en condition physiologique, un tissu souple et riche en fibrine. La culture de fibroblastes sur un support reproduisant ces caractéristiques montre une faible activation myofibroblastique (25). Au contraire, la rigidité tissulaire ou celle du support de culture est capable d’induire une activation myofibroblastique. De plus, la nature contractile des myofibroblastes induit une tension mécanique au niveau de la MEC conduisant à une diminution de son élasticité et donc à une augmentation de la rigidité de la MEC lors du processus de cicatrisation qui permet une stimulation de la différenciation myofibroblastique (26). A l’inverse, la diminution du stress mécanique entraine une augmentation de l’apoptose et une diminution de l’expression de l’aSMA et de la contractilité des myofibroblastes (27, 28)
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