Régulation androgénique du microARN miR-5a et
implication dans la progression tumorale prostatique
Le cancer de la prostate (CaP)
Epidémiologie
Le CaP est le second cancer le plus fréquent et la sixième cause de mortalité par cancer, chez les hommes dans le monde (GLOBOCAN 2008 v2.0, Cancer Incidence and Mortality Worldwide: IARC CancerBase No. 10). Près des trois-quarts des cas de CaP répertoriés proviennent des pays développés. Aux Etats-Unis, le CaP représente le cancer le plus fréquent et la seconde cause de mortalité par cancer, chez les hommes, avec un nombre de morts estimé à 28 170 en 2012 (Figure 6 (Siegel et al., 2012)). Cependant, les taux de mortalité diminuent depuis 1990 (Siegel et al., 2012), reflétant les améliorations dans la détection précoce (Etzioni et al., 2008) et dans l’efficacité des traitements. Le CaP se situe également au premier rang des cancers en France et est la troisième cause de mortalité par cancer derrière le cancer du poumon et le cancer colorectal (Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France en β011. Rapport technique. SaintMaurice: Institut de veille sanitaire; 2011. 78 p.). Figure 6 : Nouveaux cas de cancer et cas de mort par cancer, estimés en fonction du sexe. Cette figure, modifiée à partir de Siegel et al (Siegel et al., 2012), présente les 10 cancers les plus fréquents dans les nouveaux cas de cancer et les cas de mort par cancer, en fonction du sexe. Les chiffres correspondent à ceux estimés en 2012, aux Etats-Unis. La probabilité de développer un cancer de la prostate est de 16,48%, soit un homme sur 6. Cependant, le cancer de la prostate, comme de nombreux cancers, se développe plus fréquemment à un âge élevé. La probabilité de développer un cancer de la prostate est de 0,1% avant 39 ans, 2,63% entre 40 et 59 ans, puis passe à 6,84% entre 60 et 69 ans et 12,54% après 70 ans (correspondant à 1 homme sur 8) (Siegel et al., 2012).
Etiologie et origine du CaP
Les mécanismes responsables de l’initiation et de la progression du CaP ne sont pas entièrement connus. Actuellement, seul l’âge, l’existence d’antécédents familiaux de CaP ou de cancer du sein, et l’origine ethnique (notamment Afro-américaine et Antillaise) sont identifiés avec certitude comme étant des facteurs de risques pour le CaP. De plus, la participation de gènes de susceptibilité, de facteurs environnementaux, dont une alimentation riche en graisses animales et en viande rouge, de même que l’inflammation chronique favoriseraient l’initiation du cancer de la prostate. Bien que des facteurs de risque génétiques du CaP aient été identifiés, aucun d’eux n’est aussi fortement associé à la maladie que ceux présents dans le cancer du sein ou du côlon (Eeles et al., 2009). La néoplasie intra-épithéliale prostatique (PIN) a été reconnue comme une lésion précurseur du CaP. Il s’agit d’anomalies nucléo-cytoplasmiques présentes sur une seule assise cellulaire au niveau des glandes et des tubules de la prostate. Le CaP peut avoir comme origine cellulaire, les cellules basales et les cellules luminales de l’épithélium glandulaire ; l’origine cellulaire ne semble pas affecter la pathologie (Xin, 2012). Le développement et l’homéostasie de la prostate ainsi que l’initiation et la progression du CaP sont dépendants de la signalisation androgénique. Dans le CaP, le rôle des androgènes et de AR est moins clair, bien que l’activité de AR module l’expression de gènes associés à la régulation du cycle cellulaire, la survie, la croissance et la formation de métastases (Knudsen et al., 1998; Wang and Tindall, 2011; Wang et al., 2007; Wang et al., 2009; Xu et al., 2006) ou d’oncogènes (par exemple ERG via le gène fusion TMPRSS2/ERG (Tomlins et al., 2008)), pouvant contribuer au développement de la tumeur. Bien qu’aujourd’hui, il soit admis que les androgènes sont importants dans la croissance de la tumeur (Huggins, 1946; Huggins and Hodges, 2002), le fait que les androgènes favorisent la carcinogenèse prostatique in vivo est sujet à controverse. En effet, l’administration de testostérone chez les hommes n’augmente pas l’incidence du CaP et il n’y a pas de corrélation entre la présence de CaP et le taux d’androgène dans le sérum (Isbarn et al., 2009; Morgentaler, 2006). Il semble donc que l’action des androgènes soit en condition saturante pour la croissance androgéno-dépendante (Morgentaler and Traish, 2009). Les taux physiologiques des androgènes sont importants pour la prolifération cellulaire de la prostate normale ou tumorale mais un excès d’androgène seul n’entraine pas une prolifération cellulaire incontrôlée. Par contre, la voie de signalisation de AR semble jouer un rôle important dans l’initiation et la progression du CaP, en particulier lors d’une activation de la signalisation de AR indépendamment du ligand (qui sera expliquée plus en détail dans les paragraphes suivants) (Debes and Tindall, 2004; Dehm and Tindall, 2007; Heinlein and Chang, 2004). c- Dépistage, détection et diagnostic du CaP Actuellement, il n’existe pas de programme de dépistage organisé pour ce cancer, bien qu’il reste recommandé chez l’homme à partir de 50 ans et jusqu’à 75 ans, si l’espérance de vie est supérieure à 10 ans. Il est recommandé à partir de 45 ans chez les patients ayant des risques familiaux ou éthniques de CaP. Le CaP est le plus souvent détecté par une élevation de la valeur du PSA sérique, une anomalie de consistance de la prostate identifiée par toucher rectal, ou plus rarement, sur un examen anatomo-pathologique du tissu prélevé lors du traitement d’une HBP. Le PSA est le biomarqueur reconnu par la FDA (Food and Drug Administration) et utilisé dans la détection du CaP. Le seuil critique de PSA sérique était de 4ng/ml. Cependant, l’association urologique américaine (AUA) a mis à jour en 2009 les bonnes pratiques d’utilisation du PSA et ne mentionne plus de valeur seuil de PSA, mais conseille de baser la décision sur les résultats de PSA et de toucher rectal, ainsi que sur l’âge du patient, l’histoire familiale, l’ethnicité… (Greene et al., 2009). La conférence consensus européenne de l’ESMO (European Society For Medical Oncology) recommande la réalisation de biopsies si le taux de PSA est ≥ à 3ng/ml (Horwich et al., 2013). Le diagnostic positif du cancer de la prostate est établi par l’analyse anatomopathologique des biopsies échoguidées de prostate. Habituellement, au minimum 12 biopsies réparties sur l’ensemble du volume prostatique sont réalisées. Des biopsies négatives n’excluent pas la présence du CaP et le patient restera sous surveillance (PSA, biopsies…) Le diagnostic précoce du cancer de la prostate a permis d’en diminuer la mortalité spécifique (Siegel et al., 2012). Cependant, d’un point de vue clinique, les méthodes courantes de dépistage restent controversées (Andriole et al., 2009; Schroder et al., 2009). En effet, le PSA est spécifique à la prostate mais pas au cancer. Plus le taux de PSA est élevé, plus le risque de cancer est grand mais l’HBP, le toucher rectal, les biopsies, la prostatite et toutes les causes d’irritation prostatique peuvent entraîner une augmentation du PSA. La valeur prédictive positive dans des études de dépistage (avec une valeur seuil à 3ng/ml) est d’environ β5%, ce qui signifie que 3 hommes sur 4 avec un test positif seront exposés à des examens supplémentaires inutiles tels que la biopsie prostatique (Horwich et al., 2013). La valeur seuil optimale du PSA est donc difficile à définir, d’autant que les patients atteints de CaP peuvent également avoir des taux de PSA faibles (Thompson et al., 2004). Le PSA est un gène cible de AR (Riegman et al., 1991) et les recherches pour identifier un nouveau marqueur potentiel du CaP se sont tournées vers l’identification de nouveaux gènes impliqués dans la voie de signalisation de AR. Ainsi, d’autres gènes cibles de AR, tels que AMACR ou PCA3, sont utiles dans la détection du CaP (Bradford et al., 2006). Le marquage immuno-histochimique de AMACR dans les biopsies permet de détecter des lésions cancéreuses de faible ampleur (Carswell et al., 2006). Le dosage urinaire de PCA3 a été récemment approuvé par la FDA, comme outil de diagnostic chez les hommes avec un taux de PSA élevé et un résultat de biopsies négatif (Filella et al., 2013). d- Classification et valeur pronostique Afin de classer et de définir un pronostic du CaP, plusieurs systèmes de classification des tumeurs existent, tenant compte de l’étendue de la tumeur (Stade TNM), de l’apparence histologique (Score de Gleason) ou d’un ensemble de plusieurs paramètres (Classification d’Amico). Stades TNM Un système de classification identique pour tous les cliniciens et les pathologistes a été adopté par le comité «American Joint Committee on Cancer » (AJCC) pour définir les CaP en terme de stade. Il s’agit du système TNM (Tumor, Node, Metastasis). Il décrit l’extension de la tumeur primitive (stade T), l’absence ou la présence de métastases aux ganglions avoisinants (stade N) et l’absence ou la présence de métastases à distance (stade M). Cette classification permet d’estimer l’étendue de la tumeur et de prédire l’évolution de la maladie (Figure 7). Elle est revue tous les 5 ans (Edge and Compton, 2010). Il existe une classification clinique (cTNM) et pathologique (pTNM). Le cTNM s’appuie sur les données disponibles (examen clinique, biopsies) avant la réalisation du traitement. Elle permet d’aider au choix du traitement. La classification pTNM tient compte des renseignements supplémentaires apportés par le geste chirurgical et l’examen histopathologique de la pièce opératoire. La définition du pN implique une exérèse appropriée des ganglions concernés. La classification pM implique un examen histologique des foyers métastatiques. La classification pathologique est utilisée pour décider du choix d’un traitement adjuvant et ré-évaluer le pronostic. Figure 7 : Classification TNM des tumeurs de la prostate. Classification selon l’AJCC (American Joint Committee on Cancer), d’après les dernières modifications (Edge and Compton, 2010). Images modifiées à partir de cancer.gov (National Cancer Institute). Score de Gleason Lorsqu’un cancer de la prostate est diagnostiqué, le système de gradification le plus fréquemment utilisé est le grade de Gleason. Ce système de gradient proposé par Gleason en 1966 (Gleason, 1966) a évolué (Gleason, 1992), avant d’être ré-évalué lors d’une conférence consensus (Epstein et al., 2005). Son échelle va de 1 à 5, en fonction de l’architecture de la tumeur (Figure 8). Le grade 1 correspond à un carcinome bien différencié, où les glandes tumorales diffèrent peu des glandes normales et le grade 5 à un carcinome indifférencié ne présentant plus la morphologie, ni les fonctions sécrétoires normales.
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